« biais », définition dans le dictionnaire Littré

biais

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

biais

(bi-ê ou biê ; Molière fait ce mot tantôt monosyllabe, tantôt dissyllabe ; l's se lie : un biais adroit, dites : un bi-ê-z adroit) s. m.
  • 1Obliquité, ligne ou sens oblique. Ce mur présente un biais. Cette allée a un biais.

    Fig. Le mauvais goût est une fausseté de jugement, un biais naturel dans les idées, Chateaubriand, Génie, III, IV, 5. Sans cet art, mon âme se pliant avec peine à des biais chimériques, l'illusion ne serait que momentanée, Diderot, Éloge de Richardson.

  • 2Différentes faces d'une chose, côtés d'un caractère. Pour s'accoutumer à regarder de ce biais toutes les choses, Descartes, Méth. 3. Vous me défendez mieux que je ne saurais faire Et du biais qu'il faut vous prenez cette affaire, Molière, Sgan. 21. Voyons, voyons un peu par quel biais, de quel air…, Molière, Mis. IV, 3. Vous avez pris le bon biais pour toucher son cœur, Molière, Bourg. III. Je vois de quel biais on se doit prendre à faire…, Descartes, Méth. Il n'y a point d'esprit faux dont on n'eût tiré des talents utiles, en le prenant d'un certain biais, Rousseau, Hél. V, 3.
  • 3Moyens détournés qu'on emploie pour réussir. Nous n'aurions pas besoin maintenant de rêver à chercher les biais que nous devons trouver, Molière, l'Étour. I, 2. J'ai donc cherché longtemps un biais de vous donner La beauté que les ans ne peuvent moissonner, Molière, F. sav. III, 6. Et comme pour résoudre avec votre maîtresse Des biais qu'on doit prendre à terminer vos vœux, Molière, l'Étour. IV, 1. Mais encore une fois, madame, je ne sais point le biais de faire entrer ici des vérités si hautes, Molière, Ép. dédic. de la Crit. de l'Éc. des f. On a cent biais pour le rendre public, Bourdaloue, Avent. Sur l'évang. 417. Ils sont morts avant qu'on ait bien concerté le biais qu'il faut prendre pour les avertir qu'ils doivent mourir, Fléchier, Serm. I, 174. Je ne sais quel biais ils ont imaginé, Racine, Plaid. I, 7.
  • 4En biais, de biais, loc. adv. Obliquement, de travers. Tailler en biais, de biais. Les parties des eaux aigres s'y coulent de biais, Descartes, L'homme.

    Fig. Accoutumés que nous sommes à ne voir aller les hommes que de biais et par détours…, Masc. Or. fun. de Tur.

  • 5Biais passé, surface réglée gauche employée pour la construction des voûtes en biais.
  • 6 Adj. Qui est de biais. Un pont biais.

HISTORIQUE

XIVe s. Une figure quarrée et le dyametre qui la traverse de biais [diagonale] sont de celle condicion que par nulle mesure tant soit petite par quoy l'en peut une de ces deux choses mesurer, l'en ne pourroit l'autre mesurer precisement, Oresme, Eth. 66.

XVIe s. Ce grand monde, c'est le mirouer où il nous fault regarder pour nous cognoistre de bon biais, Montaigne, I, 171. À ce biais s'accommode la voix divine : ne soyez pas plus sage qu'il ne fault, Montaigne, I, 224. Chasque chose a plusieurs biais et plusieurs lustres [aspects], Montaigne, I, 272. De biais ou de droict fil, Montaigne, II, 353. Une interpretation destournée, contraincte et biaise, Montaigne, IV, 239. Le dit cabinet sera tortu, bossu, ayant plusieurs bosses et concavitez biaises, Palissy, 62. Les bandes doivent estre coupées de droit fil et non de biaiz, Paré, XII, 1.

ÉTYMOLOGIE

Wallon. biaiz ; provenç. biais ; anc. catal. biais ; catal. mod. biax, biaix ; sarde, biasciu ; ital. s-biescio ; napolit. s-biaso ; piém. s-bias ; angl. bias, obliquité, pente. Diez le tire de bifax, qui est dans Isidore avec cette signification : duos habens obtutus, c'est-à-dire ayant un double regard, louche, comme l'espagnol bis-ojo, qui a deux yeux, louche. De là au sens d'oblique on voit sans peine le passage. La suppression de l'f ne fait pas obstacle : car on en a des exemples dans le provençal refusar et reusar, le français refuser et reüser, et encore dans le provençal preon de profundus. Bifax n'est pas isolé dans la basse latinité ; on y trouve befax, bifacius, bifacies. Ce mot est un adjectif ; et biais l'est aussi, comme on le voit dans l'historique et dans la phrase provençale : via biayssa, voie biaise. Bifax, bifacius viennent de bis, deux (voy. BIS), et facies, face (voy. FACE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BIAIS.
6Ajoutez : Appareil et construction des ponts biais, par Graeff, Paris, 1867.
7 S. m. La ligne la plus longue d'un fichu formé par l'étoffe pliée le droit fil de la chaîne sur le droit fil de la trame.

Biais de robe, petites bandes coupées dans le sens de cette plus longue ligne pour faire des ornements aux jupes et aux corsages. Costumes garnis de biais, de volants et de plissés de toute dimension, Journ. offic. 9 mars 1872, p. 1695, 2e col.