« noirceur », définition dans le dictionnaire Littré

noirceur

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

noirceur

(noir-seur) s. f.
  • 1Qualité qui fait qu'un corps est noir. La noirceur d'une étoffe. Quoi ! s'ensuit-il qu'on soit un démon, parce qu'on n'est pas un ange, ou que l'embrasement dure encore, parce que l'on voit quelque fumée ou quelque noirceur ? Bossuet, Sermons, Jugem. hum. 1. Cette couleur des Hottentots, dont la noirceur ne peut avoir été affaiblie que par la température du climat, Buffon, Hist. nat. homm. Œuv. t. V, p. 222.
  • 2Obscurité. La noirceur des bois sombres. Laisse-moi ; de la nuit je chéris la noirceur ; Je voudrais en pouvoir redoubler les ténèbres, Saurin, Beverlei, IV, 5.

    Fig. Je disais bien au fils d'un malheureux [le comte de Vaux, fils de Fouquet] que, si avec son mérite et sa valeur, qui perce même la noirceur de sa misère…, Sévigné, 21 oct. 1676.

  • 3Tache noire. Il a des noirceurs au visage.
  • 4 Fig. Tristesse morne. Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos … incontinent il sortira du fond de son âme l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir, Pascal, Pens. XXV, 26. En vérité la noirceur de mes pensées m'a rendue quelquefois insupportable, Sévigné, 56. Mme de Marans vint hier chez Mme de la Fayette ; elle nous parut d'une noirceur, comme quand on a fait un pacte avec le diable, et que l'heure approche de se livrer, Sévigné, 139. J'ai quelquefois des rêveries dans ce bois d'une telle noirceur que j'en reviens plus changée que d'un accès de fièvre, Sévigné, 57. Il m'est doux de penser à vous ; mais l'absence jette une certaine amertume qui serre le cœur ; ce sera pour ce soir la noirceur des pensées, Sévigné, 21 août 1675. Pardonnez-moi d'égayer un peu la noirceur que ma transplantation [à Berlin] répand dans mon âme, Voltaire, Lett. Mme Denis, 24 août 1750.

    Pensées sombres. Je suis trop heureuse de l'espérer [le jour où elle reverra Mme de Grignan], et je ne veux point gâter cette joie par des noirceurs et des prévoyances ingrates envers Dieu, Sévigné, 22 sept. 1680. Les noirceurs dans l'esprit, avec des peines si aiguës dans le corps, ah ! mon Dieu, c'en est trop, arrêtez votre bras et faites sentir vos consolations, Bossuet, Lett. abb. 55. Quand vous seriez dans les noirceurs de la mort, Bossuet, ib. 66.

  • 5 Fig. Caractère méchant et perfide d'une action, d'une personne. Un retour de tendresse de cœur Qui de son action efface la noirceur, Molière, Ec. des f. V, 4. Qu'il y a de noirceur et d'apparence d'aigreur à conserver longtemps ces sortes de haines ! elles doivent passer avec les affaires qui les causaient, Sévigné, 20 oct. 1679. De ces femmes pourtant l'hypocrite noirceur Au moins pour un mari garde quelque douceur, Boileau, Sat. X. D'un empoisonnement vous craignez la noirceur ? Racine, Brit. IV, 4. Et, par là de son fiel colorant la noirceur, Racine, Athal. I, 1. Dans toute leur noirceur retracez-moi ses crimes, Racine, Phèdre, IV, 4. La colère du roi [Alexandre] étant comme éteinte tout à coup dans le sang de Clitus, son crime se montra alors à lui, avec toute son énormité et toute sa noirceur, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 462, dans POUGENS. Méchant [Dubois] avec réflexion, et par nature, et par raisonnement, traître et ingrat, maître expert aux compositions des plus grandes noirceurs, Saint-Simon, 390, 14. Quel excès de noirceur ! Voltaire, Zaïre, IV, 6. J'ai démêlé son âme, et j'en vois la noirceur, Voltaire, Sémiram. II, 1.
  • 6Action ou parole qui a pour but de nuire. Il y a bien des noirceurs dans ce que dit la Voisin, Sévigné, 26 janv. 1680. Fausses confidences, noirceurs, billets sacrifiés, flatterie, médisance, Baron, Homme à bon. fort. I, 10. C'est un enchaînement de tours, d'horreurs secrètes, De gens qu'il a brouillés, de noirceurs qu'il a faites, Cresset, Méch. I, 2. Le manége, l'intrigue, les piéges et ce qu'on appelle la noirceur, ne s'emploient qu'entre les rivaux d'ambition, Duclos, Consid. mœurs, ch. 11. Je sus qu'ils m'imputaient des noirceurs atroces, sans jamais pouvoir apprendre en quoi ils les faisaient consister, Rousseau, Confess. X. Les noirceurs secrètes, tous les petits moyens que l'ignorance et l'envie savent si bien mettre en usage contre ce qui leur nuit ou leur déplaît, sont employés pour perdre ce dangereux novateur [Rameau], D'Alembert, Lib. de la mus. Œuv. t. III, p. 341, dans POUGENS. Soyez sûr que Mme du Deffand, qui vous a écrit cette noirceur, est bien moins votre amie que nous, D'Alembert, Lett. à Volt. 2 juill. 1770.

HISTORIQUE

XIIe s. Après vient l'oscurté si granz, E les tenebres, la nerçors, Benoit de Sainte-Maure, II, 2074.

XIVe s. La nerceur [de la dure-mère] apert [apparaît] as eus [yeux], H. de Mondeville, f° 56.

XVIe s. Au lieu de peler les noix, l'on les perce en trois ou quatre endroits, afin de leur feire vuider la liqueur maligne, leur causant la noirceur, De Serres, 859.

ÉTYMOLOGIE

Dérivation irrégulière de noir (voy. NOIRCIR). À côté de noirceur, il y avait neror, tiré directement du latin nigrorem, et noireté.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

NOIRCEUR. Ajoutez :
7Synonyme de nielle. Beaucoup de pieds [de houblon] ont à peine atteint la moitié de la hauteur des perches ; d'autres ont tant souffert de la vermine et de la noirceur, qu'ils ne laissent plus espérer qu'un rendement fort minime, Extr. des Affiches de Bischwiller, dans Journ. offic. 19 juill. 1876, p. 5317, 3e col.