« brasser », définition dans le dictionnaire Littré

brasser

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

brasser [1]

(bra-sé) v. a.
  • 1Opérer les mélanges nécessaires pour la fabrication de la bière. Brasser de la bière.
  • 2Remuer, agiter ensemble. Brasser de l'or et de l'argent fondus dans le creuset. Brasser la paillasse d'un lit. Disant ceci, toujours son lit elle brassait, Régnier, Sat. X.
  • 3 Fig. et en mauvaise part, tramer, pratiquer secrètement. Brasser une trahison, une perfidie. L'empereur ne savait rien de ce qu'on brassait contre sa famille, Perrot D'Ablancourt, Tacite, 255. Méchante femme ! À ton mari tu brassais un tel tour, La Fontaine, Coc. Sans qu'il se doute… De ce qu'amour en dehors vous lui brasse, La Fontaine, Cuv. J'étais venu afin de brasser mort à ce mage [Smerdis], Courier, II, 185.

    Se brasser, v. réfl. Être brassé, tramé. Il se brassait une conspiration conçue à Vienne, tramée à Rome, et prête d'éclater à Naples, Saint-Simon, 107, 136.

  • 4 Terme de pêche. Agiter et troubler l'eau avec des bouloirs pour faire donner le poisson dans les filets.

HISTORIQUE

XIIe s. Mais ore oiez que il li brace, Qu'il engigne, qu'il li porchace Sa mort e sa destruction, Benoit de Sainte-Maure, II, 691.

XIIIe s. Nus ne puet ne ne doit vendre cervoise ailleurs que en l'ostel où en [on] la brasse, Liv. des mét. 30. Tant a bracié la serve et tant s'en est peinée…, Berte, XVI. Qui a fait à ma fille brassier si fait chaudel ? ib. LXXXV. Nous savons bien que li quens Renaus a brasset ceste boulie, pour le descort dou conte de saint Pol, Chr. de Rains, 145. Chantecler, n'en sui pas en dot, Avez ceste traïson tote, Ce m'est vis, quise et porchaciée ; Mainte mauvestié as braciée, Ren. 29932. Toutevoies [il] tornoie et brace Por issir, mès riens ne li vaut, ib. 5088. Dames lor braceront tel poivre, Si pueent en lor laz cheoir, Qu'il lor en devra mescheoir, la Rose, 10934. J'ai par moi-meïsme brassé Mesaise que tousjours aurai, Bl. et Jeh. 1044. Jherusalem, ahi ! ahi ! Com t'a blecié et esbahi Vaine gloire, qui toz maus brasse, Rutebeuf, 104.

XIVe s. Et il dit que par vous en fu li fais brassés, Baud. de Seb. VI, 700.

XVe s. [Jean Lyon] veoit bien que Gisebrest Mahieu avoit en ce voyage brassé aucune chose contre lui, Froissart, II, II, 53.

XVIe s. De mal brasser vient l'amere boisson, Marot, J. V, 309. Adverti d'une conjuration que luy brassoit Cinna, Montaigne, I, 128. D'aultres rendent la gorge à veoir brasser un lict de plume, Montaigne, I, 184. Ainsi comme Menestheus brassoit ceste menée, la guerre survint là dessus, Amyot, Thés. 41. Perseus, voyant qu'Aemylius ne se remuoit point du lieu où il estoit, ne se doubtoit point aussi de la venue qu'on luy brassoit, Amyot, P. Aem. 36. Brassant et versant de l'eau de puits d'un verre en autre, Paré, XX, 23.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, bréser ; bas-lat. brassare, braciare, brachare, brasiare, braxare, brassicare, bratsare ; anc. espagn. brasar ; allem. brauen ; angl. to brew. On regarde ordinairement brasser comme venant de bras, et comme signifiant remuer avec les bras ; mais quand on prend en considération brasium, braseum, bracium, brace, qui signifient orge trempée dans l'eau, le wallon brâ, ancien wallon braz, le namurois brai, blé préparé pour faire de la bière ou du genièvre, le wallon brahî, torréfier le blé germé pour en faire du brâ ; le rouchi grain bragé, braisé, brésé ; on reconnaît que brace, mot qui se trouve dans les auteurs latins et qu'ils donnent pour gaulois, est l'origine de brasser. Ce mot existe en effet dans le celtique : kymri, brag ; gaél. bracha, braich, grain fermenté ; bas-breton, bragez, germe de grain. Les germanistes accordent que l'allemand brauen vient du bas-latin braxare, et non braxare de brauen. La véritable orthographe serait non brasser, puisque le mot ne vient pas de bras, mais bracer, comme on l'écrivait généralement dans l'ancienne langue.