« oubli », définition dans le dictionnaire Littré

oubli

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

oubli

(ou-bli) s. m.
  • 1Perte du souvenir. Enchanté par sa passion, et détourné par les affaires, il [David] laissait la vérité dans l'oubli, Bossuet, Sermons, Prédicat. 2. Et souvent, sans ces vers qui les ont fait connaître, Leur talent dans l'oubli demeurerait caché, Boileau, Sat. IX. Oh ! d'un si grand service oubli trop condamnable ! Racine, Esth. II, 3. D'adorateurs zélés à peine un petit nombre Ose des premiers temps nous retracer quelque ombre ; Le reste pour son Dieu montre un oubli fatal, Racine, Ath. I, 1. Presque tous les événements sont précipités les uns par les autres dans un éternel oubli ; c'est une réflexion qu'on ne saurait trop faire, Voltaire, Russie, Préf. hist. D'un éternel oubli ne tirez point les morts, Voltaire, Sémiram. II, 7. Déjà l'obscure nuit versait l'oubli des maux, Delille, Én. IX. La merveilleuse illusion de l'oubli fait aller le monde, Staël, Corinne, XVIII, 3. Il n'y a point d'oubli pour les personnes d'une imagination forte, Staël, ib. 6. Ma bonne fée, au seuil du pauvre barde, Oui, vous sonnez la retraite à propos ; Pour compagnon, bientôt dans ma mansarde, J'aurai l'oubli, père et fils du repos, Béranger, Adieu, chansons.

    Tomber dans l'oubli, s'effacer de la mémoire des hommes. N'oubliez pas d'insister plus que vous ne faites dans votre épître, sur la protection qu'on accordait aux persécuteurs de Corneille, et sur l'oubli profond où sont tombées toutes les infamies qu'on imprimait contre lui, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 8 sept. 1761.

  • 2Action d'oublier. Oubli du monde et de tout, hormis Dieu, Pascal, dans son amulette. Dans cet oubli profond et de Dieu et d'elle-même où elle ['âme] s'était plongée, Bossuet, la Vallière. Jéhu, sur qui je vois que votre espoir se fonde, D'un oubli trop ingrat a payé ses bienfaits [de Dieu], Racine, Athal. III, 6. Lorsque Julien voulut mettre de la simplicité et de la modestie dans ses manières, on appela oubli de la dignité ce qui n'était que la mémoire des anciennes mœurs, Montesquieu, Rom. 17.

    Mettre en oubli, perdre le souvenir. Assez d'autres sans vous n'ont pas mis en oubli Par quelles cruautés son trône est établi, Corneille, Cinna, I, 2. Les premières douleurs sont mises en oubli, Pascal, Prophéties, 33, éd. FAUGÈRE. Quoi !… Nous mettrons notre honneur et son sang en oubli ! Il est mort ; savons-nous s'il est enseveli ? Racine, Mithr. I, 3. Dont l'écrit froid et long, déjà mis en oubli, Ne fut jamais connu que de l'abbé Mably, Voltaire, Ép. à Horace.

    Oubli des injures, l'action d'oublier les injures et de n'en garder aucun ressentiment.

    Oubli de soi-même, abnégation de ses intérêts, de ses droits.

    Oubli de ses devoirs, action de manquer à ses devoirs. Je vois avec une amère confusion jusqu'où l'oubli du premier de mes devoirs m'a fait porter celui de tous les autres, Rousseau, Hél. I, 39.

    Il se dit, dans un sens analogue, des personnes qu'on néglige. …Nourrir dans son âme Le mépris de sa mère et l'oubli de sa femme, Racine, Brit. III, 3. L'oubli de tous les droits né de l'oubli des dieux, Delille, Imag. I.

  • 3Acte d'oubli. Réparer un oubli. J'oubliais mon amour, dit-il… ah ! oui, les hommes ont de ces oublis ; leur cœur et leurs sens peuvent agir séparément, Mme Riccoboni, Jul. Catesby, Œuvr. t. I, p. 380, dans POUGENS.
  • 4Le fleuve de l'oubli, le Léthé (voy. ce mot).

HISTORIQUE

XIe s. Mais lui meïsme [il] ne vuet mettre en oubli, Ch. de Rol. CLXXIII.

XIIIe s. Et ce qu'on voit ne doit estre en oubli, Eust. le Peintre, dans Couci. Or te voil dire et conseillier, Que l'amors metes en obli, Dont ge te voi si afoibli, la Rose, 3031.

XVe s. Le jeune roy d'Angleterre ne meit pas en oubly le voyage qu'il devoit faire au royaume de France, Froissart, I, I, 52.

XVIe s. Tu bois le long oubli de tes travaux passez, Du Bellay, J. VI, 8, recto. Il a esté necessaire que Dieu eust ses registres authentiques pour y coucher sa verité, afin qu'elle ne perist point par oubli, Calvin, Instit. 29.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. oblit, obli ; catal. oblit, olvit ; espagn. olvido ; ital. oblio ; de oblitum, supin de oblivisci, oublier (voy. OUBLIER).