« lance », définition dans le dictionnaire Littré

lance

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

lance

(lan-s') s. f.
  • 1Arme usitée chez les anciens qui était formée d'un long bois terminée par un fer pointu et qui se jetait avec la main. Les glaives meurtriers, les lances homicides, Racine, Ath. III, 8.

    La lance d'Achille, lance avec laquelle ce héros blessa Télèphe, dont la plaie ne put être guérie qu'avec la rouille prise à cette lance même.

    Fig. Votre plume est comme la lance d'Achille qui guérissait les blessures qu'elle faisait, Voltaire, Lett. Dorat, 8 janv. 1767.

  • 2Arme d'hast, ou à long bois, qui est terminée par un fer pointu et avec laquelle les anciens chevaliers, courant l'un sur l'autre, cherchaient à se percer ou à se désarçonner. Lance de combat, de joute, de tournoi. Tenir la lance en arrêt. La bataille d'Ivry commença à décrier l'usage des lances qui fut bientôt aboli ; et sous Louis XIV les piques ont été oubliées, Voltaire, Dict. phil. Franc ou Franq ; France, etc.

    Courir une lance, se disait de deux chevaliers qui couraient l'un contre l'autre la lance en arrêt. Les combattants devaient s'y rendre [dans l'amphithéâtre] armés de toutes pièces… il fallait courir quatre lances ; ceux qui seraient assez heureux pour vaincre quatre chevaliers…, Voltaire, Zadig, 19.

    Courir une lance, se dit aussi, au jeu de bague, de la course à la lance pour décrocher et enlever une bague.

    Baisser la lance, en abaisser la pointe, ce qui signifie qu'on s'avouait vaincu.

    Fig. et familièrement. Baisser la lance, fléchir, mollir, se relâcher. Il a tenu bon plus d'un an, mais enfin il a baissé la lance.

    Baisser la lance devant quelqu'un, lui céder, reconnaître sa supériorité.

    Rompre une lance, voy. ROMPRE.

    Lance brisée, lance dont on se servait dans les joutes, et qui était à demi sciée près du bout, en sorte qu'elle pouvait facilement se briser.

    Lance à outrance, ou lance à fer émoulu, lance dont le fer était pointu, et avec laquelle on combattait à outrance.

    Lance courtoise, ou lance gracieuse, ou lance mousse, ou lance frétée, ou lance mornée, lance dont le fer n'était pas pointu, et qui était garnie au bout d'une sorte d'anneau qu'on appelait frette ou morne.

    Lance aux dames ou lance des dames, la dernière joute qu'on faisait dans les tournois en l'honneur des dames.

    Lance d'Argail, lance enchantée, célèbre dans les poëmes de Boïardo et de l'Arioste, qui renversait toujours le chevalier qu'elle touchait ; Argail ayant été tué par Ferragus, sa lance passa en diverses mains, et eut toujours la même propriété.

    Fig. Lance d'Argail, puissance à laquelle rien ne peut résister. Certain auteur fameux par cent libelles Croit que sa plume est la lance d'Argail ; Au haut du Pinde, entre les neuf pucelles, Il est placé comme un épouvantail, Piron, Épig. contre Desfontaines.

    Être à beau pied sans lance, être démonté et désarmé ; et fig. Être mal dans ses affaires. On dit dans le même sens : il est venu, il est retourné à beau pied sans lance, c'est-à-dire il est venu, il est retourné à pied. Mme de Chaulnes arriva dimanche, mais savez-vous comment ? à beau pied sans lance, entre onze heures et minuit… son carrosse était demeuré entre deux rochers, à demi-lieue de Vitré, Sévigné, 69.

  • 3Aujourd'hui, long bâton terminé par un fer pointu qui est l'arme de quelques régiments de cavalerie et des cosaques, et avec lequel on frappe de pointe sans le lâcher de la main. On s'aida du terrain avec habileté : les lanciers russes, embarrassés dans les broussailles et arrêtés par les crevasses, allongeaient en vain leurs longues lances ; pendant qu'ils cherchaient à pénétrer, atteints par les balles, ils tombaient blessés, Ségur, Hist. de Nap. IV, 8. Quarante pas les [cosaques] en séparaient [de l'empereur] à peine ; Rapp n'eut que le temps de se retourner et de faire face à ces barbares, dont le premier enfonça si violemment sa lance dans le poitrail de son cheval qu'il le renversa, Ségur, ib. IX, 3.
  • 4Fer de lance, la lame qui termine une lance, et qui est de forme triangulaire.

