« cognée », définition dans le dictionnaire Littré

cognée

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

cognée

(ko-gnée) s. f.
  • Sorte de hache pour couper le gros bois. Un bûcheron perdit son gagne-pain, C'est sa cognée…, La Fontaine, Fabl. V, 1. Sur son épaule il charge une lourde cognée, Boileau, Lutr. II. Et c'est en attaquant le chêne après le chêne Que la cognée abat les plus vastes forêts, Masson, Helvétiens, VI.

    Fig. Mettre la cognée à l'arbre, au pied de l'arbre, commencer une entreprise. L'âme, de ses défauts saintement indignée, Doit jusqu'à la racine enfoncer la cognée, Corneille, Imitation, I, 11.

    Jeter le manche après la cognée, se rebuter par découragement, par dégoût.

    Aller au bois sans cognée, entreprendre quelque chose sans avoir ce qui est indispensable pour réussir.

HISTORIQUE

XIe s. À mailz de fer, à cuignées qu'il tinrent, Ch. de Rol. CCLXVIII.

XIIe s. Les ustils as ovriers qui firent les degrez, Besague e cuignies en unt od els portez, Pur depecier les uis, ses [s'ils les] trovassent fermez, Th. le mart. 144. Le paliz [ils] tranchent à coignies d'acier ; De sous lor piés le font jus trebuchier, Raoul de C. 58.

XIIIe s. Deus coingnies fist aporter, Le chesne prenent à coper, Ren. 11925. En tel cas ne doit on pas faire l'execussion de la justice par fu [feu], mais abatre à cuignies et à martiax la partie du malfeteur tant solement, Beaumanoir, LII, 17. Et je regardai une coignée qui gisoit illec ; si la levai et dis que je feroie la clef le roy, Joinville, 250.

XVe s. Et aussi une cogniete Abat bien souvent un grant arbre, Mir. de Ste Genev. Entre ces archers avoit autres assaillans qui portoient cognies grands et bien tranchans, Froissart, I, I, 207. Lors commencerent-ils à ferir et à frapper contre l'huis de grandes guignies pour derompre et briser la porte, Froissart, II, III, 23. La deuxieme porte rompue et brisée par force quingnies, Froissart, II, III, 99.

XVIe s. Il ne faut pas ruer le manche après la coignée, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 164. Advint qu'il perdit sa coingnée ; qui feut bien fasché et marry, ce feut il ; car de sa coingnée dependoit son bien et sa vie ; par sa coingnée vivoit en honneur et reputation entre tous riches buscheteurs ; sans coingnée mouroit de faim, Rabelais, Pant. IV, Nouveau prologue. Le capitaine Martin du Bellay recite, au voyage de Luxembourg, avoir veu les gelées si aspres que le vin de la munition se coupoit à coups de hache et de congnée, se debitoit aux soldats par poids, et qu'ils l'emportoient dans des panniers, Montaigne, I, 261.

ÉTYMOLOGIE

Berry, cognie, cougnée, cougnie ; génev. coignée ; Saintonge, cougnée ; picard, quignie ; bas-lat. cuniada, dans un texte du VIIIe siècle (capitulaire de villis, 42) ; du latin cuneus, coin (voy. ce mot). La cognée, employée à enfoncer les portes, se disait aussi la clef le roi, parce que la justice avait le droit d'enfoncer une porte fermée ou qu'on refusait d'ouvrir.