« chèrement », définition dans le dictionnaire Littré

chèrement

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

chèrement

(chê-re-man) adv.
  • 1D'une manière affectueuse et tendre. Vous n'êtes aimée en nul lieu du monde si chèrement qu'ici, Sévigné, 8. Cela pourrait bien être, il m'aimait chèrement, Corneille, Poly. I, 4. Cela peut être encore, ils s'aimaient chèrement, Corneille, Sertor. I, 2. Ne sois point rebelle à mon commandement Qui te donne un époux aimé si chèrement, Corneille, Cid, V, 7. Si l'histoire de l'Église garde chèrement la mémoire de cette reine, Bossuet, Reine d'Anglet. Conservez ce livre chèrement, Molière, Éc. des f. III, 2. Jamais elle [ma douleur] ne quittera Un cœur qui chèrement toujours la gardera, Molière, l'Étour. II, 6.
  • 2À haut prix. Payer, acheter, vendre chèrement une marchandise. On achète des étoffes chèrement, Pascal, Prov. 8. Hazael m'acheta chèrement, Fénelon, Tél. IV. La cour ne voulut pas les [Coligni et Bouteville] acheter assez chèrement, Voltaire, Louis XIV, 6. Ah ! c'est trop fort ; vit-on jamais pareille usure ? - Monsieur, je ne crois pas mériter cette injure Pour avoir obligé monsieur votre neveu ; Je l'aimais chèrement. - Il y paraît, morbleu ! Andrieux, les Étourdis, III, 3.

    Fig. Il paya cette courte joie chèrement. Une dignité qu'à la fin il voulut quitter comme trop chèrement achetée, Bossuet, le Tellier.

    Vendre chèrement sa vie ou faire acheter chèrement sa vie, ne succomber qu'après avoir fait beaucoup de mal à l'ennemi. Maison, dans une plaine rase avec sept à huit cents hommes seulement devant des milliers d'ennemis, perdit tout espoir ; déjà même il ne songeait plus qu'à gagner un bois pour vendre plus chèrement sa vie, quand…, Ségur, Hist. de Napol. XI, 12.

    On dit au même sens, mais dans le langage familier, vendre chèrement sa peau.

HISTORIQUE

XIe s. La mort Rolant [je] lur cuid cherement vendre, Ch. de Rol. CCXIV.

XIIe s. Mout chierement [la trahison] sera gueredonée, Ronc. p. 49. Ne me vout [voulut] pas Diex por neant donner Tous les soulas qu'ai eüs en ma vie ; Ains les me fait chierement comparer [payer], Couci, XXII.

XIIIe s. Et il les achetoient moult volentiers et chierement, Joinville, 234.

XVe s. Si les pria le dit roi cherement, qu'ils volsissent si bien penser, Froissart, I, I, 126. Puisqu'ainsi est que loingtain de vous suis, Ma maistresse, dont Dieu scet s'il m'ennuye, Si chierement vous requiers que je puis, Qu'il vous plaise…, Orléans, Bal. 12.

XVIe s. De tant de peine endurée Je ne me plains nullement, Mais de l'avoir declairée Je me repens cherement, Saint-Gelais, 140. Qu'ilz ne mourussent point sans vendre cherement leur mort aux vainqueurs, Amyot, Arist. 41. Oultré de douleur et de regret pour la mort de luy qu'il avoit aimé si cherement, Amyot, Eum. 3. Leurs filles, lesquelles tant chierement avoient nourries en tout exercice vertueux, Rabelais, Pant. III, 46. Cettuy-ci [un précepteur] qu'il avoit fait venir exprès et qui estoit bien cherement gagé, Montaigne, I, 193.

ÉTYMOLOGIE

Chère, et le suffixe ment ; provenç. caramen ; espagn. et ital. caramente