« deviner », définition dans le dictionnaire Littré

deviner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

deviner

(de-vi-né) v. a.
  • 1Découvrir par des procédés surnaturels ce qui est caché dans le passé, le présent ou l'avenir. Le devin ne put deviner où le trésor était caché, ni quel avait été le voleur.

    Absolument. Pratiquer l'art de deviner. Un homme qui se mêle de deviner, Pascal, Prov. 8. La coupe que vous avez dérobée est celle dans laquelle mon seigneur boit, et dont il se sert pour deviner, Sacy, Bible, Genèse, XLIV, 5.

  • 2 Par extension, interpréter, discerner par voie de conjecture. Il reconnut ou devina votre écriture en voyant le dessus, et je ne niai pas que c'en fût, Voiture, Lett. 23. Je reviens à Pompée, et pense deviner Quels motifs jusqu'ici peuvent nous l'amener, Corneille, Sertor. I, 2. Je connais tes détours et devine tes ruses, Corneille, le Ment. II, 3. Les politiques ne se mêlent plus de deviner ses desseins [de Louis XIV] ; quand il marche, tout se croit également menacé, Bossuet, Marie-Thér. Apprends qu'on devine Dans ces rustiques lieux ton illustre origine, Voltaire, Scythes, I, 3. On n'avait jamais fait en France de dénombrement [sous Charles IX] ; on était trop ignorant pour soupçonner seulement qu'on pût deviner le nombre des habitants par celui des naissances et des morts, Voltaire, Dial. XXIV, 1er entr. Exemple remarquable des erreurs auxquelles on s'expose en cherchant à deviner les lois de la nature par les vues qu'on lui suppose, Laplace, Expos. III, 5.

    Absolument. Quoi que vous me cachiez, aisément je devine, Corneille, Rodog. I, 5. Devine si tu peux, et choisis si tu l'oses, Corneille, Héracl. IV, 5. Qui devine est souvent sujet à se méprendre, Corneille, Suréna, IV, 3.

  • 3Trouver le mot. Deviner une énigme, une charade, un logogriphe.

    C'est une énigme à deviner, se dit de ce qui est obscur.

    Je vous le donne à deviner en dix, en cent, se dit d'une chose tout à fait inattendue, improbable, et que la personne à qui l'on parle ne s'imaginera sans doute jamais.

    Familièrement. Il faut toujours le deviner, se dit de quelqu'un qui parle ou écrit avec obscurité.

    Devinez le reste, c'est-à-dire ce qu'il reste à vous apprendre peut se conjecturer sans peine.

    On dit dans un sens analogue, vous devinez le reste.

    Je vous le laisse à deviner, vous n'aurez aucune peine à deviner de qui ou de quoi il s'agit. Je ne connais au monde qu'un seul homme qui, arrivant en ce moment à Paris, eût partagé avec M. de Voltaire l'enthousiasme et l'admiration publique, et cet homme, sire, je vous le laisse à deviner, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 1er juillet 1778.

    Deviner les fêtes quand elles sont venues, dire des choses que tout le monde sait.

  • 4Se deviner, v. réfl. Être deviné. Cela se devine aisément.

    Se pressentir l'un l'autre. Ces deux âmes s'étaient devinées. Les mêmes mots sont rarement synonymes d'eux-mêmes ; ils présentent divers sens selon qu'on les applique ; on se devine plus qu'on ne s'entend dans la conversation, Turgot, Ébauche du 2e disc. Progrès de l'esprit humain, p. 259.

HISTORIQUE

XIIe s. Vos prouesses, vos bonnes mains Ont deux fois vaincu les Romains, Et sachiez que mes cuer devine Que encore hui les vainquerois [vaincrez], Roman du Brut, ms. f° 94, dans LACURNE. Qui devinent, ains qu'il puist avenir, Les biens d'amour, Diex les puist maleïr, Couci, XI.

XIIIe s. … On devine plus sovent De çou [ce] c'on a millior talent [qu'on désire le mieux], Poésies mss. t. III, p. 1025, dans LACURNE. On va jà dieuant c'on veut faire abeesse De le [la] feme Alissandre, le [la] suer dame mairesse, Por çou [ce] qu'en li n'a point ne barat ne cafarde, ib. t. IV, p. 1333. Onkes crestienté ne rechut si grant damage comme elle rechevra hui cest jour, si comme mes cuers le me devine, Chr. de Rains, 205. Dont [elles] sorent bien, sans deviner, Le terme de lor enfanter, Fl. et Bl. 161.

XIVe s. Il semble que tous ceulz qui diffinissent vertu divinent ou sentent aucunement que vertu est tel habit qui est selon prudence, Oresme, Eth. 189.

XVIe s. Les ames, dans le sommeil, divinent, prognostiquent et voyent des choses que…, Montaigne, II, 269. C'est à deviner, si la constance s'y feust trouvée, Montaigne, II, 384. Celuy qui n'a pas remply sa force, il vous laisse [à] deviner s'il a encores de la force au delà, Montaigne, IV, 48. L'art de deviner les choses à advenir, Amyot, Nicias et Crass. 8. Où sont les trepieds de Clare, Les devinoirs de Patare, Où tu devines de loing ? Baïf, Œuvres, f° 28, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Devin ; bourguig. devenuy ; provenç. devinar ; anc. espagn. divinar ; ital. divinare. On remarquera l'ancienne forme dieuer.