« bienheureux », définition dans le dictionnaire Littré

bienheureux

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bienheureux, euse

(biè-neu-reû, reû-z' ; quelques-uns disent, à tort, biin-neu-reû, en donnant à biin le son nasal de in dans in-digne) adj.
  • 1Qui a la félicité, le bonheur. Je le trouve bienheureux de vous avoir vue, Sévigné, 15. Ô bienheureux mille fois L'enfant que le Seigneur aime, Racine, Cant. Allez, et soyez ce bienheureux époux, Racine, Mithr. III, 1. Ô ciel ! je serais ce bienheureux coupable ! Racine, ib. II, 6.

    Il se dit des choses. Ce bienheureux moment n'est pas encor venu, Corneille, Poly. IV, 3. Et ce soin bienheureux n'a rien qui vous déplaise, Corneille, Agésil. I, 1. Du don qu'il me fait Voudrez-vous retarder le bienheureux effet ? Corneille, Cinna, III, 4. Et je croyais toucher au bienheureux moment, Racine, Baj. I, 4. Dans la solitude de Ste-Fare, autant éloignée des voies du siècle que sa bienheureuse situation la sépare de tout commerce du monde, Bossuet, Anne de Gonz.

  • 2Dans le style religieux, qui jouit de la béatitude éternelle. On les eût pris pour ces enfants du ciel, pour ces esprits bienheureux, dont la nature est de s'aimer, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg.

    Par extension. Du séjour bienheureux de la divinité Je descends dans ce lieu par la grâce habité, Racine, Esth. Prol.

    Substantivement, ceux qui sont admis à jouir de la béatitude éternelle, et, en particulier, ceux que l'Église, par un acte solennel qui précède la canonisation, reconnaît et déclare avoir été admis à jouir de la béatitude éternelle. Celui qui obtient les honneurs de la béatification porte le titre de Bienheureux.

    Familièrement. Avoir l'air d'un bienheureux, avoir l'air vénérable, recueilli ; et aussi avoir une figure joyeuse, épanouie. Se réjouir comme un bienheureux, se livrer à la joie, aux divertissements.

REMARQUE

L'Académie dit que bienheureux a vieilli (excepté dans le style religieux), et qu'on l'écrit aujourd'hui en deux mots. Cela n'est pas tout à fait exact. Bien heureux doit s'écrire en deux mots quand il signifie : qui a le bonheur de : je le tiens bien heureux, il est bien heureux d'avoir échappé à ce péril. Mais bienheureux, en un seul mot, a une autre nuance, et désigne celui qui a la félicité, le bonheur.

HISTORIQUE

XIIIe s. Dont nous poons bien dire que il fu plus bienoeureus que Titus l'empereur de Rome, Joinville, 298.

XVIe s. Bienheureuse est la main qui la ploya, Et qui vers moy de grace l'envoya ; Bienheureux est, qui apporter la sceut, Marot, I, 372. Confesse donc que je [la mort] suis bienheureuse, Puis que sans moy tu ne peus estre heureux, Marot, III, 289.

ÉTYMOLOGIE

Bien, heureux. L'ancienne langue avait plus richement développé ce thème ayant : bieneürer, bieneüré, bieneürant, bieneüreté.