« envier », définition dans le dictionnaire Littré

envier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

envier [1]

(an-vi-é), j'enviais, nous enviions, vous enviiez ; que j'envie, que nous enviions, que vous enviiez v. a.
  • 1Éprouver envers quelqu'un le sentiment de l'envie. Ils envient tous ceux à qui l'on donne, La Bruyère, VIII. Je n'envierai personne, et personne ne m'enviera, Voltaire, Memnon.
  • 2Éprouver pour quelque chose le sentiment de l'envie. Ce qui rendit sa faveur plus singulière, c'est qu'elle ne fut ni enviée ni traversée et que personne n'en fut victime, Voltaire, Russie, II, 1.

    Envier quelque chose à quelqu'un, désirer posséder ce qu'il possède. Si la fortune qui me fait vaincre partout m'accompagne encore auprès de vous, je n'envierai pas à Alexandre toutes ses conquêtes, Voiture, Lett. 7. Moi qui en toute autre occasion me réjouis de vos avantages plus que des miens propres, et qui ne vous envie pas votre esprit, votre science, ni votre réputation, je vous porte envie d'avoir été huit jours avec M. de Balzac, Voiture, ib. 125. Je ne viens point ici par de jalouses larmes Vous envier un cœur qui se rend à vos charmes, Racine, Andr. III, 4.

    Il se dit aussi des personnes qu'on désire posséder. Quand un homme a mérité d'être envié à son parti par ceux qui le combattaient, il a touché à la véritable gloire, A. Carrel, Œuvres, t. IV, p. 289.

  • 3Souhaiter, sans être envieux, ce que quelqu'un possède. Envier la haute fortune de quelqu'un. Et ce sont ces plaisirs et ces pleurs que j'envie, Racine, Brit. II, 3. Allons, n'envions plus son indigne conquête, Racine, Andr. II, 1. Dans mon triomphe heureux j'envierai peu les siens, Voltaire, Sémir. II, 1.

    Il se dit aussi pour désirer. Voilà le poste que j'envierais le plus.

  • 4Ne pas accorder, refuser. Ah ! destins ennemis Qui m'enviez le bien que je m'étais promis, Corneille, Rodog. v, 4. M'envierez-vous l'honneur de mourir à vos yeux ? Corneille, Nicom. I, 1. De votre lieutenant m'envieriez-vous le nom ? Corneille, Sertor. III, 2. Bonté qui a donné l'être aux plus nobles, et ne l'a pas voulu envier aux moindres, Bossuet, Nécess. 1. Soit que son cœur jaloux d'une austère fierté Enviât à nos yeux sa naissante beauté, Racine, Brit. II, 2. Pourquoi m'enviez-vous l'air que vous respirez ? Racine, Bérén. IV, 5. Si ta haine m'envie un supplice si doux, Racine, Phèd. II, 5.

    Dans un sens latin. Le ciel nous a envié ce grand homme, c'est-à-dire ce grand homme est mort.

  • 5S'envier, v. réfl. Se porter envie l'un à l'autre. Ces deux hommes s'envient et se font le plus de mal qu'ils peuvent.

REMARQUE

Des grammairiens ont prétendu qu'on ne disait pas correctement envier quelqu'un, mais envier quelque chose, et qu'au lieu d'envier quelqu'un, il fallait dire porter envie à quelqu'un. Cette décision est contredite par la Bruyère, Fontenelle, Voltaire, et avant eux par Montaigne, qui, avec envier, ont mis les personnes au régime direct. On ne voit d'ailleurs aucune raison pour laquelle ce régime ne devrait pas être employé.

HISTORIQUE

XVIe s. J'envie ceulx qui sçavent s'apprivoiser au moindre de leurs serviteurs, Montaigne, III, 278. Il avoit escript beaucoup d'autres vies, que l'injure du temps nous a enviées, Amyot, Préf. XXV, 53. Je porte envie à ta mort, Caton, puisque tu m'as envié la gloire de t'avoir sauvé la vie, Amyot, Cat. d'Ut. 89. C'est grand mal d'estre miserable, Mais c'est grand bien d'estre envié, Ronsard, 371.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. enveiar ; catal. envejar ; espagn. envidiar ; portug. invejar ; ital. invidiare ; d'un bas-latin invidiare, formé de invidia, envie, de invidere, de in, en, et videre, voir : fixer les yeux sur, comme fait l'envieux.