« piller », définition dans le dictionnaire Littré

piller

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

piller

(pi-llé, ll mouillées, et non pi-yé) v. a.
  • 1Dépouiller, avec violence, de ses biens une ville, une maison, etc. La flotte… Croit surprendre la ville, et piller la contrée, Corneille, Cid, III, 6. On leur promit [aux soldats réformés] des monastères à piller, Bossuet, Déf. Variat. 1er disc. 58. Brennus marcha avec le gros de l'armée du côté de Delphes, pour piller les richesses immenses du temple d'Apollon, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 349, dans POUGENS. Faria, envoyé contre des corsaires malais, chinois et d'autres pirates, alla piller les tombeaux des empereurs de la Chine, dans l'île de Calampia, Raynal, Hist. phil. I, 24. Le peuple qui pille les boutiques de boulangers n'en prend pas conseil dans les livres, Marmontel, Mém. XI.

    Il se dit des personnes dans un sens analogue. Un chevalier, dit-elle, m'a pillée, Voltaire, Ce qui pl. aux dames. Les cris des Polonais, que nos alliés pillent impitoyablement et qu'ils insultent, se firent entendre, Ségur, Hist. de Nap. III, 2.

    Absolument. Là [les Indes] il n'y a que des misérables qui pillent, et des misérables qui sont pillés, Montesquieu, Esp. XVI, 10.

  • 2Enlever, emporter par pillage. Vos effets ont été pillés tant par les archers que par vos propres domestiques, Lesage, Gil Blas, IX, 7.

    Piller une collation, un dessert, se jeter sur une collation, sur un dessert, pour emporter les fruits, les confitures, etc.

  • 3Commettre des exactions, des concussions. Les provinces étaient pillées par les proconsuls romains.

    Faire des gains illicites, mettre à contribution. Ces gueuses, pour piller la dupe qui leur rit, Th. Corneille, Galant doublé, I, 1. Oh ! par ma foi, monsieur le commissaire, nous vous pillerons, vous qui pillez les autres, Dancourt, Bourg. à la mode, III, 8.

    Fig. Un nocturne larron, comme un hôte introduit, A, l'épée à la main, la menace à la bouche, Honteusement pillé la pudeur de sa couche, Ponsard, Lucrèce, V, 4.

  • 4En fait de littérature et de beaux-arts, prendre chez autrui des choses qu'on donne comme siennes. Mais parlez-moi donc des poésies de cet homme [le roi de Prusse] qui a pillé tant de vers et tant de villes, Voltaire, Lett. d'Argental, 15 févr. 1760. Ce qu'il [La Beaumelle] pille, il l'appelle ses pensées, Voltaire, ib. 18 déc. 1752. Lorsque les historiens sont contemporains, il est difficile, au bout de quelque temps, de savoir qui est celui qui a pillé l'autre, Voltaire, Mœurs, Rem. XI. Comme il s'approprie, sans esprit, l'esprit des autres ! comme il gâte ce qu'il pille ! Voltaire, Candide, 22. Un bel esprit, beau de l'esprit qu'il pille, Béranger, Bonne fille.

    Fig. Monsieur Bourguignon, vous avez pillé cette galanterie-là quelque part, Marivaux, Jeux de l'am. et du has. I, 8.

  • 5En parlant des chiens, se jeter sur les animaux, sur les personnes. Et puis, quand le chasseur croit que son chien la pille, Elle [la perdrix] lui dit adieu…, La Fontaine, Fabl. X, 1. … Car étant de nature à piller ses pareils, mainte mésaventure L'aurait fait retourner chez lui Avec cette partie [oreilles] en cent lieux altérée, La Fontaine, ib. X, 9.

    Il se dit, dans le même sens, des personnes. On nous voit tous, pour l'ordinaire, Piller le survenant, nous jeter sur sa peau, La Fontaine, Fabl. X, 15. Il démêle un sot de cent pas, Le poursuit, l'aboie et le pille, Deshoulières, Poés. t. II, p. 141.

    Pille, terme dont on se sert pour exciter un chien à se jeter sur le gibier, pour lui faire entendre de manger un morceau qu'on lui jette, et aussi pour agacer un chien contre un autre. Il me semble qu'il est comme ces chiens, a qui l'on dit longtemps : Tout beau, et puis tout d'un coup, pille, Sévigné, 499.

  • 6À certains jeux de triomphe, piller ou faire pille, avoir le droit, dans certains cas, de prendre pour soi toutes les cartes d'une même couleur.

    Se dit à l'hombre, pour prendre plus de cartes qu'on ne doit.

  • 7Se piller, v. réfl. Se prendre l'un à l'autre ce que l'on a.

    Se piller, se jeter l'un sur l'autre. Enfin tout d'un coup ils se pillèrent avec tant d'animosité et de furie, que les musiciens craignirent pour leurs jambes, et gagnèrent au pied, laissant leurs orgues à la discrétion des chiens, Scarron, Rom. com. I, 15.

HISTORIQUE

XVIe s. Tormenter les vefves, piller les orphelins, Calvin, Instit. 1159. Je la gourmande en bloc [l'idée de la mort], par le menu elle me pille, Montaigne, III, 301. On y jectoit mille cerfs, etc. … les abandonnant à piller au peuple, Montaigne, IV, 12. Tous ceulx qui avoient manié les finances de la chose publique avoient grandement pillé et desrobbé le public, Amyot, Arist. 10.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, pii ; provenç. pilhar, pillar ; esp. pillar ; port. pilhar ; ital. pigliare, qui signifie prendre (d'où, au XVIe siècle, quand les italianismes abondaient dans le français, piller patience, YVER, p. 564) ; du lat. pilare, voler, piller. L'l mouillée dans toutes les langues romanes suppose probablement une forme pileare.