« tristesse », définition dans le dictionnaire Littré

tristesse

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

tristesse

(tri-stè-s') s. f.
  • 1Sorte de souffrance morale dont le propre est de peser sur l'âme, et qui d'ordinaire apparaît dans l'extérieur. Nos plus heureux succès sont mêlés de tristesse, Corneille, Cid, III, 5. Le fils qui est sage est la joie du père, le fils insensé est la tristesse de sa mère, Sacy, Bible, Prov. de Salom. x, 1. On fait beaucoup de bruit [après la mort d'un mari], et puis on se console ; Sur les ailes du temps la tristesse s'envole, La Fontaine, Fabl. VI, 21. Cette mauvaise tristesse dont saint Paul dit qu'elle donne la mort, au lieu qu'il y en a une autre qui donne la vie, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 7. Et ainsi, comme dit Tertullien, il ne faut pas croire que la vie des chrétiens soit une vie de tristesse ; on ne quitte les plaisirs que pour d'autres plus grands, Pascal, ib. 6. Vos malheurs me font une tristesse au cœur qui me fait bien sentir que je vous aime, Sévigné, à Bussy, 15 juill. 1673. Nous sommes toujours dans la tristesse des troupes qui nous arrivent [en Bretagne, pour punir la province] de tous côtés, Sévigné, 4 déc. 1675. Vous ne sauriez mieux faire que de promener votre tristesse à Versailles ; ce qui serait pourtant encore mieux, serait de n'avoir point de tristesse, Sévigné, 7 fév. 1685. Il faut écouter le saint apôtre, qui nous dit : il y a la tristesse du siècle, la tristesse selon le monde, et la tristesse selon Dieu, Bossuet, Sermons, Trist. des enfants de Dieu, 2. Ces pieux devoirs que l'on rend à sa mémoire [de Mme de Montausier], ces chants lugubres qui frappent nos oreilles et qui vont porter la tristesse jusque dans le fond des cœurs, Fléchier, Mme de Mont. La tristesse n'est bonne, ni pour ce monde, ni pour l'autre, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 29 sept. 1715. Elle [l'élégie] peint des amants la joie et la tristesse, Boileau, Art p. II. Comme autrefois David, par ses accords touchants, Calmait d'un roi jaloux la sauvage tristesse, Racine, Esth. III, 3. Idoménée… tomba dans une tristesse mortelle, Fénelon, Tél. XXIII. Dans la tristesse, les deux coins de la bouche s'abaissent, la lèvre inférieure remonte, la paupière est abaissée à demi, la prunelle de l'œil est élevée et à moitié cachée par la paupière, les autres muscles de la face sont relâchés, de sorte que l'intervalle qui est entre la bouche et les yeux est plus grand qu'à l'ordinaire, et par conséquent le visage paraît allongé, Buffon, Hist. nat. hom. Œuv. t. IV, p. 300. Et non moins que le temps la tristesse a des rides, Chénier, Élég. X.

    Au plur. Elle [la vue de la volonté de Dieu] retranche l'inquiétude, l'empressement, les désirs trop ardents pour les choses qui ne sont pas encore arrivées, les tristesses et les chagrins pour celles qui sont présentes ou passées, Nicole, Ess. de mor. 2e traité, ch. 4. Ce sont des tristesses retirées dans le fond de l'âme qui la flétrissent et qui la laissent comme morte, Marivaux, Marianne, 9e part.

    Terme de médecine. Tristesse ébrieuse, nom donné à un état d'hébétude chez les personnes qui abusent de l'alcool.

  • 2Mélancolie habituelle de tempérament. C'est un homme qui est né avec un fond de tristesse. Voilà les horreurs de la séparation… toutes les tristesses des tempéraments sont des pressentiments, tous les songes sont des présages, Sévigné, 6 mai 1671.
  • 3Il se dit de ce qui inspire la tristesse. Le bruit de ces torrents et de la mer est d'une tristesse qui serre le cœur, Genlis, Veillées du château t. III, p. 353, dans POUGENS.
  • 4Il se dit des lieux sans agréments, des fêtes sans gaieté, etc. Les appartements de cette maison sont d'une grande tristesse. Le bal du mardi gras pensa être renvoyé ; jamais il ne fut une telle tristesse : je crois que c'était votre absence qui en était la cause, Sévigné, 18.

HISTORIQUE

XIIIe s. Tristesce et moleste sont choses mauvaises, et sont contraires au delit [plaisir], Latini, Trésor, p. 324.

XIVe s. Toutes choses que l'en fait par force et par violence et contre sa volenté, l'en les fait avecques tristesse, Oresme, Éth. 50. Et se au contraire il vient à un homme beneuré pluseurs grandes males fortunes et adversités, il le tribulent et troublent et lui font tristeces, Oresme, ib. 25.

XVIe s. Il delibere de mourir en cette tristesse, n'ayant autre plaisir que de suivre son enfant au sepulcre, Calvin, Instit. 332. Je crains la cruauté de vos fieres maistresses, J'ay part à vos soupirs, je gouste vos tristesses, Desportes, Bergeries, IV, discours. De tristesse et ennuy nul fruict, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 287.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. tristicia, tristessa ; espagn. tristeza ; ital. tristezza ; du latin tristitia, de tristis, triste. Le mot le plus usité dans l'ancienne langue était tristor.