« prosterner », définition dans le dictionnaire Littré

prosterner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

prosterner

(pro-stèr-né) v. a.
  • 1Coucher à terre en signe d'adoration ou de respect. Oui, tandis que le roi va lui-même en personne Jusqu'aux pieds de César prosterner sa couronne, Corneille, Pomp. III, 1. Exauce cette indigne et vile créature Que prosterne à tes pieds un humble repentir, Corneille, Imit. IV, 9. Entrez ; à ses genoux prosternez vos douleurs, Chénier, Élég. II, 13.

    Fig. Une fausse science fait les athées ; une vraie science prosterne l'homme devant la divinité, Voltaire, Mél. litt. Lettre au prince de ***, IV, Th. Chubb.

    Représenter prosterné. L'artiste a prosterné les deux sœurs aux pieds du Christ, Diderot, Salon de 1763, dans GODEFROY, Lex. de Corneille.

  • 2Dans le sens latin, renverser, jeter bas. Les âmes faibles que prosterne le ton hardi de la confiance, L'Abbé Houtteville, dans DESFONTAINES. Grégoire de Tours dit que Dieu prosternait tous les jours ses ennemis [de Clovis], Montesquieu, Esp. XXX, 24. Ces arbres ne dépassent pas la hauteur d'un homme, le vent océanique les prosterne à l'instar des fougères, Chateaubriand, Mém. d'outre-tombe, t. II, p. 169.
  • 3Se prosterner, v. réfl. S'abaisser jusqu'à terre en posture de suppliant ou d'adorant. Moïse et Aaron, ayant entendu ceci, se prosternèrent en terre à la vue de toute la multitude des enfants d'Israël, Sacy, Bible, Nomb. XIV, 5. Je me suis souvenue de la manière d'enterrer des feuillantines ; toutes ces saintes filles se prosternèrent trois fois avant que de jeter ma pauvre cousine dans sa fosse, Sévigné, 611. S'il [Alexandre] voulait qu'étant le vainqueur et le maître des Perses, on le saluât à la persane, qu'on se prosternât devant lui dans certaines occasions…, Voltaire, Dict. phil. Alexandre.

    Avec l'ellipse du pronom personnel. Il [le comte de Toulouse] parut devant le légat… à la porte de l'église de Saint-Gilles ; là le diacre lui mit une corde au cou, et un autre diacre le fouetta… après quoi on fit prosterner le prince à la porte de cette église pendant le dîner du légat, Voltaire, Mœurs, 62.

    Fig. On se moque de temps en temps de l'idole de boue devant laquelle on se prosterne ; mais on se prosterne, Diderot, Claude et Nér. II, 28.

    Familièrement et fig. Se prosterner devant quelqu'un, reconnaître, avouer sa supériorité. J'ai juré, dit le vent, d'abattre le superbe Qui me résiste ainsi que toi ; Et je laisse en paix le brin d'herbe Qui se prosterne devant moi. Tâche de désarmer ma haine, Ou j'achève à l'instant de te déraciner. - Je puis tomber, reprit le chêne ; Je ne saurais me prosterner, le Chêne et le Vent, fable attribuée à BOISARD, et que l'on prétend se rapporter au refus de Louis XVIII sollicité par Bonaparte de renoncer pour lui et sa famille au trône de France.

REMARQUE

L'Académie ne donne prosterner que comme verbe réfléchi ; mais les meilleurs auteurs l'ont, comme on voit, employé activement.

HISTORIQUE

XVe s. Elle [une grande inondation] prosterna plusieurs gros villages et maisons, Juvénal Des Ursins, Hist. de Charles VI, p. 172, dans LACURNE.

XVIe s. Après que la force et puissance de l'ame estoit toute prosternée, Amyot, Démétr. 52. Il feit continuellement prieres pour elle à Juno, en se prosternant à terre devant son image, Amyot, Artax. 33. Lesquels [parents] encore qu'ils soient riches et aisez, et qu'ils aient moien de les nourrir [leurs enfants] et entretenir, neanmoins ils les prosternent, abandonnent…, Du Cange, prosternari.

ÉTYMOLOGIE

Lat. prosternere, de pro, en avant, et sternere, étendre (voy. STRATE).