« taupe », définition dans le dictionnaire Littré

taupe

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

taupe

(tô-p') s. f.
  • 1Nom d'un genre de mammifères carnassiers insectivores, dans lequel on distingue la taupe commune, dont les yeux sont très petits et tellement cachés sous les poils qu'on en a longtemps nié l'existence. Prenons la taupe pour arbitre ; Comme Thémis elle est sans yeux, L'air grave et robe noire ; on ne peut choisir mieux, Lamotte, Fabl. III, 14. La taupe, sans être aveugle, a les yeux si petits, si couverts, qu'elle ne peut faire usage du sens de la vue, Buffon, Quadrup. t. II, p. 322. Tout le monde connaît les souterrains de la taupe ; mais tout le monde ne sait ce que ces souterrains renferment de curieux ; c'est là qu'à l'abri des insultes des animaux carnassiers, loin du trouble, du bruit et des regards des curieux, l'industrieuse taupe élève sa nombreuse famille dans une heureuse obscurité qui assure sa tranquillité et son bonheur, Bonnet, Contempl. nat. XI, 8.

    Ne voir pas plus clair qu'une taupe, se dit d'une personne qui ne voit pas bien.

    Fig. Être sous terre comme une taupe, vivre caché dans la retraite. Le pauvre Nicole est dans les Ardennes, et M. Arnauld sous terre, comme une taupe, Sévigné, 31 mai 1680.

    Fig. Une taupe, une personne intellectuellement aveugle. Ce que vous me mandez que nous sommes des taupes, et que la paix est quelquefois bonne et quelquefois la guerre, cela, dis-je, est du meilleur sens du monde, Bussy-Rabutin, Lett. à Mme de Sév. 22 mars 1673. Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous, Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes, La Fontaine, Fabl. I, 7. Toujours taupe à l'égard de sa propre personne, Méprisant tout le monde, et n'admirant que lui, Destouches, Homme sing. I, 4.

    Familièrement. Noir comme une taupe, très noir. Blanche, qui est plus noire qu'une taupe, Lesage, Est. Gonz. 17. Sa jolie petite femme, noire comme une taupe, Voltaire, Lett. Prince de Ligne, 18 févr. 1764.

    Populairement. Cet homme est allé dans le royaume des taupes, il est mort. Je ne vois guère plus qu'une taupe ; et d'ailleurs j'irai bientôt dans leur royaume, en regrettant fort peu celui-ci, mais en vous regrettant beaucoup, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 25 avr. 1770.

    Fig. C'est une vraie taupe, se dit d'un sournois dangereux, qui agit par des voies souterraines.

    Il va comme un preneur de taupes, se dit d'un homme qui marche doucement sans faire de bruit.

    Servir comme une taupe dans un pré, être nuisible.

  • 2Nom vulgaire et vieilli d'une espèce de loupe irrégulière, sinueuse, formée sous les téguments de la tête, qui sont soulevés comme la terre fouillée par la taupe.

    Terme de vétérinaire. Mal de taupe, voy. MAL, n° 8.

  • 3Taupe étoilée du Canada, nom vulgaire de la condylure crétée (carnassiers insectivores).

    Taupe de Sibérie, animal qui a le poil vert et or, et qui est différent de nos taupes, Buffon, Quadrup. t. II, p. 328.

    Taupe de mer, requin.

    Nom vulgaire et spécifique de la cyprée taupe ou porcelaine taupe, coquille univalve.

    Taupe volante, courtilière ; on dit aussi taupe-grillon.

  • 4 Terme rural. Taupe à rigoles, charrue pour les irrigations et les desséchements.

    PROVERBE

    Un chasseur, un pêcheur et un preneur de taupes feraient de beaux coups sans les fautes.

HISTORIQUE

XIIIe s. Des yex dou cuer ne veons gote, Ne que la taupe soz la mote, Rutebeuf, 245. Nous resamblons la taupe qui ot et pas ne voit… Nos oions les sermons c'on dit et amentoit ; Si n'i a cil ne cele qui par ce se chastoit, la Chantepleure, dans RUTEB. t. I, p. 399.

XIVe s. Vous endormirés Argus, si que il ne verra mes que une taupe, Machaut, p. 149.

XVIe s. Des taupes chez nous ; et des lynx chez autrui, cité dans ÉD. FOURNIER, Variétés hist. et litt. t. IV, p. 66.

ÉTYMOLOGIE

Picard, teupe ; provenç. catal. et ital. talpa ; du latin talpa.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

TAUPE. Ajoutez :
5 Taupe grise, nom du rat d'eau, dans la Suisse romande, Eug. Rolland, Faune populaire, Paris, 1877, p. 32.