« fantaisie », définition dans le dictionnaire Littré

fantaisie

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fantaisie

(fan-tè-zie) s. f.
  • 1Ancien synonyme d'imagination. Fantaisie signifiait autrefois l'imagination, et on ne se servait guère de ce mot que pour exprimer cette faculté de l'âme qui reçoit les objets sensibles, Voltaire, Dict. phil. Fantaisie.

    En ce sens il a vieilli, et quelques-uns l'écrivent, étymologiquement, phantaisie.

  • 2De fantaisie, par l'œuvre de l'imagination, sans réalité. Heureusement on rectifie sur les lieux ce que les géographes ont souvent tracé de fantaisie dans leur cabinet, Voltaire, Dict. phil. Géographie.

    Tête de fantaisie, tête de pure imagination. Un peintre fait un portrait de fantaisie qui n'est d'après aucun modèle, Voltaire, Dict. phil. Fantaisie. Petit portrait de fantaisie, Mis en tête de mon recueil, Béranger, Portrait.

    Robe, habit de fantaisie, robe, habit qui n'est pas conforme à la mode courante, surtout à l'uniforme réglementaire, et qu'on imagine. Un shako, un sabre de fantaisie. On dit même, dans l'armée, du drap de fantaisie pour désigner du drap plus fin que celui qui est fourni par l'État.

    Un objet de fantaisie, ou une fantaisie, une chose curieuse, singulière.

    Un nom de fantaisie, un nom qu'on imagine de prendre. Tu portes un nom de fantaisie.

    Fig. Se dit de la figure d'une personne que l'on compare à un objet de fantaisie. Elle a une petite figure sans aucune régularité, un minois de fantaisie extrêmement commun, Genlis, Ad. et Théod. t. I, lett. 53, p. 451, dans POUGENS.

  • 3Esprit, pensée, idée. [Ceux] à qui l'amour lascif règle la fantaisie, Régnier, Sat. XI. Au logis d'une fille où j'ai ma fantaisie, Régnier, ib. XII. Ce qu'un enfant a dans la fantaisie, La Fontaine, Faucon. Il n'avouera jamais qu'il est médecin, s'il se le met en fantaisie, que vous ne preniez chacun un bâton, Molière, le Méd. m. lui, I, 5. Cette frénésie [faire des vers] De ses noires vapeurs troubla ma fantaisie, Boileau, Sat. II. Nous sommes tous faits naturellement comme un certain fou athénien… qui s'était mis dans la fantaisie que tous les vaisseaux… lui appartenaient, Fontenelle, les Mondes, 1er soir.

    Avoir en fantaisie, avoir dans l'idée. Ces messieurs ont en fantaisie de nous donner les âmes des pieds [les violons pour danser], Molière, les Préc. rid. 13.

  • 4Volonté passagère. Je suis en fantaisie d'admirer l'honnêteté de ces messieurs, Sévigné, 67. La fantaisie m'a pris de me lever, Sévigné, 197. Sa femme s'était mise à la fantaisie de se parer, Sévigné, 367. Fantaisie veut dire aujourd'hui un désir singulier, un goût passager : il a eu la fantaisie d'aller à la Chine ; sa fantaisie du jeu, du bal, lui a passé, Voltaire, Dict. phil. Fantaisie. Croyez-vous le monde bien ancien ? ma fantaisie est qu'il est éternel, Voltaire, Dial. 24.

    À la fantaisie, selon qu'on en a volonté. Un bœuf est plus puissant que toi ; Je le mène à ma fantaisie, La Fontaine, Fabl. II, 9. Je te dis, moi, que je veux que tu vives à ma fantaisie, et que je ne me suis pas mariée avec toi pour souffrir tes fredaines, Molière, Méd. m. lui, I, 1. Disposer de tout selon sa fantaisie, Pascal, Prov. 6. Rois qu'il fit et défit à sa fantaisie, Bossuet, Hist. I, 11.

