« méconnaître », définition dans le dictionnaire Littré

méconnaître

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

méconnaître

(mé-ko-nê-tr' ; il se conjugue comme connaître) v. a.
  • 1Ne pas reconnaître. Voyons, sous cet habit qui me fait méconnaître, S'il est aussi courtois qu'il m'a promis de l'être, Rotrou, Bélis. I, 6. Les mêmes objets nous paraissent par tant de côtés différents, que nous méconnaissons enfin ce que nous avons vu et ce que nous avons senti, La Rochefoucauld, Réfl. div. p. 122, dans POUGENS. Vous n'avez donc plus qu'à me mander pourquoi vous m'avez envoyé ce beau chapelet que je méconnaissais, Sévigné, 21 juin 1680. Ils le méconnurent, ce Jésus qui leur était déclaré par tant de marques, Bossuet, Hist. II, 10. Et mille fois un fat finement exprimé Méconnut le portrait sur lui-même formé, Boileau, Art p. III. Mais souvent un esprit qui se flatte et qui s'aime Méconnaît son génie et s'ignore soi-même, Boileau, ib. I. Un corps défiguré… Et que méconnaîtrait l'œil même de son père, Racine, Phèdre, V, 6. Il n'est pas possible de méconnaître Charles-Quint dans le portrait de Picrochole, Voltaire, Mél. litt. Lett. sur Rabelais.
  • 2Commettre une méprise sur quelque chose. Hippocrate méconnut une fracture du crâne.
  • 3Désavouer quelqu'un, affecter de ne pas le connaître. Ce même Bajazet, sur le trône affermi, Méconnaîtra peut-être un inutile ami, Racine, Bajaz. I, 1. Fier de son nouveau rang, m'ose-t-il méconnaître ? Racine, Iphigénie, III, 2. Parce que nous sommes pauvres, on nous méconnaît, on nous repousse, Diderot, Père de famille, IV, 10.

    Désavouer quelque chose, n'en pas convenir. Il ne veut pas avouer par sa bouche des faits aussi odieux, et il n'ose pas méconnaître des faits aussi publics, Cour des comptes, aides et fin. de Normandie, arrêt 37 janv. 1717.

  • 4Ne pas rendre justice à une personne ; ne pas apprécier une qualité, une chose, comme elle le mérite. Cet homme de génie a été méconnu par ses contemporains. Les dieux, à vos désirs toujours si complaisants, Vous font-ils méconnaître et haïr leurs présents ? Racine, Iphig. I, 1. Je voulus le punir quand mon peu de lumière Méconnut ce grand homme entré dans la carrière, Voltaire, Fanat. I, 4.
  • 5Se méconnaître, v. réfl. Ne pas se reconnaître, se tromper sur soi-même. Elle [l'âme] dit : je suis une vapeur, je suis un air délié ou un feu subtil… Ô âme… en te cherchant, tu t'es perdue ; maintenant tu te méconnais en ce triste et malheureux état, Bossuet, la Vallière.

    Oublier ce qu'on a été ou ce qu'on est, ce qu'on doit aux autres, montrer de la présomption, de l'insolence. Voilà qu'elle [l'âme] commence déjà à se méconnaître ; transportée de son orgueil, elle dit…, Bossuet, la Vallière. Les hommes qui n'ont pas la même noblesse leur céderont sans peine [aux nobles des premières familles], pourvu que vous ne les accoutumiez point à se méconnaître dans une trop prompte et trop haute fortune, Fénelon, Tél. XI. Ce fut lui [le duc d'Épernon] qui, ne pouvant souffrir que le garde des sceaux, du Vair, précédât les ducs et pairs dans une cérémonie à la paroisse du Louvre… le fit sortir de la place et de l'église, en lui disant qu'un bourgeois ne devait pas se méconnaître, Voltaire, Hist. parl. XLVII.

HISTORIQUE

XIIIe s. À Dieu que il mesquenoissoient, Psautier, f° 187. Ainsinc va des amis poissans, Douz est à lor mescongnoissans Lor servise et lor acointance Par le defaut d'experience, la Rose, 18780.

XIVe s. La cure de ceste maladie est mescogneue à moult renommez mires [médecins], Lanfranc, f° 59.

XVIe s. J'eus plus de despit encores que de compassion de le veoir [le Tasse] à Ferrare survivant à soy mesme, mescognoissant et soy et ses ouvrages, Montaigne, II, 214. Aux presents brouillis de cet estat, mon interest ne m'a faict mescognoistre ny les qualitez louables en nos adversaires, ny celles qui sont reprochables en ceux que j'ay suivis, Montaigne, IV, 159.

ÉTYMOLOGIE

Mes… préfixe, et connaître ; provenç. mesconoisser ; ital. mesconoscere, misconoscere.