« roture », définition dans le dictionnaire Littré

roture

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

roture

(ro-tu-r') s. f.
  • 1État d'une personne ou d'un héritage qui n'est pas noble. Terre en roture. Posséder en roture. À se croire d'un rang d'éclat environné, Quoiqu'en pleine roture on soit quelquefois né, Hauteroche, Bourg. de qual. I, 5. Les Suisses s'offensent d'être dits gentilshommes, et prouvent la roture de race pour être jugés dignes de grands emplois, Pascal, Pens. V, 8, éd. HAVET. Il s'en trouve qui, nés à l'ombre des clochers de Paris, veulent être Flamands ou Italiens, comme si la roture n'était pas de tout pays, La Bruyère, XIV. On la trouve encore [la coutume de faire héritier le dernier des mâles qui reste avec le père] en Bretagne, où elle a lieu pour les rotures, Montesquieu, Espr. XVIII, 21. Les Trublet, se trouvant très illustrés de l'ancienneté sans tache de leur roture, n'ont jamais eu la sotte vanité, comme tant d'autres, de se faire, de bourgeois anciens, gentilshommes nouveaux, D'Alembert, Éloges, Trublet. Lorsqu'un fief tombe en roture, malheur si commun de nos jours…, Courier, Lett. V.

    Fig. Mais enfin par le temps le mérite avili Vit l'honneur en roture et le vice ennobli, Boileau, Sat. V. Vous me peignez un fat qui met l'esprit en roture, La Bruyère, XII. Puisque l'amour et la nature, Avec le sens commun, sont tombés en roture, Lachaussée, Retour impr. I, 1.

  • 2 Collectivement. Les roturiers. La fatuité égale la roture aux meilleurs noms, Vauvenargues, Nouv. max. 156. Assujettie à ses emplois, Jadis l'opulente roture N'osait aspirer à nos droits, Bernis, Ép. 2e, Mœurs. Si la roture en France n'eût jamais dérogé, ni la valeur dégénéré en gentilhommerie, jamais nos femmes n'eussent entendu battre vos tambours [de vous, ennemis], Courier, 2e lettre au censeur.

HISTORIQUE

XVIe s. Quand droit de relief est du pour roture ou cotterée, il est coutumierement du double du cens ou de la rente, Loysel, 547.

ÉTYMOLOGIE

Lat. ruptura, rupture, pris dans le moyen âge au sens de champ défriché. fendu par le soc, et de là héritage de vilain ; on trouve dans un ancien texte terram in ruptura, terre en roture (voy. DU CANGE, ruptura). L'archiviste de la Manche, M. Dubosq, rencontrant en des documents du moyen âge rentes rotulieres, redditus rotulares, a pensé que roturier venait de là, et signifiait proprement celui qui était inscrit sur un rôle, rotulus, pour le payement des redevances envers le seigneur. Il est vrai que roturier pourrait provenir de rotulier ; le changement de l'l en r ne ferait pas une grosse difficulté ; mais de rotulier ou roturier on n'aurait jamais tiré roture, tandis que de roture on tire facilement roturier. Au reste, cette étymologie par roturier avait déjà été proposée par l'auteur des Dissertations sur l'origine des Francs, Paris, 1748, p. 147.