« muser », définition dans le dictionnaire Littré

muser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

muser [1]

(mu-zé) v. n.
  • S'amuser, perdre son temps à des riens. Cet arrangement, qui devenait pour moi l'œuvre de Pénélope, me donnait le plaisir de muser quelques moments, Rousseau, Confess. XI. Avec lui tu pourras, sans te compromettre, faire de la musique, te promener, t'égarer, enfin muser tout à ton aise, Picard, M. Musard, sc. 33. Je m'en vais musant et baguenaudant jusqu'à Naples, Courier, Lett. II, 64.

    Impersonnellement, au passif. C'est assez musé, on a assez musé, perdu de temps.

    PROVERBE

    Qui refuse, muse, c'est-à-dire en refusant une offre, on perd une occasion qu'on ne retrouvera plus.
    Je lui dis : homme qui refuse Ordinairement après muse, Scarron, Virg. II. Tel refuse qui après muse, La Fontaine, Stances en vieux lang. Tu veux de moi ; Je veux de toi ; Voilà ma foi ; Qui refuse, muse, Legrand, Famille extrav. Divert.

    Cette locution trouve son explication dans les vers de Scarron : elle signifie que celui qui refuse est ensuite dans la situation de l'homme qui muse, qui perd son temps.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

HISTORIQUE

XIIIe s. Tout ce li disoit ele pour li faire muser, Pour avoir plus d'espace de leur chose areer, Berte, XVII. Il [Narcisse] musa tant à la fontaine Qu'il ama son umbre demaine, la Rose, 1501. Qu'il ne m'i convient plus muser, Ne mon tems en gloses user, ib. 7241. Qui en sa conscience voudroit souvent muser, Assez y troveroit de quoi soi accuser, J. de Meung, Test. 269. Dame, gardez-vous de la bée [l'attente, l'action d'être béant après], Qui en maint leu par la contrée S'arest et fet la gent muser, Lai du conseil.

XVe s. Elle s'en revint devers le roi, qui encore pensoit et musoit fortement, Froissart, I, I, 166. Je ne veul plus, dame, sur vous muser ; Vous povez bien querir autre musart ; Car m'aperçoy qu'on m'a fait amuser, Deschamps, Poésies mss. f° 182.

XVIe s. Tel refuse qui après muse, Marguerite de Navarre, Nouv. XLIV. Pendant le parlement [capitulation] et qu'ils musoient sur leur seuretez, Montaigne, I, 27.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, mûzer, être triste, mus', morne, taciturne ; provenç. musar, muzar ; anc. espagn. musar ; ital. musare. Origine incertaine. Diez y voit un dérivé du radical mus, museau ; de sorte que muser serait tenir le museau béant, la bouche béante. D'autres y voient le latin mussare, parler entre les dents, hésiter ; mais les lettres et même le sens concordent mal. Huet alléguait le latin musa, muse ; muser serait se livrer aux muses, à l'étude, à la contemplation, etc. Les patois suisses ont musen, être triste, mus, mélancolie, qu'on peut rapprocher des significations wallonnes. Enfin l'allemand offre Musse, loisir, anc. haut all. muezôn, être oisif ; ce qui est la dérivation la plus probable.