« affliger », définition dans le dictionnaire Littré

affliger

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affliger

(a-fli-jé. On met un e muet après le g devant l'a et l'o) v. a.
  • 1Causer un grand dommage, désoler, tourmenter. De longues guerres ont affligé l'Europe. Un grand malheur eût affligé l'État. Être affligé d'une maladie cruelle. Le choléra, parti de l'Inde, vint affliger l'Occident. La guerre est le plus grand des maux dont les dieux affligent les hommes, Fénelon, Tél. X. Je serai du parti qu'affligera le sort, Corneille, Hor. I, 1. Il affligera d'impôts la gloire du royaume, Pascal, Proph. 25. Quand la mort affligeait un corps innocent, Pascal, édit. Cousin. Si le ciel… Veut encor m'affliger par une longue vie, Racine, Bérén. III, 1. Tout cela [les pénitences imposées par le confesseur] devient impossible ; pourquoi ? Parce que tout cela afflige les sens et qu'on ne prétend rien leur retrancher de leurs commodités et de leurs aises, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 340. De quelles austérités affligez-vous votre corps ? Bourdaloue, ib. p. 352. L'on s'insinue auprès de tous les hommes, soit en les flattant dans les passions qui occupent leur âme, ou en compatissant aux infirmités qui affligent leur corps, La Bruyère, 11.
  • 2Causer de l'affliction. Cette mort nous afflige. Peu de chose nous console, parce que peu de chose nous afflige. Je viens de l'affliger, c'est à moi d'adoucir Le déplaisir mortel qu'elle a dû ressentir, Voltaire, Zaïre, III, 1. Il m'adore, Phaedime, et les mêmes douleurs Qui m'affligeaient ici le tourmentaient ailleurs, Racine, Mithr. II, 1. Je l'affligerais trop si j'osais achever, Racine, Phèd. V, 3. Son visage odieux m'afflige et me poursuit ? Racine, Esth. II, 1. J'ai tantôt sans respect affligé sa misère, Racine, Iphig. III, 1. Ô Dieu, vous plaît-il de m'abaisser ou de m'élever, de m'affliger ou de me consoler, de traverser mes desseins ou de les favoriser ? Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 73.

    Par extension. Ils voudraient toucher les cœurs et ne font qu'affliger les oreilles.

  • 3Mortifier. Vous pouvez réparer, en affligeant votre chair, vos voluptés criminelles, Massillon, Car. Vocation. L'austérité d'une haire presque perpétuelle affligeait l'innocence de son corps [de Saint-Louis], Massillon, St Louis. J'ai affligé mon âme par le jeûne, Massillon, Resp. Comment as-tu pensé… que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit d'affliger tous mes désirs ? Montesquieu, Lettr. pers. 161.
  • 4S'affliger, v. réfl. Éprouver de l'affliction. S'affliger des malheurs d'un ami. Je m'afflige de voir que… La contrition est une douleur et, par conséquent, un acte de la volonté qui s'afflige, qui hait, qui déteste, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 288. Sans vous en affliger, présumez avec moi…, Corneille, Poly. I, 3. Ne nous affligeons point vainement l'un et l'autre, Racine, Baj. III, 4.

HISTORIQUE

XIIe s. Par veue et paroïe eret il justes, si manoit entre ceaz ki de jor en jor afflient l'arnme [âme] del juste par lor malvaises oevres, Job, 441. Cant la severiteiz de la deventriene [intérieure] visitation enflammet l'afflite pensée encontre soi-mimes…, ib. 484. Elyphas, qui premiers entre les amis Job parolet, si forvat juske al ramponnement del afflit, ib. 476.

XIIIe s. C'est le Baudrain qui fist nostre roi si afflire Que par force le fist desus son arçon gire, Du Cange, affligere.

XVe s. Et vers la nuit les Ecossois… prindrent le roy qui moult estoit las et afflict, J. de Troyes, Chron. 1465.

XVIe s. Affligé de longue hydropisie…, Montaigne, II, 26. J'ay aultrefois esté employé à consoler une dame vrayement affligée, Montaigne, III, 291. Il n'est pas raisonnable de laisser et abandonner l'affligé en son affliction sans luy donner quelque reconfort, Amyot, Démosth. 31. Nous souspirons avec les affligés, compatissons à leur mal, Charron, Sagesse, I, 33.

ÉTYMOLOGIE

Wall. affligî, bossu ; de affligere, de ad (voy. à) et fligere, frapper. Fligere est le même que le grec πλήγειν (voy. PLAIE). Le latin affligere, ayant l'accent sur fli, n'aurait pu donner, que par méprise de conjugaison, affliger ; aussi ne l'a-t-il pas donné dans l'ancien français. Le verbe y est aflire et le participe aflit, de afflictus. C'est au XVIe siècle que affliger, calqué sur le latin, a fait oublier l'ancienne forme régulière.