« amuser », définition dans le dictionnaire Littré

amuser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

amuser

(a-mu-zé) v. a.
  • 1Procurer de l'agrément. Cela amuse. Tout ce qui n'est pas Dieu peut l'amuser [l'âme] ; mais Dieu seul est capable de la remplir, Fléchier, III, 419.
  • 2Faire perdre le temps en choses qui amusent. Quand il s'aperçut qu'on l'amusait. Amusez-le du moins à débattre avec vous, Corneille, Nicom. V. 5. Tous ces désirs de changement qui vous amusent, vous amuseront jusqu'au lit de la mort, Massillon, Carême, Élus.

    Amuser l'ennemi, le tromper par des lenteurs.

  • 3En parlant des choses. Amuser la tristesse, la douleur. Jusques à quand amuserai-je les inquiétudes secrètes de mon âme par de vains projets de pénitence ? Massillon, Car. Fausse conf. La harpe d'un berger amuse sa tristesse [de Saül], et ne la guérit point, Massillon, Avent, Conc. Mon cœur saignait encor des maux qu'il m'avait faits ; D'un rayon d'espérance amuser ses souhaits, Malheureuse ! c'était compromettre ma gloire, Gilbert, la Marq. de Gange. Pison peut cependant amuser leur fureur, Corneille, Othon, V, 2. Ce qui me choque de ces beaux esprits, c'est qu'ils ne se rendent pas utiles à leur patrie et qu'ils amusent leurs talents à des choses puériles, Montesquieu, Lett. pers. 36.
  • 4Repaître de vaines espérances, abuser, tromper. Il les amusait par des espérances. Il veut que je l'amuse et ne veut rien de plus, Corneille, Sertor. II, 3. C'est ainsi qu'on déguise un violent dépit… Et qu'on croit amuser de fausses patiences Ceux dont en l'âme on craint de justes défiances, Corneille, Rodog. IV, 6. Les promesses dont Hananias amusait le peuple, Bossuet, Or. 7. On ne se laissera pas amuser aux vaines excuses qu'il débite, Bossuet, Conc. C'est amuser le monde que de faire des réponses vagues, Bossuet, Déf. comm. Quand on raconte de pareilles choses, on veut amuser le monde, Bossuet, Var. 7. Les a-t-il jamais amusés par des caresses ? Fléchier, M. de Mont.
  • 5 Familièrement. Amuser le tapis, dire des choses vaines, des paroles inutiles. Il est bon quelquefois de savoir agréablement amuser le tapis. Ceux qui savent parler sans rien dire et qui amusent une conversation pendant deux heures de temps sans qu'il soit possible de retenir un mot de ce qu'ils ont dit, Montesquieu, Lett. pers. 82.
  • 6 En termes de jardinage, amuser la séve, laisser à l'arbre plus de bois et de bourgeons que de coutume.

    S'AMUSER, v. réfl.

  • 7Se divertir. Les enfants qui aiment à s'amuser. Il s'est fort amusé à cette soirée. S'amuser à lire un auteur. Il a fait cela pour s'amuser. On ne s'amuse pas longtemps de l'esprit d'autrui.
  • 8Perdre le temps. Il broute, il se repose, Il s'amuse à toute autre chose, La Fontaine, Fab. VI, 10. Morbleu ! je suis bien sot de m'amuser à raisonner avec vous, Molière, le Fest. III, 1. Comme s'il eût été capable de s'amuser à penser à nous, Pascal, Prov. 4.

    En parlant des choses. Les faibles déplaisirs s'amusent à parler, Corneille, Pomp. V, 1. Vains transports où sans fruit mon désespoir s'amuse, Corneille, Médée, I, 5.

  • 9S'amuser de, se moquer. S'amuser de quelqu'un. S'étant beaucoup amusé aux dépens de son visage.
  • 10 Fig. S'amuser à la moutarde, s'arrêter à des bagatelles.

SYNONYME

AMUSER, DIVERTIR. Amuser, c'est faire passer le temps avec agrément, s'il s'agit de quelque chose qui plaît. Mais cela aussi explique pourquoi amuser a, en outre, le sens d'abuser, de repaître de vaines espérances. Divertir, c'est, étymologiquement, détourner l'esprit, et, au sens que ce verbe a pris, tourner l'esprit vers des choses agréables. Aussi divertir est-il plus expressif qu'amuser, et les divertissements sont plus vifs que les amusements. L'usage de la conversation tend beaucoup à délaisser le verbe divertir, et par conséquent à donner à amuser tout le terrain que perd celui-là. Mais, en écrivant, on fera bien d'avoir devant les yeux la nuance qui les sépare.

HISTORIQUE

XIIIe s. Or l'a Renart tant amusé Que ambedui sont acordé, Ren. 1981.

XIVe s. Et pour toy j'en parle souvent, Afin que point tu ne t'abuses, Et qu'en pratiques ne t'amuses à choses que tu ne cognois, Nat. à l'alch. err. 324.

XVe s. Le duc d'Anjou… trouva des cauteles en diverses manieres pour amuser le peuple, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1382.

XVIe s. Vrai est que toutes ses cauteles ne sont que momeries ou jeux de farce et amuse-fols, Calvin, Inst. 267. Il amusa [occupa] toutes ses heures dernieres, Montaigne, I, 17. Cyrus amusa une armée plusieurs jours à se venger de…, Montaigne, I, 22. Ils ne s'amuserent [s'occupèrent] qu'à haster les mariniers de…, Montaigne, I, 63. Les Amadis et tels fatras de livres à quoy l'enfance s'amuse, Montaigne, I, 196.

ÉTYMOLOGIE

À et muser (voy. MUSER) ; bourguig. aubusai.