« jeûne », définition dans le dictionnaire Littré

jeûne

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

jeûne

(jeû-n') s. m.
  • 1Abstinence d'aliments. Un trop long jeûne est nuisible à l'estomac. Vous leur faites observer [à vos chevaux] des jeûnes si austères que ce ne sont plus rien que des idées ou des fantômes, des façons de chevaux, Molière, l'Avare, III, 5.

    Fig. Toute espèce de privation. Ne pas pouvoir lire est un véritable jeûne pour l'esprit. Nous avons été jusqu'ici dans un jeûne effroyable de divertissements, Molière, Préc. 10.

  • 2 Particulièrement. Pratique religieuse, acte de dévotion qui consiste à s'abstenir d'aliments par mortification. Il fit publier un jeûne dans le royaume de Juda, Sacy, Bible, Paralip. II, XX, 3. Savez vous quel est le jeûne que j'aime, dit le Seigneur : délivrez ceux qui sont détenus dans les prisons ; déchargez…, Bossuet, Polit. VII, III, 11. Les jeûnes, si fréquents et si rigoureux [en Russie], incommodaient trop les troupes et les rendaient souvent incapables d'agir, Fontenelle, Czar Pierre. Le jeûne était établi chez plusieurs peuples, et chez les Juifs et chez les chrétiens ; Mahomet le rendit très sévère en l'étendant à un mois lunaire, pendant lequel il n'est pas permis de boire un verre d'eau ni de fumer avant le coucher du soleil, Voltaire, Mœurs, 7. Par quels jeûnes cruels son corps s'est-il usé ? Delavigne, Paria, II, 2.
  • 3Le jeûne des catholiques, qui consiste à s'abstenir de viande en ne faisant qu'un repas dans toute la journée, soit à dîner avec une légère collation à souper, soit à souper avec une légère collation à dîner. Si j'ai vingt et un ans et qu'il soit demain jeûne, Pascal, Prov. V. Vous en pourriez boire sans rompre le jeûne, Pascal, ib. L'on dit que vous faites imprimer des almanachs particuliers où vous faites doubler les quatre-temps et les vigiles, afin de profiter des jeûnes où vous obligez votre monde, Molière, l'Av. III, 5. Les jeûnes y [dans les observances de l'Église] sont mêlés dans les temps convenables, afin que l'âme, toujours sujette aux tentations et aux péchés, s'affermisse et se purifie par la pénitence, Bossuet, Mar.-Thér. À présent, les fidèles se réjouissent après le carême [au dimanche de Pâques], il n'est que trop vrai ; mais ce n'est pas vous, mon Sauveur, qui faites leur joie ; on se réjouit de ce qu'on pourra faire bonne chère en toute licence ; plus de jeûnes, plus d'austérités…, Bossuet, 1er sermon, Pâques, 1. Vous savez mieux que moi qu'il y a de la différence des jeûnes de règle à ceux de l'Église, Maintenon, Lett. à Mme de la Viefville, 2 nov. 1705. Il reprit sa vie ordinaire [après un jeûne], et, au bout de quatre jours, il avait regagné quatre livres ; ce qui marque qu'en huit ou neuf jours il aurait repris son premier poids, et qu'on répare facilement ce que le jeûne a dissipé, Fontenelle, Dodart.

    Le jeûne chez les protestants, qui diffère de celui des catholiques en ce que les protestants peuvent manger de la viande, mais ne peuvent manger qu'après le soleil couché.

    On dit d'une chose qui ennuie, qu'elle est longue comme un jour de jeûne.

PROVERBES

Il a bien fait des jeûnes qui n'étaient pas de commandement, se dit de quelqu'un qui a souffert de grandes privations, beaucoup de misère.

Double jeûne, double morceau.

HISTORIQUE

XIIe s. Et li reis en out forment grant poür, e out toute sa fiance en nostre seignur, e fist faire junie par tut Juda, Rois, p. 340.

XVe s. Je suis quitte de chacune jeune qu'un autre feroit pour moi, comme si je la faisois, Louis XI, Nouv. C.

XVIe s. Il n'avoit que la peau seulement animée, Sa bouche d'un long jeun palissoit affamée, Ronsard, 848. Ce morceau rompit le jeusne de la trefve, et empescha un plus grand exploict, D'Aubigné, Hist. I, 227. Jours de jeune, quand l'homme est sain, sont très mauvais pour le pain, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 31. Le liquide ne rompt point le jeune, Leroux de Lincy, ib. p. 32.

ÉTYMOLOGIE

Lat. jejunium, jeûne, de jejunus. Les étymologistes considèrent jejunus comme un participe comparable à Neptunus (Neptumnus, νιπτόμενος), et répondant à une forme sanscrite fictive yayamana, qui a dompté (sa faim), venant de l'intensif yayam, réduplicatif de yam, dompter.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

JEÛNE. - HIST. XIIe s. Ajoutez : Science appareilhet en son jor convive [le repas], quant ele sormontet la jeüne d'ignorance, li Dialoge Gregoire lo pape, 1876, p. 349.