« recruter », définition dans le dictionnaire Littré

recruter

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recruter

(re-kru-té) v. a.
  • 1Lever des gens de guerre. La nécessité de recruter continuellement ses troupes, d'entretenir ses garnisons et les corps d'armée… tout cela avait coûté à la Suède, pendant le cours de la guerre, plus de 250000 soldats, Voltaire, Charles XII, 5. Ces misérables restes d'un corps de sept mille hommes qui n'avait jamais été recruté, et qui, aidé de quelques miliciens, de quelques sauvages, avait fait de si grandes choses, furent enfin réduits à capituler, Raynal, Hist. phil. XVI, 22.
  • 2 Fig. et familièrement. Attirer dans une compagnie, dans une partie. Il recrutait avec ardeur des associés.

    Absolument. Quoi ! d'indignes enfants de Mars Briguaient une livrée, Quand ma muse éplorée Recrutait pour leurs étendards, Béranger, Ad. à la gloire.

  • 3Mettre de nouvelles drogues dans la teinture.
  • 4Se recruter, v. réfl. Recevoir des recrues. Le régiment s'étant recruté.

    Fig. Le sénat romain se recrutait parmi les chevaliers. Ce qui prouve que, dès ce temps, Londres, bien loin de suffire à sa population, avait besoin de se recruter tous les ans de plus de la moitié du nombre de ses naissances, Buffon, Prob. de la vie, Œuv. t. X, p. 557.

REMARQUE

Recruter est un néologisme qui s'est fait dans le XVIIe siècle, comme le montrent les passages suivants : Vous y pourrez apprendre [dans la Gazette de Hollande] certains termes qui ne valent rien, comme celui de recruter, dont vous vous servez ; au lieu de quoi il faut dire faire des recrues, Racine, Lett. à son fils, 1. Vous me permettrez de vous dire que le mot de recruter est depuis longtemps fort en usage dans les pays étrangers, quand on y écrit ou que l'on y parle français ; Lafont, qui a mis les gazettes de Hollande françaises dans la plus haute réputation où elles aient été et qui vivait quelques années avant la guerre de 1672, se servait souvent de ce mot, Bayle, Lett. à l'abbé Dubos, 3 janv. 1697.

ÉTYMOLOGIE

Recrue. Dans le XVIIe siècle, recruter était, comme on a vu, un néologisme condamné, à cause du t qui y est contre l'analogie ; aujourd'hui le mot est pleinement accepté, et ce qu'il avait de désagréable s'est effacé par l'usage.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

RECRUTER. Ajoutez :
5Se recruter dans, puiser ses éléments dans. Bien souvent la folie se recrute dans le crime, comme le crime se recrute dans la folie, Maxime du Camp, Rev. des Deux-Mondes, 1er septembre 1872, p. 63.

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez : M. Gaston Paris n'admet pas que recruter ait été formé irrégulièrement de recrue, et il propose une tout autre origine. Il y a dans l'ancien français un verbe recluter qui voulait dire mettre une pièce à quelque chose : Taye reclutée (1341), DU CANGE, reclutare. C'est de ce verbe que dérivent l'ital. reclutare et l'espag. reclutar, qui signifient compléter, suppléer, et aussi recruter. L'existence du sens de recruter dans les mots italiens et espagnols montre que recluter avait eu aussi le sens de compléter une troupe. Plus tard l'oubli du sens de ce vieux mot et sa ressemblance avec recrue en facilitèrent l'altération en recruter. Cela est curieux et paraît tout à fait établi. Il est bien entendu que recrue est un tout autre mot et vient de recroître. Quant à recluter, il est formé du préfixe re, et de l'ancien français clut, morceau, pièce d'étoffe, du germanique : island. klut ; angl. clout.