« bourreau », définition dans le dictionnaire Littré

bourreau

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bourreau [1]

(bou-rô) s. m.
  • 1Celui qui inflige les peines corporelles qu'ordonnent les arrêts rendus en matière criminelle. Livré au bourreau. Livre brûlé par le bourreau. Faisant passer Photin par les mains d'un bourreau, Corneille, Pomp. V, 1. Va ! je suis ta partie et non pas ton bourreau, Corneille, Cid, III, 4. Je craignais beaucoup moins tes bourreaux que ses larmes, Corneille, Poly. IV, 1. On les bat de verges par la main de bourreaux, Bossuet, III, Pent. 1. Fouetté par la main du bourreau, Pascal, Prov. 6.

    Valet de bourreau, homme qui aide le bourreau dans les exécutions.

    Insolent comme un valet de bourreau, odieusement insolent.

  • 2 Par extension, meurtrier. Et toi-même des tiens devenu le bourreau, Corneille, Cinna, IV, 3. De deux princes ses fils elle fait ses bourreaux, Corneille, Rodog. II, 4. Toi-même de ton sang devenir le bourreau, Racine, Phèd. IV, 6. Il veut… Qu'au lieu de votre époux je sois votre bourreau, Racine, Iphig. III, 6.

    Fig. Le remords sera son bourreau. Le vice est lui-même son cruel bourreau, Perrot D'Ablancourt, Lucien, dans RICHELET. En quelque lieu que se trouve un parricide, il y rencontre un accusateur, un juge et un bourreau, Lemaître, Plaid. 28, dans RICHELET. Les envieux sont eux-mêmes leurs bourreaux, Vaugelas, Q. C. liv. VIII, ch. 12. Il est lui-même son impitoyable bourreau, Patru, Plaid. 5.

  • 3 Familièrement. Être le bourreau de quelqu'un, le tourmenter, lui rendre la vie dure. Un amiral était sa bête [à Pontchartrain], et un amiral bâtard du roi, son bourreau, Saint-Simon, 141, 63.

    Être le bourreau de soi-même, faire plus qu'on ne peut, s'excéder, ne pas ménager sa santé.

  • 4Un homme cruel, inhumain. Voyez comme il maltraite son cheval ; c'est un vrai bourreau.
  • 5Un bourreau d'argent, un dissipateur, un homme qui n'hésite devant aucune dépense.
  • 6 Terme de reproche, expression d'humeur, d'impatience. Te tairas-tu, bourreau ! Donne-le donc, bourreau, lui dis-je, Hamilton, Gramm. 7. Oh ! le double bourreau, qui me va tout gâter, Molière, l'Étour. III, 4. Mes bourreaux de symphonistes raclaient à percer le tympan d'un quinze-vingts, Rousseau, Confess. IV.
  • 7Bourreau des arbres, nom donné à plusieurs plantes à tige volubile qui nuisent aux arbres, entre autres le célastre grimpant.
  • 8 Terme de salines. Sac garni de paille que met sur son épaule l'ouvrier qui porte un panier de sel.

SYNONYME

BOURREAU, EXÉCUTEUR DES HAUTES ŒUVRES. Dans le langage légal d'aujourd'hui, on ne dit qu'exécuteur des hautes œuvres. Bourreau est le terme général pour tous les temps et tous les pays.

HISTORIQUE

XIVe s. Le licteur, c'est le bourrel, se tenoit desjà à le lier d'un laz, Bercheure, f° 14, verso.

XVe s. Prenez un bourrel et lui faites trancher la teste, Froissart, II, II, 138. De la soif je nomme l'eau Le bourreau Qui la fait mourir martyre, Basselin, XXIX.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. borea ; wallon, boie ; provenç. borel ; pays de Coire, bojer ; provenç. mod. boyou ; anc. espagn. borrero ; espagn. mod. boya, bourreau et boucher ; ital. boja. Ménage supposait que bourreau venait de boucher, par l'intermédiaire d'un diminutif bouchereau, contracté en bourreau ; mais la contraction de ch ne se suppose pas. Diez pense que, au moyen du double suffixe er-ell (qui se trouve en effet : mât-er-eau, de mât), bourreau peut venir de boie, qui est le nom du bourreau en wallon, en espagnol et en italien (boie-er-el, d'où bourrel) ; du latin boia ou boja, carcan ; d'où l'ancien français buie, chaîne. D'autre part, on a dit que bourreau venait de Borel, seigneur de Bellecombe, en 1261, à la charge de pendre les voleurs du canton. Il est certain que plusieurs fiefs ont été possédés à charge de fournir au suzerain un pend-larron ; il est certain aussi que Borel est un nom propre ou plutôt un surnom très ancien (on le trouve dès la fin du XIe siècle : Ernegisus filius Borel, Orderic Vital, édit. de la Société de l'Histoire de France, t. V, p. 188. Odo cognomento Borel, Bouq. XI, 204 A. Malheureusement, les annalistes ne nous disent pas ce que signifie ce surnom ; s'il signifiait bourreau, ce qui est vraisemblable (ce surnom a pu être donné à un seigneur rigoureux justicier), bourreau serait beaucoup plus ancien que ne l'indiquent nos textes, et la dérivation n'en pourrait pas être cherchée dans un nom propre ; au contraire, le nom propre en dériverait. On a aussi songé à l'ancien français bourrel, tas de bourre, d'où les sens de remplir de bourre, tasser, et battre pour tasser ; mais l'historique, ni dans bourreau, ni dans bourre, ni dans bourrel, ne fournit les transitions qui autoriseraient cette étymologie.