« apaiser », définition dans le dictionnaire Littré

apaiser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

apaiser

(a-pè-zé) v. a.
  • 1Mettre la paix, faire cesser l'émotion, la colère, en parlant des personnes ou des choses personnifiées. Apaiser un père irrité contre son fils. Apaiser le peuple. Apaiser un chien en lui jetant à manger. Apaiser les mânes, la terre, par des sacrifices. Pour apaiser mon sang et mon ombre plaintive, Racine, Phèd. V, 6. Je m'apaiserais Rome avec votre supplice, Corneille, Pomp. III, 2.
  • 2Faire cesser ; rendre moins violent, moins agité, en parlant des choses. Comment on pourrait apaiser la colère des Dieux. Apaiser une sédition. Apaiser des querelles. Apaiser les souffrances, la douleur, les chagrins, les regrets. Apaiser la faim, la soif. Apaiser les flots, la mer, la tempête, le vent. Apaisez donc sa crainte, Corneille, Polyeucte, I, 1. Apaise, ma Chimène, apaise ta douleur, Corneille, Cid, II, 3. Apaisez son courroux, Corneille, ib. 2. Daignez d'un roi terrible apaiser le courroux, Racine, Esth. III, 5.

    S'APAISER, v. réfl.

  • 3Être en paix, n'être plus en colère ; en parlant des personnes ou des choses personnifiées. Il s'apaisera bientôt. Cette grande colère s'apaisera bientôt. Apaise-toi. Il ne s'apaise que pour…, La Bruyère, 5. Je ne m'apaise point, Molière, l'Étour. III, 5. Les dieux vont s'apaiser…, Racine, Iph. III, 3. Mon cœur court après elle et cherche à s'apaiser, Racine, Andr. II, 5.
  • 4Devenir moins violent. La douleur physique s'apaise. La douleur morale s'apaise avec le temps. La sédition venant à s'apaiser. Le vent, la tempête s'apaise. L'incendie s'apaisa peu à peu. Cela s'apaise en vingt-quatre heures, Sévigné, 81.

REMARQUE

L'Académie écrit apaiser par un seul p et appauvrir par deux. Il faudrait établir la conséquence, et mettre partout ou un seul p pour simplifier l'orthographe, ou deux p pour témoignage de l'étymologie.

SYNONYME

APAISER, CALMER. Apaiser, c'est rendre la paix ; calmer, c'est rendre le calme. Comme calme est d'une signification plus étendue que paix, calmer est plus compréhensif que apaiser. On apaise un homme, quand on fait disparaître sa colère ; on le calme non-seulement dans ce cas, mais aussi quand il est livré à la peur, à l'inquiétude, à l'impatience, à la curiosité. Cette distinction indique la signification de ces deux verbes dans les emplois divers qu'ils reçoivent.

HISTORIQUE

XIIe s. Pour ce voulons qu'elle soit apasée, Ronc. p. 23. Il et Rolant me firent apaier [faire paix], ib. p. 165. Por la destroite guerre finer et apaier, Sax. IV.

XIIIe s. Quand Constance le voit, tous li cuers l'[lui] en apaie [en devient apaisé, satisfait], Berte, LVIII. Ne vous chaut, dit li rois, bien m'en tien apaiés, ib. CXX. Il en eust esté mal baillis, se la roine Blance ne fust, qui fist tant qu'il fu apaisiés à son filz, Chr. de Rains, 191. Avoi, dist il, por le cors dé ; Dangier aviés apaisié, S'aviés le bouton baisié, la Rose, 7285. La mer n'iert ja si apaisie, Qu'el ne soit troble à poi de vent, ib. 3504. Ton cuer ne porras apaier, Ains iras encor essaier Se tu verras par aventure Ce dont tu ies en si grant cure, ib. 1345. Mais certes qui le voir [vrai] en conte, Moult font fames à Dieu grant honte, Comme foles et desvoiées, Quant ne se tiennent apoiées De la biauté que Diex lor donne, ib. 9080. Se li premiers procureres rent conte au deerrain, tel qu'il se tiengne apaiés, li sires… ne l'en pot riens demander, Beaumanoir, 85. Et ne soies mie apeisiez, sire Dieux, à ceux qui ne se repentent de leur malice, Psautier, n° 258, f° 101. De ces gens estranges que le roy avoit apaisié [reconcilié], li disoient aucuns de son conseil que il ne fesoit pas bien, quant il ne les laissoit guerroier, Joinville, 292. Dont mainte gent se tindrent mal apayé [mal satisfaits] de ce que le roy deffit les bones coustumes anciennes, Joinville, 217. Alez, dit le roy, si vous apaisiés au conte de Bretaingne, et puis si ferons nostre mariage, Joinville, 289. Sitost comme le soudanc de Damas fu apaisiés à ceulz d'Egypte, il manda sa gent qui estoient à Gadres, Joinville, 272. Je ne sais pas comment le serement fu atiré [fait], mez li amiral se tindrent bien apaié du serement le roy et des autres riches homes qui là estoient, Joinville, 247. Que cil, en tour que li vallés se soit aloués, se tiegne apaié du vallet et de son service, Liv. des mét. 172.

XVe s. Et ledit messire Hervey devoit pourchasser d'autre part que ceux de dedans seroient apaisés envers messire Charles, quittes et delivres, et ne perdroient rien de leur avoir, Froissart, I, I, 176. Force et povoir puist [qu'il puisse] avoir à son chois, Tant qu'apaisier puist son païs et terre, Deschamps, Du nom du roi Charles.

XVIe s. Par oraisons et sacrifices apaiser l'ire des dieux, Montaigne, I, 64. Et combien que la commune mutinée menast un fort grand bruit, toutefois quand elle le veit, elle s'appaisa, et luy donna paisible audience, Amyot, Cor. 61. La tourmente, comme par miracle, s'estoit tout expressement appaisée, et estoit demourée la mer fort calme et tranquille, Amyot, Timol. 28.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. époisai ; provenç. apagar, apaguar, apaiar, apaziar ; espagn. apagar ; ital. appagare ; de ad (voy. À), et pacare, faire paix (voy. PAYER).