    En fer de lance, en forme d'un fer de lance.

  • 5 Terme de manége. La main de la lance, la main droite du cavalier. Le pied de la lance, le pied droit du cheval.

    Fig. Coup de lance, marque naturelle que quelques chevaux ont entre le poitrail et l'épaule, et qui ressemble à un coup de lance.

  • 6Autrefois, lance, terme collectif qui comprenait également l'homme d'armes combattant avec la lance, le coutellier, le page, le valet et les archers, tant à pied qu'à cheval. Chaque lance ou homme d'armes à la grande paye avait quinze livres par mois, et chaque archer sept livres dix sols : la petite paye était d'un tiers moins, Duclos, Hist. Louis XI, Œuv. t. II, p. 215, dans POUGENS. Une lance était souvent composée de dix cavaliers, sans compter les gens de pied, de sorte que cent lances était alors un corps de plus de mille hommes, Duclos, ib. t. II, p. 32 (note**). Dunois, à nous les chances ! Sur Péronne au galop cours avec six cents lances ! Delavigne, Louis XI, III, 13.

    Lance fournie, homme d'armes qui avait le nombre d'archers, de valets et de chevaux dont il devait être accompagné.

  • 7Lance d'étendard ou de drapeau, le bâton auquel l'étendard est attaché. Ce drapeau [tricolore] payait à la France Tout le sang qu'il nous a coûté : Sur le sein de la Liberté Nos fils jouaient avec sa lance, Béranger, le Vieux drapeau.
  • 8Long bâton garni d'un tampon, pour jouter sur l'eau.
  • 9Lance de harponneur, instrument dont se servent les pêcheurs de baleines, en forme d'une spatule ou d'une feuille de laurier, d'un pouce et demi de largeur sur deux et demi de long, et aiguisée sur tous les côtés. Un navire baleinier de 450 tonneaux embarque ordinairement 60 lances.
  • 10Lance à feu, fusée emmanchée qui sert à mettre le feu à une pièce d'artillerie ou d'artifice.

    Terme de marine. Espèce de lance dont la tête contient une composition de matières combustibles.

    Lance à feu puant, artifice qui produit une fumée infecte, et dont le mineur se sert quelquefois pour incommoder les mineurs ennemis.

  • 11Sorte de météore igné en forme de lance.
  • 12Ancien terme d'obstétrique. Lance de Mauriceau, instrument en forme de fer de lance, inventé par Mauriceau pour perforer le crâne du fœtus mort quand l'extraction en était difficile.

    Dans l'ancienne chirurgie, instrument employé à faire l'opération de la fistule lacrimale.

  • 13Lance se dit des piquants des chevaux de frise.

    Ornement en fonte ou en cuivre dont on garnit le haut des barreaux d'une grille.

  • 14 Terme de marine. Lance de sonde, instrument pour reconnaître la nature du fond de la mer.

    Fausse lance, canon de bois fait au tour qui, étant bronzé pour ressembler aux vrais canons, en tient quelquefois la place, et supplée, pour la montre, au défaut d'artillerie.

  • 15Espèce de spatule dont se servent les modeleurs en stuc, en terre, en plâtre ou en cire.

    Barre de fer que le chaufournier plonge entre les pierres dont le four est chargé, afin de faciliter le passage de la flamme.

    Grosse brosse attachée au bout d'une perche pour faire de la peinture commune.

  • 16Lance d'eau, jet d'eau, dont la grosseur n'est pas proportionnée à sa hauteur.
  • 17La Lance du Centaure, un des noms sous lesquels on désigne parfois la constellation appelée plus communément le Loup.

PROVERBES

Coup de langue est souvent pis que coup de lance.

Le royaume de France ne peut tomber de lance en quenouille, c'est-à-dire les femmes ne peuvent hériter du trône de France.

HISTORIQUE

XIe s. Tans cops [il] a pris de lances et d'espiez, Ch. de Rol. X.

XIIe s. Ah ! com [ma dame] m'a mort de debonaire lance ! Couci, XVI. Toute plaine sa lance [il] l'abat mort au sentier, Sax. X.

XIIIe s. Et li chevalier issirent des huissiers [vaisseaux] et saillirent en la mer jusques aus ceintures, les hiaumes laciés, les lances es poins, les glaives es mains, Villehardouin, LXX. Et portoit trois aunes de toile atachies sour une lanche, Chr. de Rains, 107. Beax filz, gar [prends garde] que ne praignés mie à home estrange compaignie ; Et si o toi errer voloit Et le tien chemin enqueroit, Di li que tu plus loig [loin] iras Et aillors que tu ne vorras [voudras] ; S'il porte lance, va à destre ; S'il espée, va à senestre, Fabliaux mss de St-Germain, f° 9, dans LACURNE.

