« amitié », définition dans le dictionnaire Littré

amitié

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

amitié

(a-mi-tié ; de trois syllabes) s. f.
  • 1Sentiment qui affectionne, attache une personne à une autre. Les liens d'une étroite amitié. Mon amitié pour vous. Rompre l'amitié. Retirer à quelqu'un son amitié. Bien placer son amitié. Une haute amitié. Les grandes amitiés vont jusque-là, Pascal, édit. Cousin. La grande amitié que vous avez faite avec tout l'hôtel de Rambouillet, Voiture, Lett. 130. Oui, monsieur veut faire amitié avec vous et lier ensemble un petit commerce de visites et de divertissements, Molière, le Mar. forcé, 12. L'amitié qu'il avait eue avec le roi Philippe, Vaugelas, Q. C. 346. Mais enfin l'amitié n'est pas de même rang, Et n'a point les effets de l'amour ni du sang, Corneille, Hor. III, 5. Qu'aisément l'amitié jusqu'à l'amour nous mène ! Corneille, Héracl. III, 1. L'amitié d'un grand homme est un bienfait des dieux, Voltaire, Œdipe, I, 1. Le capitaine prit amitié pour moi, Molière, l'Av. V, 5. Leur tuante amitié de tous côtés m'arrête, Molière, Amph. III, 1. Quoi ! vous avez Nestor dans l'Hespérie, et vous n'avez pas su l'engager dans vos intérêts ! Nestor dont vous aviez l'amitié, Fénelon, Tél. X. Télémaque que Narbal prit en amitié, Fénelon, ib. VIII. Si je ne vous aimais que d'amitié, j'avoue que je ne vous aimerais pas tant qu'elle, Voiture, Lett. 23. J'ai cru qu'il était impossible qu'une personne qui fait naître de l'amitié en tous ceux qui la voient, n'en eût point en elle, Voiture, ib. 25. Veut-il un prêtre qui s'insinue dans l'esprit des grands, qui aime mieux gagner leurs amitiés que leurs âmes ? Fléchier, Panég. I, p. 343.

    Par bonne amitié, de bonne amitié, à bonne intention. Quoi que ce soit qui apprenne aux hommes à persécuter leurs semblables, par bonne amitié…, Diderot, Ess. sur la vertu.

  • 2Affection profonde, tendresse, amour. Ta douleur, Dupérier, sera donc éternelle ; Et les tristes discours Que te met en l'esprit l'amitié paternelle, L'augmenteront toujours, Malherbe, à Dupér. Je voue à votre fils une amitié de père, Racine, Andr. V, 3. Ô Dieux ! tant de respects, une amitié si tendre, Que de raisons pour moi si vous pouviez m'entendre ! Racine, Andr. II, 2. Rarement l'amitié désarme sa colère, Racine, Mithr. 5. Je ne murmure pas qu'une amitié commune Se range du parti que flatte la fortune, Racine, Brit. III, 7. C'est une obligation de la nature que les hommes fassent les avances pour gagner l'amitié des dames, Pascal, édit. Cousin. Vous me gâtez si fort par l'amitié que vous avez pour moi, que je ne puis plus être contente de toutes les amitiés que je vois dans les familles, Sévigné, 345. Qui te porte amitié, c'est à lui que tu nuis, Mal. I, 4.
  • 3La liaison, l'union des amis. Les unions et les amitiés humaines, Massillon, Car. Offenses. L'illusion des amitiés de la terre qui s'en vont avec les années et les intérêts, Bossuet, Anne de Gonz. Sensible aux amitiés raisonnables, Fléchier, Panég. t. II, p. 495. Renonçant aux sentiments les plus naturels des amitiés et des bienséances humaines, Fléchier, ib. I, p. 365.
  • 4Objet de l'affection. On voudrait être l'amitié et, pour ainsi dire, l'idole de tout le monde, Fléchier, Serm. I, 244.
  • 5Accord, relations entre nations. Il y a paix et amitié entre les deux puissances. Ma funeste amitié pèse à tous mes amis [alliés], Racine, Mithr. III, 1.
  • 6Bienveillance. Ce ministre a de l'amitié pour vous. Ménélas me reçut avec amitié, Fénelon, Tél. I.

