« jeûner », définition dans le dictionnaire Littré

jeûner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

jeûner

(jeû-né) v. n.
  • 1Manger moins qu'il ne faut, ou même ne point manger du tout, soit volontairement, soit par force. Faire jeûner ses domestiques. Depuis que chez ma cousine Qui jeûnait en carnaval…, Béranger, Voisin.

    Fig. S'abstenir ou être privé de. Ce n'est rien de jeûner des viandes grossières qui nourrissent le corps, si on ne jeûne aussi de tout ce qui sert d'aliment à l'amour-propre, Fénelon, t. XVIII, p. 126.

  • 2 Particulièrement. S'abstenir d'aliments ou de certains aliments par esprit de dévotion. Aucun dans le banquet ne veut l'abandonner [Jésus-Christ], Mais dedans le désert il est seul à jeûner, Corneille, Imit. II, 11. Ayant jeûné quarante jours et quarante nuits, il [Jésus] eut faim ensuite, Sacy, Bible, Évang. St Matthieu. IV, 2. Il vaut mieux ne pas jeûner et en être humilié, que jeûner et en être complaisant, Pascal, Pens. XXV, 127, éd. HAVET. On a beau jeûner, ce n'est rien faire, si on ne ferme les avenues de son cœur à la vanité, Maucroix, Hom. de StChrysost. dans RICHELET. Jeûnent-ils toujours au pain et à l'eau ? Sévigné, 239. Elle [Mme de Maintenon] jeûnait si austèrement les carêmes, qu'elle faisait peser son pain, Mme de Caylus, Souvenirs, p. 66, dans POUGENS. J'ai peur que certains hommes d'État ne fassent comme Mme de Bouillon, qui disait : comment édifierons-nous le public le vendredi saint ? faisons jeûner nos gens, Voltaire, Lett. d'Alembert, 8 mai 1764.
  • 3L'infinitif, pris substantivement. Le trop jeûner, le trop boire, et autres excès. Descartes, l'Homme.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

HISTORIQUE

XIIe s. Or faites jejuner deus jours quatre lions, Roncisv. p. 200. Ce dist li uns : Les ordes gloutes Ont creanté à juner toutes, Lai d'Ignaurès.

XIIIe s. Ensi geuna Salehedins deux jours et deux nuits sans boire et sans mangier, Chr. de Rains, 108. Et Renart fu moult enpiriez De geüner et de mal traire, Ren. 1951. Sire, par le saint quaresme, Qu'à juner commanda Dieux…, Bibl. des chartes, 4e série, t. V, p. 29.

XIVe s. Car de juner deus jours se poit on mal tenir, Baud. de Seb. x, 1151.

XVe s. Et sachez que les quatre parts d'eux jeunerent par deffaute de vivres…, Froissart, II, II, 109.

XVIe s. Qui sur escuelle d'autrui s'asseure, quand il pense manger, il jeusne, Leroux de Lincy, t. I, p. 32. L'homme qui a femme ne peut pas jeuner, Leroux de Lincy, p. 255.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. junar, jeonar ; portug. jejuar ; du lat. jejunare, de jejunus, à jeun (voy. JEÛNE).