« flotter », définition dans le dictionnaire Littré

flotter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

flotter

(flo-té) v. n.
  • 1Être porté sur un liquide sans aller au fond. Tout à coup elle aperçut les débris d'un navire qui venait de faire naufrage… un mât, des cordages flottant sur la côte, Fénelon, Tél. I.

    Fig. Nous flottons dans la mer de ce monde au gré de nos passions qui nous emportent tantôt d'un côté et tantôt d'un autre, comme un vaisseau sans voile et sans pilote, Nicole, Ess. mor. 1er tr. ch. 11. Les petites choses flottent dans sa capacité [du cœur] : il n'y a que les grandes qui s'y arrêtent et qui y demeurent, Pascal, dans COUSIN.

  • 2Être, rester à flot, en parlant du bois qu'on fait descendre un cours d'eau. Faire flotter du bois. Le bois ne peut flotter dans ce cours d'eau.
  • 3Faire aller ses flots. Il verra les deux mers flotter sous son empire, Rousseau J.-B. Églogue. Au murmure du lac flottant à petit pli, Nous nous sommes levés le cœur déjà rempli, Lamartine, Jocel. IV, 124.
  • 4Voltiger en ondoyant. Mais l'Hydaspe, malgré tant d'escadrons épars, Voit enfin sur ses bords flotter nos étendards, Racine, Alex. II, 2. Et la voile flottait aux vents abandonnée, Racine, Phèdre, III, 2. Leurs beaux cheveux pendaient sur leurs épaules et flottaient au gré du vent, Fénelon, Tél. IV. Les cheveux d'Atalante, noirs comme l'ébène, flottaient sur ses épaules blanches comme l'ivoire, Diderot, Pensées sur la peinture, Œuvres, t. XV, p. 243.

    Terme de peinture. Se dit des plis d'une draperie qui se détachent bien.

  • 5N'être pas retenu, tendu d'une façon ferme. Sa main sur ses chevaux laissait flotter les rênes, Racine, Phèdre, v, 6. La chaîne éternelle ne peut être ni rompue ni mêlée ; le grand être, qui la tient nécessairement, ne peut la laisser flotter incertaine ni la changer, Voltaire, Principe d'action, 13.

    Fig. L'empire est asservi à une femme qui n'en laisse pas flotter les rênes au gré de sa passion, Diderot, Claude et Nér. I, 28.

  • 6 Terme militaire. Ne pas bien conserver son alignement, en parlant d'une troupe. Les rangs du bataillon flottaient.
  • 7 Fig. Être emporté çà et là. En ces songes profonds où flottait mon esprit, Régnier, Sat. X. Pour vous ôter du trouble où flottent vos esprits, Corneille, Ment. IV, 8. Sur d'éternels soucis voit flotter sa pensée, Corneille, D. Sanche, II, 4.

    Aller au hasard. Nos chevaux, au soleil, foulaient l'herbe fleurie ; Et moi, silencieux, courant à ton côté, Je laissais au hasard flotter ma rêverie, Musset, Poésies nouv. Sonnet à Alfred T.

    N'être pas fixé, en parlant de choses. Ce n'est guère qu'en France que les droits de tous les corps flottent ainsi dans l'incertitude, Voltaire, Hist. parlem. LVIII. Que dis-je ? assez longtemps les soupçons des Thébains Entre Phorbas et lui flottèrent incertains, Voltaire, Œdipe, II, 1.

