« tolérer », définition dans le dictionnaire Littré

tolérer

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

tolérer

(to-lé-ré. La syllabe lé prend un accent grave quand la syllabe qui suit est muette : je tolère, excepté au futur et au conditionnel : je tolérerai, je tolérerais) v. a.
  • 1Avoir de l'indulgence pour des choses qui ne sont pas bien, ou que l'on ne croit pas bien. Je ne puis tolérer que cela se passe ainsi. L'usage des billets de la première sorte ne peut être toléré qu'entre marchands et pour fait de marchandises seulement, Vauban, Dîme, p. 88. On lui tolère [à Jurieu] de dire qu'on se peut sauver dans une communion socinienne, Bossuet, 6e avert. III, 76. L'on tolère quelquefois dans un État un assez grand mal, mais qui détourne un million de petits maux ou d'inconvénients qui tous seraient inévitables et irrémédiables, La Bruyère, X. Vous savez que vous m'avez permis d'aimer monsieur votre fils et que je l'adore. - Moi, mademoiselle ! je ne vous ai point permis ce petit commerce, je l'ai toléré, Voltaire, Jenni, 4. Il n'y a de véritable gloire que pour les artistes qui atteignent la perfection ; le reste n'est que toléré, Voltaire, Zulime, Lettre. Une des premières vertus sociales est de tolérer dans les autres ce qu'on doit s'interdire à soi-même, Duclos, Consid. mœurs, 3. L'algèbre ne tolère pas, comme les autres langues, des discours inutiles, Condillac, Lang. calc. II, 8.

    On le dit aussi en parlant des personnes. Tolérer quelqu'un.

  • 2Exercer la tolérance religieuse. Plusieurs de ses domestiques avaient été malheureusement nourris dans l'erreur [le protestantisme] que la France tolérait alors, Bossuet, Louis de Bourbon.
  • 3 En termes de médecine, avoir de la tolérance pour un médicament. Le tartre stibié ne fut pas toléré.
  • 4Se tolérer, v. réfl. Avoir de la tolérance les uns pour les autres. Que l'on ne doit pas condamner les gens sur des expressions dures, quand les sentiments dans le fond sont innocents, et qu'on doit se tolérer dans ces expressions, Jurieu, dans BOSSUET 2e avert. 2. Je vous prie de me faire savoir… s'il [l'évêque de Salisbury] a déclaré que les difficultés [entre calvinistes et arméniens] sont si grandes, que l'on ne peut raisonnablement condamner aucun des deux partis, mais qu'ils doivent se tolérer réciproquement, Bayle, Lett. à des Maizeaux, 21 sept. 1706. Lorsque les lois d'un État ont cru devoir souffrir plusieurs religions, il faut qu'elles les obligent à se tolérer entre elles, Montesquieu, Esp. XXXV, 9. Nous devons nous tolérer mutuellement, parce que nous sommes tous faibles, inconséquents, sujets à la mutabilité, à l'erreur, Voltaire, Dict. phil. Tolérance, 2.

SYNONYME

TOLÉRER, SOUFFRIR. On tolère les choses lorsque, les connaissant et ayant le pouvoir en main, on ne les empêche pas ; on les souffre lorsqu'on ne s'y oppose pas, faisant semblant de les ignorer, ou ne pouvant les empêcher. Dans tolérer il y a un fonds d'indulgence ; dans souffrir il y a un fonds de patience.

HISTORIQUE

XIVe s. Elle admonestoit son mary à tolerer et dissimuler son injure, Ménagier, I, 9.

XVIe s. Nous avons prins la principale raison de bien tolerer la croix, de la consideration de la volonté de Dieu, Calvin, Instit. 556. Jusques à ce que l'œil puisse bien tolerer la clarté sans douleur, Paré, xv, 23.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. tollerar ; espagn. tolerar ; du latin tolerare, radical tol, qui est dans tollere, prendre et qui se trouve dans le grec ταλᾶν, supporter, le goth. thulan, supporter, sanscr. tul, prendre, enlever, tulâ, balance ; comparez TALENT.