« tolérance », définition dans le dictionnaire Littré

tolérance

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

tolérance

(to-lé-ran-s') s. f.
  • 1Condescendance, indulgence pour ce qu'on ne peut pas ou ne veut pas empêcher. Leurs premiers succès que j'ai favorisés par ma tolérance, Guez de Balzac, liv. v, lett. 10. Notre surprise… ne cessa que pour faire place à l'étonnement que nous donna la tolérance de cette proposition [de mariage] par Mlle d'Alerac, Sévigné, 15 août 1685. Sans vouloir examiner si on ne pourrait pas soutenir qu'en effet il [David] était roi de droit, et que Saül ne régnait que par tolérance, Bossuet, 5e avert. 28. Qu'est-ce que la tolérance ? c'est l'apanage de l'humanité ; nous sommes tous pétris de faiblesse et d'erreurs ; pardonnons-nous réciproquement nos sottises, c'est la première loi de nature, Voltaire, Dict. phil. Tolérance, I. L'amitié doit avoir infiniment plus de tolérance que l'amour, Genlis, Vœux téméraires, t. III, p. 21, dans POUGENS.
  • 2En matière de religion, tolérance théologique ou ecclésiastique ou religieuse, la condescendance qu'on a les uns pour les autres touchant certains points qui ne sont pas regardés comme essentiels à la religion. L'Église latine a toujours usé de tolérance pour l'Église grecque sur le mariage des prêtres.

    Tolérance civile, la permission qu'un gouvernement accorde de pratiquer d'autres cultes que le culte reconnu par l'État. La tolérance civile, c'est-à-dire l'impunité accordée par le magistrat à toutes les sectes… est liée nécessairement avec la tolérance ecclésiastique, Bossuet, 6e avert. III, 11.

  • 3Au point de vue philosophique, admission du principe qui oblige à ne pas persécuter ceux qui ne pensent pas comme nous en matière de religion. Si vous souffrez l'erreur qui attaque ces deux attributs divins [la spiritualité et l'immutabilité], de l'un à l'autre on vous poussera sur tous les points ; et, dussiez-vous en périr, il vous faudra avaler tout le poison de la tolérance, Bossuet, 6e avert. 109. Introduire parmi eux la confusion de Babel et l'indifférence des religions sous le nom de tolérance, Bossuet, 1re instr. past. 19. Comme il s'y déclarait ouvertement pour la tolérance universelle, décidant nettement qu'on avait eu tort de brûler Servet, Note de la lett. 73 de BAYLE, du 24 févr. 1689, t. I, p. 255. Je ne crois pas que je parvienne jamais à faire établir de mon vivant une tolérance entière en France ; mais j'en aurai du moins jeté les premiers fondements, Voltaire, Lett. Mariott, 28 mars 1766. L'esprit de tolérance commence enfin à s'introduire chez les Français, qui ont passé longtemps pour aussi volages que cruels, Voltaire, Serm. Josias Rossette. La tolérance est aussi nécessaire en politique qu'en religion ; c'est l'orgueil seul qui est intolérant, Voltaire, Pol. et lég. Idées républ. 51. La douceur de ce gouvernement [Hollande] et la tolérance de toutes les manières d'adorer Dieu, dangereuse peut-être ailleurs, mais là nécessaire, peuplèrent la Hollande d'une foule d'étrangers, Voltaire, Mœurs, 187. Je ne viens pas prêcher la tolérance ; la liberté la plus illimitée de religion est, à mes yeux, un droit si sacré, que le mot tolérance, qui voudrait l'exprimer, me paraît, en quelque sorte, tyrannique lui-même, puisque l'autorité qui tolère pourrait ne pas tolérer, Mirabeau, Collection, t. II, p. 61.
  • 4Disposition de ceux qui supportent patiemment des opinions opposées aux leurs. Or connaissez-vous en France Certain couple sauvageon, Prisant peu la tolérance, Messieurs La Harpe et Naigeon ? Chénier M. J. les Deux missionnaires.
  • 5Maison de tolérance, se dit, à la police de Paris, d'une maison de prostitution.
  • 6 Terme de monnayage. Ce que la loi permet de donner aux monnaies d'or et d'argent en plus ou en moins que le titre ou le poids réel. La tolérance de titre en dessus ou en dessous du titre droit de 900 millièmes est de 2 millièmes pour les pièces d'or comme pour les pièces d'argent ; la tolérance de poids en dessus ou en dessous est également de 2 millièmes pour les pièces d'or ; quant aux pièces d'argent, elle est de 3 millièmes pour celles de 5 francs et plus forte pour celles de moindre valeur, Legoarant
  • 7Différence que la loi tolère dans le poids légal des denrées (pain, viande, etc.).

    S. f. plur. Limites en plus ou en moins, dans les proportions ou dimensions d'armes, de projectiles ou autres objets.

  • 8 Terme de médecine. Faculté qu'ont les malades de supporter certains remèdes. Au bout de quelques doses la tolérance pour le tartre stibié s'établit d'ordinaire.

HISTORIQUE

XIVe s. Par tolérance, Oresme, Thèse de MEUNIER.

XVIe s. Ce precepte qui ordonne un maintien desdaigneux et posé à la tollerance des maulx, Montaigne, III, 199. La matiere des Estats estoit la tolerance ou non tolerance de deux religions, D'Aubigné, Hist. II, 236. L'Escriture loue les saints de tolerance, quand ils sont tellement affligez de la dureté de leurs maux, qu'ils n'en sont pas rompus pour deffaillir, Calvin, Instit. 555. Le chancelier de l'Hospital fist permettre par tollerance aux ministres de faire presches publicques, Condé, Mém. p. 609.

ÉTYMOLOGIE

Prov. tolleransa ; esp. tolerancia ; ital. tolleranza ; du lat. tolerantia, de tolerare, tolérer.