  • 8Hésiter, être irrésolu, incertain. Des deux côtés laissant flotter sa foi, Son cœur n'aime en effet ni son maître ni moi, Corneille, Perthar. IV, 2. Mon cœur étonné flotte plus que jamais, Corneille, Attila, III, 1. Le roi, vous le voyez, flotte encore interdit, Racine, Esth. III, 5. C'était entre ces deux déités que flottaient les vœux du chevalier, Hamilton, Gramm. 6. On peut flotter quelques années entre les sacrements et les rechutes, Massillon, Car. Inconst. Flottant toujours et ne voulant pas être fixé, Massillon, Avent, Épiph. Toute la France est partagée entre le prince de Condé et François de Guise ; Catherine de Médicis flotte entre eux deux, Voltaire, Mœurs, 171. Je passai deux ou trois ans de cette façon, entre la musique, les magistères, les projets, les voyages, flottant incessamment d'une chose à l'autre, Rousseau, Conf. V. Je flotte, je balance entre trois femmes charmantes ; loin de m'être déjà déclaré, je ne suis pas encore fixé moi-même, Picard, Capit. Belronde, I, 4. Ainsi son esprit paraît flotter entre deux grandes décisions, et les contradictions de ses paroles passent dans ses actions, Ségur, Hist. de Nap. VI, 6.
  • 9Tenir de l'un et de l'autre. La finesse flotte entre le vice et la vertu, La Bruyère, VIII.
  • 10Dans le langage élevé, n'être pas décidé, en parlant d'un événement. La couronne entre nous flotte encore incertaine, Corneille, Rodog. I, 5.

    Être mal assuré. Nos couronnes, d'abord, devenant ses conquêtes, Tant que nous régnerions, flotteraient sur nos têtes, Racine, Alex. I, 2.

  • 11 V. a. Terme de marine. Flotter un câble, le faire soutenir ou soulager dans l'eau.

    Flotter, v. n. se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

REMARQUE

L'Académie écrit flotter de flot, avec deux tt, tandis qu'elle écrit cahoter de cahot, avec un seul t. Il faudrait mettre de l'uniformité en des formations semblables.

HISTORIQUE

XIe s. Li altre en vont à contreval flotant [naviguant], Ch. de Rol. CLXXVI.

XIIe s. E li pruzdum une branche colpad e mist la en l'eve cele part ; este vus li fers des funz levad, e par cele eve amunt flotad, Rois, p. 366. Il prent son escu et sa lance, Qui par le gué flotant aloient, la Charrette, 836.

XIIIe s. Ensi fu mis el flum, et flota tant li vaissiaus que il vint au pont que li crestien avoient fait parmi le flum, Chr. de Rains, p. 95. Savez c'on dist au cous [cocu] mauvès, S'il vient à pont qui soit deffez : Passez outre ; se vous chaez [tombez], Saiez seür, vos floterez, Ren. 11066. Se fortune vous a encroé [élevé] sur sa roe, Se li avoirs de Diex entour vous flote et noe [nage], J. de Meung, Test. 654. Une partie [des hommes] va flotant, car une fois fait bien et autre mal, Latini, Trésor, p. 400.

XVe s. Ils [les Anglois] s'en vinrent tous flottant [naviguant le long] les bandes de Normandie et querant leurs aventures, Froissart, II, II, 28.

XVIe s. … Comme à ouyr la marine flotter Contre la rive…, Marot, I, 222. Nous trouvons estrange si nous voyons flotter les evenements et diversifier d'une maniere commune et ordinaire, Montaigne, II, 142. Nostre raison se perd, flottant dans cette mer vaste des opinions humaines, Montaigne, II, 256. Cette mer flottante des opinions d'un peuple ou d'un prince, Montaigne, II, 344. Tous les mats flottants de banderolles semées d'aigles de l'empire, Carloix, VIII, 24. En secouant le ventre, l'on entend l'eau flotter dedans, comme si c'estoit un vaisseau demy plein, Paré, VI, 11. …Il feit tirer en mer un vaisseau lequel autrefois avoit esté fort bon, mais il y avoit quarante ans qu'il n'avoit flotté, Amyot, Philop. 13. Le rivage s'esboula, tellement que la mer qui alloit flottant à l'environ, gardoit qu'on n'eust sceu approcher du tumbeau, Amyot, Anton. 91. Pour n'estre grands fleuves, ne sont flotez de grands bateaux, Pasquier, Recherches, liv. IX, p. 761, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Flot ; ital. fiottare.