« cornu », définition dans le dictionnaire Littré

cornu

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

cornu, ue

(kor-nu, nue) adj.
  • 1Qui a des cornes. Les diables cornus. Front cornu. Un animal cornu blessa de quelque coups Le lion, qui, plein de courroux…, La Fontaine, Fabl. V, 4.
  • 2Qui a des coins ou angles saillants. Un pain cornu. Une pièce de terre cornue. Du fond de cet antre pierreux, Entre deux montagnes cornues, Voltaire, Ép. XXVI.

    Terme de logique. Argument cornu, sorte d'argument. On donnait le nom de cornu à cet argument-ci : Vous avez ce que vous n'avez pas perdu ; or vous n'avez pas perdu des cornes ; donc vous avez des cornes, Condillac, Hist. anc. III, 18.

    On appelait aussi de ce nom le dilemme, parce qu'il frappe de deux côtés (argumentum cornutum utrinque jeriens)

  • 3 Fig. Lièvres cornus, idées folles, extravagantes, ainsi dites parce que les lièvres n'ont pas de cornes. Et de lièvres cornus le cerveau [ils] nous barbouillent, Régnier, Sat. IX.

    Raisons cornues, raisonnements cornus, raisons bizarres, étranges. Tous vos beaux arguments cornus Pour me persuader de vivre Et pour m'obliger à vous suivre, N'étaient donc que pour m'attraper, Scarron, Virg. trav. II.

    Visions cornues, idées folles, extravagantes. Peut-être sans raison Me suis-je en tête mis ces visions cornues, Molière, Sgan. 13. J'aime mieux… Que d'aller follement, égaré dans les nues, Me lasser à chercher des visions cornues, Boileau, Épît. X.

  • 4 Terme de botanique. Dont le style ou les anthères sont en forme de corne.

    Blé cornu, blé affecté de l'ergot.

  • 5 Terme de vétérinaire. Cheval cornu, jument cornue, animal chez lequel la hanche, très prononcée, forme une forte saillie, défaut dû, soit à une conformation vicieuse, soit simplement à la maigreur.

    PROVERBE

    À mal enfourner, on fait les pains cornus, c'est-à-dire un commencement malhabile fait que la chose ne vient pas à bien.

HISTORIQUE

XIIe s. Tuit sont cornu et noir comme aversier [diables], Bataille d'Aleschans, V. 126. Nous verrons le fort escu [de] Maistre Gautier le cornu, Hues de la Ferté, Romancero, p. 190.

XIIIe s. Li abes prent une maçue, Qui moult estoit grant et cornue, Et le prieur un chandelier, Ren. 6954. Jamès bues [bœuf] sa teste cornue Ne metroit à jou de charrue, la Rose, 18005. Qui il ataint à coup, contre terre le rue Del son bordon ferré, si que forment i sue ; Et les dames lor gietent mainte pierre cornue, Ch. d'Ant. VIII, 1138. En mi le front [la bête] estoit cornue D'une corne si très ague…, Unicorne et serpent.

XIVe s. Par Mahon, dist Madoines, je vous voi bien cornu, Baud. de Seb. XIII, 636. Tu sais que li deable, qui sont noir et cornu, Pour orguel trebuchierent dès li ciel en enfer, Girart de Ross. V. 2120.

XVe s. Je fu l'autrier [dernièrement] trop mal venuz, Quant j'alay pour voir Calais ; J'entray dedans comme cornus [comme un sot] Sans congié [permission] ; lors vint deux anglois…, Deschamps, Poésies mss. f° 230.

XVIe s. Les rabbins des Juifs font une glose cornue sur ce passage, Calvin, 288. Voilà donc la couleur qu'a eu le Pape et tous ses evesques cornus, de charger les consciences de nouvelles loix, Calvin, Instit. 948. Rochers cornuz, Marot, J. V, 224. C'est signe que la pierre [dans la vessie] est petite et cornue, ou espineuse, c'est à dire avec asperités, Paré, XV, 37. Les chevres escornées de nature, ne sont tant sujettes à avorter que les cornues, De Serres, 329. Fust-il plus diable qu'il n'est cornu, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Provenç. cornut ; espagn. cornudo ; ital. cornuto ; du latin cornutus, de cornu (voy. CORNE).