  • 5Goût particulier. De tous les visages il n'y en avait point à sa fantaisie comme le vôtre, Sévigné, 520. Ah ! que vous écrivez à ma fantaisie ! Sévigné, 32. Il [M. de Grignan] devrait bien renvoyer toutes les fantaisies ruineuses qui servent chez lui par quartier, Sévigné, 5 juin 1680. C'est la fantaisie des hommes qui met le prix aux choses frivoles ; c'est cette fantaisie qui fait vivre cent ouvriers que j'emploie ; c'est elle qui me donne une belle maison, un char commode, des chevaux, Voltaire, Babouc. Avoir des fantaisies, c'est avoir des goûts extraordinaires qui ne sont pas de durée ; fantaisie en ce sens est moins que bizarrerie et que caprice, Voltaire, Dict. phil. Fantaisie.
  • 6Il se dit d'un amour passager. Mais l'amant qui vous charme et pour qui vous brûlez, Ne vous est après tout que ce que vous voulez ; Une mauvaise humeur, un peu de jalousie En fait assez souvent passer la fantaisie, Corneille, Hor. III, 4. Son amour n'était qu'une fantaisie ; les fantaisies se passent, Marivaux, Pays. parv. 5e part. Il [Néron] se prend de fantaisie pour une affranchie nommée Acté, Diderot, Claude et Nér. I, 48. Cette dangereuse coquette n'a point fait naître des fantaisies, et n'a jamais inspiré que de grandes passions, Genlis, Ad. et Théod. t. I, lett. 50, p. 432, dans POUGENS.
  • 7Caprice, boutade. Quelle fantaisie vous a pris ? Cet homme a des fantaisies ridicules. Un chétif centenier des troupes de Mysie Qu'un gros de mutinés élut par fantaisie, Corneille, Héracl. I, 2.

    Se passer la fantaisie d'une chose, satisfaire son caprice. La Temple ayant résolu d'en passer sa fantaisie, Hamilton, Gramm. 10.

    Fantaisies musquées, bizarreries tout à fait singulières. On dit quelquefois, en conversation particulière, des fantaisies musquées ; mais jamais on n'a entendu par ce mot des bizarreries d'hommes d'un rang supérieur qu'on n'ose condamner, comme le dit le Dictionnaire de Trévoux, Voltaire, Dict. phil. Fantaisie.

  • 8 Terme de peinture. Ouvrage où l'on a suivi son caprice et son imagination en s'affranchissant des règles. Des arabesques sont des fantaisies. Le tout me parut si bizarre, que ma première idée fut d'envoyer chercher un peintre pour en faire une fantaisie, Montesquieu, Lett. pers. 49.

    Terme de musique. Réunion d'airs pris selon le caprice du compositeur, et liés entre eux par des transitions ou ritournelles ; c'est ce qu'on nommait autrefois pot-pourri. Fantaisie sur les airs de Guillaume Tell, pour piano et violon, par Osborne et de Bériot. La fantaisie se distingue de la sonate dont tous les morceaux sont assujettis à des règles certaines, par la liberté qu'elle laisse au compositeur dans la façon de traiter son sujet ; il n'est pas nécessaire que le thème en soit connu ; Mozart a des fantaisies sur des motifs composés tout exprès.

  • 9Se dit des mouvements d'un cheval qui veut agir contre la volonté du cavalier. Ce cheval a des fantaisies.
  • 10Fil tiré du fleuret, lorsqu'il est savonné, cuit et prêt à être teint.

HISTORIQUE

XIVe s. [Les bêtes] ont tant seulement fantaisie et memore des choses singulieres, Oresme, Eth. 199. Les choses de mathematiques sont cognues par abstrattion, ymagination et phantasie, Oresme, ib. 181.

XVe s. Et ainsi petit à petit, ou temps de celle croiscence, nature appreste la fantasie et entendement, Christine de Pisan, Hist. de Ch. V, I, 9.

XVIe s. Le travail des grans journées d'Espagne m'estoit plus portable que le repous de France, où la fantasie me tourmente plus que la peine, Marguerite de Navarre, Lett. XXXVI. Et continuerent longuement cette vie, sans qu'il s'aperçut jamais qui elle estoit, dont il entra en grande fantaisie [inquiétude], pensant…, Marguerite de Navarre, Nouv. XLIII. À ma fantaisie, il n'est rien que la coutume ne face, Montaigne, I, 115. S'il eust mis, comme moi, par escript ses fantaisies, Montaigne, I, 206. Lorsque quelqu'un prend fantaisie de s'aller battre, il faut que celui qui le seconde…, Lanoue, 248.

ÉTYMOLOGIE

Grec, φαντασία, action de se montrer, apparition, de φαντὸς, visible, de φαίνεν, montrer, briller (voy. PHÉNOMÈNE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

FANTAISIE. - HIST. Ajoutez : XIIe s. Quant li corages ki acoustumeiz est es corporeiz choses penset de cele substance [de Dieu], si soffret les fantasies de diverses ymagenes, Job, p. 485.

XIIIe s. Pour la legiereté de la teste de ladite Clemence et pour les fantaisies que ele disoit à la foiz [parfois], Miracles St Loys, p. 147.