« souhaiter », définition dans le dictionnaire Littré

souhaiter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

souhaiter

(souè-té ; en vers, sou-è-té) v. a.
  • 1Désirer pour soi. Et, moi, que tes désirs avaient tant souhaitée, Corneille, Médée, III, 3. J'ai souhaité l'empire, et j'y suis parvenu ; Mais, en le souhaitant, je ne l'ai pas connu, Corneille, Cinna, II, 1. [Anne de Gonzague mourante] n'a eu à se repentir que d'avoir une seule fois souhaité une mort plus douce, Bossuet, Anne de Gonz. Narcisse, c'est assez : je reconnais ce soin, Et ne souhaite pas que vous alliez plus loin, Racine, Brit. IV, 4. Avez-vous en effet souhaité ma présence ? Racine, Andr. IV, 3. Il me semble qu'on doit se trouver heureuse de ne point entrer dans une maison où l'on est si peu souhaitée [à propos d'un mariage], Mme de Villars, Lett. 7 mars 1697. Vous me promettez l'empire du monde, si je crois que vous avez raison ; je souhaite alors de tout mon cœur que vous ayez raison, Voltaire, Rem. Pens. Pascal, 5.

    Suivi d'un infinitif, il s'emploie sans préposition ou avec la préposition de. Pour moi, je n'ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun ; même j'ai souvent souhaité d'avoir la pensée aussi prompte, ou l'imagination aussi nette et distincte que quelques autres, Descartes, Méth. I, 2. Ne souhaite régner dans le cœur de personne, Corneille, Imit. II, 8. Ce grand Alexandre a souhaité de faire du bruit dans le monde durant sa vie et après sa mort ; il a tout ce qu'il a demandé, Bossuet, la Vallière. Je souhaite et je crains de rencontrer vos yeux, Voltaire, Zaïre, II, 2.

    Absolument. Et s'il pouvait plus faire, il souhaiterait moins, Corneille, Pomp. v, 5. Toutefois, qu'il soit fait comme vous souhaitez, Racine, Esth. II, 7.

  • 2Désirer pour un autre. Souhaiter du bien à ses amis. Voici ce qu'en mourant lui souhaite sa mère ; Que dis-je ? souhaiter ! je me flatte, j'espère…, Racine, Ath. v, 6. Mais vous ne saurez pas, du moins je le souhaite, En quel trouble mortel son intérêt [d'un fils] nous jette, Racine, Andr. III, 4. Dans un siècle où la charité est refroidie, c'est presque faire le bien que de le souhaiter, Massillon, Orais. fun. Villars. On souhaiterait à Plaute la politesse de Térence, à Térence la gaîté de Plaute, Marmontel, Œuv. t. VI, p. 153.
  • 3Souhaiter quelqu'un, désirer sa présence. M. de Coulanges m'a mandé plus de quatre fois que vous m'aimiez de tout votre cœur, que vous parliez de moi, que vous me souhaitiez, Sévigné, 8. Ma fille, je vous souhaite à tout, je vous regrette partout, Sévigné, 5 janv. 1689.
  • 4 Absolument. Former des souhaits. Souhaiter, ce n'est pas une peine Étrange et nouvelle aux humains, La Fontaine, Fabl. VII, 6. Cette pauvre Lestrange est chanceuse ; elle est mal des deux côtés : la femme [Marie-Thérèse] a cru qu'elle souhaitait pour la fille [Mlle de Fontanges] ; et au contraire elle donnait à la fille de si bons conseils, que Jupiter [Louis XIV] l'ayant su, il l'a prise en horreur, Sévigné, 26 avr. 1680.
  • 5Il se dit dans les formules de compliment. Souhaiter le bonjour, le bonsoir, la bonne année. Je vous souhaite une heureuse année, ma chère fille, Sévigné, 180.

    Familièrement. Je vous en souhaite, se dit à une personne qui désire une chose qu'elle n'aura pas. À mon amant aujourd'hui ? je t'en souhaite ! et qu'en dirait demain mon mari ? Beaumarchais, Mar. de Fig. I, 1.

  • 6Se souhaiter, v. réfl. Être souhaité. Cela ne se souhaite pas.
  • 7Désirer d'être… Se souhaiter immortel. Et moi, à qui il reste tant d'autres choses à désirer, qui suis éloigné de tant de chemin du lieu où je me souhaite…, Voiture, Lett. 33.

HISTORIQUE

XIIIe s. Il i ot si grant plenté de tot biens comme on porroit soushaidier por cors d'omme aaisier, H. de Valenciennes, p. 188. [Manteau] Bien seant à lor gré si come à souhaidier, Berte, CXXIX.

XIVe s. On ne porroit nulle fleur souhaitier, Qu'amans deüst tant amer ne prisier, Machaut, p. 124. Car la matiere forme appete, Comme femme l'homme souhete, Nat. à l'alch. err. 257. On en puet juer [du jeu de tables] en deux manieres, c'est à savoir par souhaidier de le [la] langue, et par gieter les dés, Hist. litt. de la Fr. t. XXV, p. 54.

XVe s. Et dit monseigneur : nous n'y serons pas pour nous y souhaiter ; il y a un trop long chemin d'icy, Froissart, IV, p. 29, dans LACURNE. Raoul le vicomte à grant joye Y fu, qui toute honneur souhaide, la Bataille du Liege.

XVIe s. Il estoit desiré et souhaitté des autres provinces, lesquelles reputoient bien heureuses celles qui pouvoient avoir un tel gouvernement, Amyot, Lucull. 36. Ilz commençoient à souhaitter fort une vie tranquille, reposée et paisible, Amyot, Nicias, 16. Chacun la veut, l'entretient, la souhaitte, Marot, I, 193. …Venus la belle… Renouvella l'obseque et le dueil d'Adonis, Et pour mourir sur lui se souhaita mortelle, Desportes, Épitaphes, Quelus. Souhaiter ne peut aider, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 417.

ÉTYMOLOGIE

Sous, et l'anc. verbe haitier, rendre joyeux, sain ; de là souhaiter, mettre par ses vœux en joie et santé. Haitier vient de l'anc. h. allem. heizan, appeler et aussi faire vœu. Hait et haiter sont encore usités dans l'Ille-et-Vilaine : Je bois à vous de bon hait. Cela ne me haite guère [ne me plaît guère]. Une femme bien haitante, une femme à physionomie agréable.