« redouter », définition dans le dictionnaire Littré

redouter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

redouter [1]

(re-dou-té) v. a.
  • 1Craindre fort. Je redoute qu'il n'apprenne cette fatale nouvelle sans y avoir été préparé. Je te donne à combattre un homme à redouter, Corneille, Cid, I, 8. Ah ! perfides, qui nous aviez donné votre foi, ne redoutez-vous point les dieux ? Perrot D'Ablancourt, Retraite, II, 3. On m'a voulu mener voir Mme la Dauphine… le premier coup d'œil est à redouter… mais il y a tant d'esprit, de mérite, de bonté…, Sévigné, 17 mars 1680. Fait même à ses amants trop faibles d'estomac Redouter ses baisers pleins d'ail et de tabac, Boileau, Sat. X. Plus même de ce Juif la race est odieuse, Plus j'assure ma vie, et montre avec éclat Combien Assuérus redoute d'être ingrat, Racine, Esth. II, 6. J'aime les Muses pour elles-mêmes, comme Fénelon voulait qu'on aimât Dieu ; mais je redoute le public, Voltaire, Lett. Mme du Bocage, 3 sept. 1758.
  • 2Se redouter, v. réfl. Avoir la crainte de soi-même. Ce qui paraît de si violent dans ses discours n'est que la délicatesse d'une conscience qui se redoute elle-même, ou l'excès d'un amour qui craint de déplaire, Bossuet, Anne de Gonz.

REMARQUE

Redouter suit la règle de craindre, voulant le subjonctif avec ne (ce ne peut être omis en poésie). Avec un infinitif, il prend de.

HISTORIQUE

XIIe s. Ne regarder [je] n'os [ose] son simple visage, Tant [j'] en redout mes ieuz à departir, Couci, XI. Quant li baron l'entendent, chascuns s'est arrier trais, Tout ainsi com li asnes qui redoute le fais, Sax. X. Li dreiz de sainte iglise fu iluec obliez, Ne damne Deus n'i fu d'un sul point redoutez, Th. le mart. 58.

XIIIe s. La quarte bataille fist li quens Looys de Blois et de Chartain ; et moult ert [était] grans et redoutée, que moult i avoit de bone gent et bons chevaliers, Villehardouin, LXIX. Se jo sui apersus, sachez, à escient Demain perdrai la teste el palais l'amirant ; Gardés que ne soiés envers moi redotant, Et que j'aie pensé traïson tant ne quant, Ch. d'Ant. VI, 586.

XIVe s. Il creint et redoubte à mentir, Oresme, Éth. 134.

XVe s. Ces deux sont grands seigneurs [Guillaume et Jean de Hainaut] craints et redoutés de leurs ennemis…, Froissart, I, I, 12. Noz redoubtées damoiselles, Aujourd'hui avons seu nouvelles Du grief, du mal… [redoubtées est ici un terme de respect], Deschamps, Poésies mss. f° 425.

XVIe s. Aymé aux cieulx et redoubté en terre, Marot, J. V, 56.

ÉTYMOLOGIE

Re…, et douter ; provenç. redoptar ; ital. ridottare. Dans l'ançien français, douter avait la signification de craindre.