« aveugler », définition dans le dictionnaire Littré

aveugler

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

aveugler

(a-veu-glé) v. a.
  • 1Rendre aveugle. Les empereurs de Constantinople ont fait aveugler plus d'un de leurs compétiteurs.
  • 2Éblouir. Bien des choses nous aveuglent par un trop vif éclat.
  • 3 Fig. Ôter l'usage de la raison. La superstition, qui aveugle l'esprit de l'homme. Il se laisse aveugler par l'espérance de la paix. Être aveuglé par la passion. Mes sens qu'elle aveuglait ont connu leur offense, Malherbe, VI, 24. Reviens la voir, grande âme, ôte-lui cette nue Dont la sombre épaisseur aveugle sa raison, Malherbe, ib. 10. Mais le sort irrité nous aveuglait tous deux. - Votre amour vous aveugle en faveur de l'ingrate, Racine, Phèd. V, 3. Mais cet espoir m'anime et ne m'aveugle pas, Voltaire, M. de Cés. I, 1. Mon désespoir m'aveugle, il m'emporte trop loin, Voltaire, Mérope, II, 1. Le bonheur m'aveugla ; la mort m'a détrompé, Voltaire, Alz. V, 7. J'ai de l'ambition, mais je sais la régler ; Elle peut m'éblouir et non pas m'aveugler, Corneille, Pomp. II, 3.
  • 4 Terme de marine. Boucher. La mer en baissant amena la découverte de deux voies d'eau que l'on s'efforça vainement d'aveugler avec des matelas et des couvertures.
  • 5S'aveugler, v. réfl. Ne pas faire usage de sa raison. On s'aveugle en amour. Et il ne faut pas qu'on s'aveugle au point de croire… Il ne s'aveuglait pas sur les défauts de ses amis, Fléchier, M. de Mont. Ne vous aveuglez point quand sa perte est visible, Corneille, Cinna, I, 2. Mais vous vous aveuglez au milieu du danger, Corneille, Sertor. V, 3. Ils s'aveuglaient sur l'évidence de ses prodiges, Massillon, Évid.

HISTORIQUE

XIIe s. Sire, sire, avuglez tute ceste gent, que il ne veient ne entendent quel part jes merrai [je les mènerai], Rois, 368. Deus, cum par est mainz huem pur le siecle avuglez ; N'i est amurs, ne fei, ne pais, ne charitez, Th. le mart. 121.

XIIIe s. Las ! mar acointai la bée ; Trahie m'a et awglée ! Lai du conseil. Je loeroie en droit moi, que nous envoïssions ou pape et li offrons si grant tresor que nous l'aveuglissions tout, Chron. de Rains, 121. Li pors [porc], qui tant curu avoit Que trestot aveglez estoit De lasseté et de corrot, Ren. 22510. Amors, qui te fait en li croire, Te tolt ton sens et ta memoire, Et de ton cuer les yex avugle, Et tenir te fait por avugle, la Rose, 6931. Les uns de richeces avugle [la fortune], Et d'onors et de dignités, ib. 5928. Là fustes-vous menés à honte et à essil ; En la crois vous pendirent li fel Juïs caitis ; Et Longins vous feri, bien estoit aveulis, D'une lance el costé dont li fer fu masis, Ch. d'Ant. V, 324.

XIVe s. Et s'a li glous Gaufrois si le monde avulé, Baud. de Seb. IV, 324.

XVe s. La convoitise de la chevance l'aveugloit [le comte de Flandre], Froissart, II, II, 52. Et donnoit Gisebret Mahieu aux gens du comte grands dons et beaux joyaux, et aussi au comte, dont il l'aveugloit tout, Froissart, II, II, 52.

XVIe s. Après que la cupidité ne l'aveugle plus, la penitence vient, Calvin, Instit. 201. … Quand, d'une grace au danger aveuglée, Le gay berger au combat se hazarde, Du Bellay, J. V, 8, recto. Le Philistin de fureur aveuglé, Rouant sa masse, alloit d'ardent courage, Du Bellay, J. V, 9, recto. Hélas ! amour, le plus puissant des Dieux, Rends moy l'ouye, et m'aveugle les yeux, Du Bellay, J. V, 40, recto. Et si mon desir n'eust aveuglé ma raison, N'estoit-ce pas assez pour rompre mon voyage ? Du Bellay, J. VI, 10, recto. Amour est aveugle, lequel aveuglit de sorte que…, Marguerite de Navarre, Nouv. IV. Folle ambition, laquelle l'avoit tant aveuglé, Amyot, Cras. 52. Ceulx qui veulent à plein fond regarder le cercle mesme du soleil, ils s'aveuglent, Amyot, De la curiosité, 7. Tout cela mis en ruine : et de sept casemattes les unes abriées, ou aveuglées, D'Aubigné, Hist. II, 46. Le peuple de la ville aveugloit et estouffoit d'harquebusades qu'ils tiroient de tous costez de ce chasteau, D'Aubigné, ib. III, 118.

ÉTYMOLOGIE

Aveugle ; Berry, aveuiller ; provenç. avogolar.