    Faire amitié à quelqu'un, lui témoigner de la bienveillance.

  • 7Bon office, service de bienveillance, don. Pleine de trahison, sans âme et sans pitié, Capable de tout faire, hormis une amitié, Voiture, Poésies. La vieille Juisy donna presque tout ce qu'elle avoit à la duchesse de Noailles, et fit une amitié de 40 000 livres au cardinal d'Estrées, Saint-Simon, 117, 25.

    Faire l'amitié de, terme de politesse amicale, avoir la bonté de, la complaisance. Faites-moi l'amitié de m'écrire.

  • 8Affection de certains animaux pour les hommes. Le chien a de l'amitié pour son maître.
  • 9 Fig. Attraction, sympathie. Il y a de l'amitié entre le fer et l'aimant.
  • 10 S. f. plur. Paroles obligeantes, caresses. Il m'a fait beaucoup d'amitiés, les plus tendres amitiés. Mme de Puy du Fou qui vous fait mille amitiés, Sévigné, 15. Elle vous dit mille amitiés, Sévigné, 19. Il vient de nous quitter en nous faisant mille sortes d'amitiés, Sévigné, 217.

    PROVERBE

    Les petits présents entretiennent l'amitié.

REMARQUE

Faire amitié à quelqu'un, c'est lui témoigner de l'affection, de la bienveillance. Faire des amitiés à quelqu'un, c'est lui faire bon accueil, avoir pour lui des prévenances, lui dire des paroles obligeantes. Faire amitié avec quelqu'un, c'est se lier avec lui par le sentiment de l'amitié.

SYNONYME

AMITIÉ, AFFECTION, ATTACHEMENT. L'amitié a un sens plus étendu : elle suppose réciprocité, et, d'ordinaire, une certaine égalité entre ceux qui s'aiment. L'affection ne suppose ni réciprocité, ni égalité ; elle exprime l'ensemble des sentiments bienveillants que nous ressentons pour une personne, même pour une chose. L'attachement est un sentiment plus vague, sinon plus faible que l'affection ; il consiste à tenir d'une manière quelconque aux personnes ou aux choses, à n'y être point indifférent.

HISTORIQUE

XIe s. Deüz services et mout granz amistez, Ch. de Rol. III. Par amistié, Bel sire, [je] la vous don, ib. XLVII.

XIIe s. Par amistié vous en faiz ci le don, Ronc. p. 29. E pur ço que li reis l'aveit tant eshaucié, Emustré li aveit sovent grant amistié, Th. le Mart. 37.

XIIIe s. Car encor cuidoit-elle que ce fust amisté, Berte, X.

XIVe s. Premierement c'est raison, pour ce que amisté est une vertu, Oresme, Eth. 228.

XVe s. Longis, ceste lance tenez ; En vostre main la porterez, Et ses compaignons aiderez : Je vous en pry par amitié, la Pass. de N. S. J. C. Et envoya tantost par certains messages ces lettres et ces amitiés devers le duc et la duchesse, Froissart, II, III, 38.

XVIe s. Comme s'il n'eust eu d'autres bornes pour limiter son amitié ou inimitié, que le droit et la justice seulement, Amyot, Brut. et Dion, 5. Mesurant ses amitiés ou inimitiés à la mesure du bien et de l'utilité publique, Amyot, Aratus, 12. Il ne faut point trencher en deux une amitié ; Un est nombre parfait, imparfait le deuxiesme, Ronsard, 254. Pour amitié garder, faut paroys entreposer, Génin, Récréat. II, p. 247.

ÉTYMOLOGIE

Picard, amikié ; Berry, amiquié ; provenç. amistatz ; catal. amistat ; espagn. amistad ; ital. amistà ; d'une forme non latine, amicitas, de amicus (voy. AMI). Amicitia aurait donné amiesse.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

AMITIÉ. - REM. Ajoutez :

2. Amitiés est employé au pluriel à propos du sentiment même, lorsque ce sentiment a pour objet des personnes différentes. Adieu, mon cher cousin, adieu, ma chère nièce : conservez-nous vos amitiés, et nous vous répondons des nôtres, Sévigné, Lett. à Bussy, 10 mars 1687.