XVe s. Les uns d'eulx gens de pié tenans et portans en leurs mains demies lances, les autres tenans et portans en leurs mains espées toutes nues, Bibl. des ch. 6e série, t. I, p. 236. Quand ils se furent mis tous ensemble, ils se trouverent bien cinq cents lances, Froissart, II, II, 4. Si eurent mis les glaives soubz les esselles, dont les lances furent courtes et grosses, et les fers trenchans, Lancelot du lac, t. II, f° 12, dans LACURNE. Hector le fiert si durement qu'il luy fist la teste voller plus d'une lance loing, ib. t. II, f° 54. Avoit chascun des dits hommes d'armes pour lance deux archers à cheval armés le plus de brigandines, harnois de jambes et salades, Berry, Chronique, p. 57, dans LACURNE. Le duc mit sus douze cens lances, chacune fournie de huict combattans à cheval et à pié, De la Marche, Mém. p. 75, dans LACURNE. Lors qu'il le veoit venir, le cueur luy engrossa, et dit à soy mesmes qu'il joustera à ce chevalier venant ; aussi avoit il la lance sur le feutre, Perceforest, t. VI, f° 75.

XVIe s. Une troupe de lances doit batre et desfaire une troupe de pistoliers, Lanoue, 377. La lance effraye de loin quand cn la void bransler avecques sa longue banderolle, Lanoue, 309. Il faut un peu de carriere pour bailler coup à la lance, Lanoue, 311. Dix mi'le lances armées à la françoise, Lanoue, 422. Mesmes on en vint aux mains dedans les mines avec les lances à feu, le pistollet et l'espée, D'Aubigné, Hist. II, 49. Guebriand aiant envoié demander un coup de lance, D'Aubigné, ib. II, 382. Ils accompagnerent les combattants jusqu'à lance baisser, D'Aubigné, ib. II, 393. Il jouoit ses chevaux quand il estoit remonté… et maintes fois alloit à beau pied sans lance, Despériers, Contes, XLVI. Qui a la lance au poingt, tout lui vient à point, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 86. Le navire de 70 à 80 tonneaux… 6 demi piques, 6 lances à feu, 6 harquebutes ou arbalestres… Ordonn. de Henri II, 25 mars 1548, dans JAL. Les lances à feu, ou dars, ou traictz, ou vires d'arbalestres, ou migraines, Livre de canonerie, dans REINAUD et FAVÉ, Du feu grégeois, p. 142.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. lansa ; catal. llansa ; espagn. lanza ; portug. lança ; ital. lancia ; du lat. lancea, que les auteurs anciens disent être les uns un mot gaulois, les autres un mot espagnol. Comparez le grec λόγχη, lance.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

LANCE. Ajoutez :

18 Terme forestier. Arbre en état d'être exploité. Le peuplement d'un taillis fureté se compose constamment de bois d'âges divers, depuis le brin du premier âge jusqu'à la lance exploitable, Mém. de la Soc. centr. d'Agric. 1873, p. 278.
19Lance de cheminée, au pays de Falaise, tuyau de cheminée. … Que cette cheminée n'ayant pas une lance particulière, comme l'exige un arrêté pris par l'autorité municipale de Falaise… parce qu'il a eu le tort de réclamer jusqu'en appel la construction, aux frais de L…, des deux lances de cheminée, Gaz. des Trib. 13 oct. 1875, p. 986.
20 Terme d'antiquité chrétienne. La sainte lance, instrument liturgique chez les Grecs ; c'est une espèce de couteau dont la lame a la forme de lance, et dont le manche allongé se termine par une croix ; il servait à séparer de la masse du pain offert l'hostie qui devait être consacrée.
21Pièce métallique qui garnit l'extrémité du boyau des pompes à incendie : le pompier la tient à la main et s'en sert pour diriger le jet.
22En pyrotechnie, on donne le nom de lances à de petits cylindres en papier ou en carton mince, remplis de composition fusante ; ces cylindres sont placés à peu de distance les uns des autres et le long des lignes fixes des objets que l'on veut représenter dans les feux d'artifices. Il fallait de toute nécessité, pour que ce spectacle offrît de tous les côtés le même attrait, renoncer aux pièces [d'artifice] dites en lances, J. Amigues, Monit. univ. 16 et 17 août 1867, p. 1116, 2e col.