« marée », définition dans le dictionnaire Littré

marée

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

marée

(ma-rée) s. f.
  • 1Mouvement des eaux de la mer qui, périodiquement et deux fois dans les vingt-quatre heures, s'enflent, montent et se répandent sur les rivages, pour se retirer ensuite et reprendre leur niveau moyen. Marée montante. Marée descendante. Chaque marée est d'environ douze heures, six heures pour monter et six pour descendre. La marée retarde chaque fois de trois quarts d'heure. L'heure de la marée. Dès l'antiquité, on avait remarqué que la marée est liée au mouvement de la lune ; mais ce n'est que depuis Newton que l'on sait qu'elle dépend de la gravitation universelle et qu'on a pu en faire la théorie. Les vents et la marée secondèrent son impatience, Hamilton, Gram. 11. Mon père était exactement averti, toutes les marées, de ce qui se passait à Bordeaux, Saint-Simon, 9, 110. La profondeur et la figure des côtes, les vents et les courants altèrent tellement la hauteur des marées, qu'il n'y a peut-être pas deux endroits sur la terre où elle soit exactement la même, D'Alembert, Introd. précess. équin. Œuvres, t. XIV, p. 56, dans POUGENS. Plus une mer est vaste, plus les phénomènes des marées doivent être sensibles, dans une masse fluide, les impressions que reçoit chaque molécule se communiquant à la masse entière ; c'est par là que l'action du soleil, qui est insensible sur une molécule isolée, produit sur l'océan des effets remarquables, Laplace, Exp. IV, 11. Les marées sont l'effet de l'attraction exercée par le soleil, et surtout par la lune, à cause de sa proximité, sur les eaux dont la mobilité leur permet d'obéir à cette force en s'élevant dans certaines parties, ce qui leur fait abandonner les rivages, qu'elles recouvrent ensuite, lorsque la terre, par sa rotation continuelle, présente d'autres parties à l'action des corps célestes, Legoarant Ô flots, que vous savez de lugubres histoires !… Vous vous les racontez en montant les marées, Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées, Que vous avez le soir quand vous venez vers nous ! Hugo, Rayons et ombres, Oceano nox.

    Grande marée, marée considérable qui arrive à l'époque des syzygies.

    À mi-marée, environ trois heures avant la pleine ou la basse mer.

    Prendre la marée, prendre le temps où la marée est favorable, pour entrer dans un port ou pour en sortir.

    La marée monte, le flot arrive.

    Fig. La marée monte, c'est-à-dire la colère, la mauvaise humeur éclate. Le compliment fut d'abord fraîchement reçu ; incontinent après la marée monta, et voilà la duchesse du Maine aux reproches, Saint-Simon, 258, 214.

    Avoir vent et marée ; aller contre vent et marée, voy. VENT.

  • 2Poisson de mer qui n'est pas salé. La marée arrive cependant de tous côtés ; on cherche Vatel pour la distribuer ; on va à sa chambre, on heurte, on enfonce la porte, on le trouve noyé dans son sang, Sévigné, 47. Toi, voluptueux Parisien, qui n'as jamais fait d'autre grand voyage que celui de Dieppe pour y manger de la marée fraîche, Voltaire, Dict. phil. Patrie.

    Odeur de marée, odeur assez désagréable qu'a le poisson en masse, même frais.

    Populairement. Arriver comme marée en carême, arriver à propos (voy. cependant MARS et CARÊME).

    Terme d'ancienne législation. Chambre de la marée, juridiction qui connaissait des affaires civiles et criminelles relatives au commerce du poisson.

  • 3Marée se dit populairement d'un liquide répandu ou qui coule. La cuve est percée et laisse échapper une marée de lessive. Le chien a pissé une grande marée contre la porte.

HISTORIQUE

XIIIe s. Quiconques ameine poisson de mer à Paris de deus marées, il pert le poisson toutes les fois qu'il en seroit repris, Liv. des mét. 270.

XIVe s. Ainsi Sainte-Severe fu prise et conquestée ; De blefs et de bon vin y ot grande marée [abondance], Guesclin. 20393.

XVe s. Et vinrent de cette marée la premiere nuit gesir devant Gravesainde ; l'endemain et la tierce marée ils nagerent tant par mer qu'ils virent Flandre, Froissart, I, I, 68. Si ils [les pêcheurs] se guerroyoient, on n'auroit point de marée, ni nul n'oseroit aller pescher, si il n'estoit conduit et gardé de gens d'armes, Froissart, II, III, 45. Recepte des caves deues au roy, c'est assavoir que chascun pescheur doivent au seigneur en saison de caresme une marée, Du Cange, maretinium.

XVIe s. Pour aller à Anver querir la charge de deux chevaulx de marée, Carloix, VI, 11. Et ayant fait voile avec vent et marée, fort à gré, nous vinsmes surgir en moins de dix heures à Douvres, Carloix, VIII, 30. Ainsi se forgea cette infinie marée d'hommes qui s'escoula en Italie sous Brennus et aultres, Montaigne, III, 98.

ÉTYMOLOGIE

Marée tient à une forme barbare mareare, mariare, naviguer, qu'on trouve dans du Cange, et qui vient de mare, la mer.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MARÉE. Ajoutez :
4 Terme de pêche. Au jour se fait le travail inverse, et les lignes [dites palangres] sont relevées en commençant par le bout du large ; cette double opération s'appelle une marée, Rev. des Deux-Mondes, 1er nov. 1874, p. 116.