« mortifier », définition dans le dictionnaire Littré

mortifier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mortifier

(mor-ti-fi-é), je mortifiais, nous mortifiions, vous mortifiiez ; que je mortifie, que nous mortifiions, que vous mortifiiez v. a.
  • 1 Terme de médecine. Causer la mort, la gangrène d'une partie. Un bandage trop serré peut mortifier la peau et les muscles.

    Fig. La mort est nécessaire pour mortifier cette malheureuse racine [du péché], et c'est ce qui la rend souhaitable, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 9.

  • 2Faire que la viande devienne plus tendre. Le grand air mortifie la viande.
  • 3 Fig. Affliger son corps par des austérités, par des privations. Il faut être mortifiée sur toutes choses, Sévigné, 343. Plût à Dieu que, touché d'un si saint exemple, je mortifie mes membres mortels ! Bossuet, Bourgoing.

    Mortifier ses sens, ses passions, les réprimer dans la vue de plaire à Dieu.

  • 4Humilier par une mortification. Que je souffre en dedans ! et qu'il me mortifie ! Regnard, Démocrite, I, 4. Nous sommes si mortifiés de n'avoir pas réussi dans notre entreprise, que nous renonçons à toutes les fourberies, Lesage, Crisp. riv. de son maître, sc. 23. Son refus me mortifie plus que je ne puis l'exprimer, Marivaux, Préj. vaincu, sc. 5. Il [Charles XII] arriva en un quart d'heure à l'autre bord, et fut mortifié de ne sauter à terre que le quatrième, Voltaire, Charles XII, 2.

    Absolument. On a bien de l'obligation à ceux qui avertissent des défauts ; car ils mortifient, Pascal, Pens. XXV, 38, éd. HAVET.

  • 5 Terme de l'ancienne chimie. Détruire la forme d'un corps mixte. On mortifiait le mercure en lui ôtant sa fluidité.
  • 6Se mortifier, v. réfl. Être frappé de gangrène. Les parties trop serrées se mortifièrent.
  • 7 Fig. S'infliger à soi-même des austérités ascétiques. Elle se mortifie de ce plaisir, mais c'est sans affectation, Sévigné, 183. Voilà cette pauvre Vibraye submergée dans les plaisirs ; il faudra bien qu'elle se mortifie comme notre ami Tartufe, Sévigné, 3 janv. 1680. On se retranche, on s'abstient, on se mortifie en secret ; mais on fait si bien que ce secret cesse bientôt d'être secret, Bourdaloue, Sévérité, Évang. 2e avent, p. 444.

REMARQUE

Je suis mortifié pour je suis fâché… mortifié veut dire humilié ; il est très ridicule de dire qu'on est humilié de n'avoir pas trouvé quelqu'un chez lui, Genlis, Mém. t. V, p. 93, dans POUGENS.

HISTORIQUE

XIIe s. Esguarde li pechere le juste [le pécheur regarde le juste], et quiert mortifier lui, Liber psalm. p. 48. Li sires mortifie e vivifie, e en enfer meine e remeine, Rois, p. 7. Vos vos mortifiez chascun jor, chier frere, en maintes geünes et en labors sovent, Saint Bernard, 572.

XIIIe s. Et il porsut [poursuivit] les soufreteus por mortefier l'umilié, Psautier, f° 136.

XVe s. Puis le tout bien unifié, Quant Mercure est mortifié Par nature, ne peut jamais Se vivifier…, Traité d'alch. 255.

XVIe s. Il n'y en a aucun [moine], tant contemplatif et mortifié qu'il s'estime estre…, Lanoue, 141. Resolu pourtant de n'accepter aucunement le combat en gros ; mais laisser mortifier cette armée de pieces rapportées, par les seditions, D'Aubigné, I, 339. J'ay appris de vous, monsieur, qu'il faut manger les viandes quand elles sont mortifiées, et profiter sur les hommes, quand ils sont attendris par leurs miseres, D'Aubigné, Conf. II, IX. L'extremité du nez se mortifia sans y avoir aucune pourriture, Paré, X, 14. Je les aime peu cuites [les viandes], et les aime fort mortifiées, Montaigne, IV, 286.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. mortificar, mortifiar ; espagn. mortificar ; ital. mortificare ; du lat. mortificare, de mors, mortis, la mort, et facere, faire.