« cracher », définition dans le dictionnaire Littré

cracher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

cracher

(kra-ché) v. n.
  • 1Rejeter hors de la bouche. Il ne fait que cracher. Quoi toujours renifler ! Moucher, tousser, cracher, et toujours me parler ! Scarron, Don Japhet, III, 15. Un homme incommode à tout le monde, malpropre, dégoûtant, sans cesse un lavement ou une médecine dans le ventre, mouchant, toussant, crachant toujours, Molière, Mal. imag. III, 18. Ceux mêmes qui avaient le privilége de l'approcher ne pouvaient ni rire ni cracher en sa présence, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. II, p. 93, dans POUGENS. Je vis un petit homme si fier, il prit une prise de tabac avec tant de hauteur, il se moucha si impitoyablement, il cracha avec tant de flegme, il caressa ses chiens d'une manière si offensante pour les hommes, que je ne pouvais me lasser de l'admirer, Montesquieu, Lettres pers. 74.

    Fig. Cracher au nez, au visage de quelqu'un, l'insulter. Quand on songe à cela, on a envie de lui cracher au nez, Sévigné, 282.

    Cela est à cracher dessus, cela mérite tout mépris.

    Populairement. Cracher blanc, ou cracher du coton, avoir soif, être altéré.

    Cracher au bassin, donner de l'argent qu'on voudrait ne pas donner, et aussi donner de l'argent pour contribuer à quelque chose.

    Il a craché en l'air et cela lui est retombé sur le nez, ce qu'il a fait a tourné à son désavantage.

    Absolument et dans le même sens, cracher en l'air.

    Cracher contre le ciel, se dit d'un homme qui blasphème la Providence, ou, en un autre sens, qui insulte des puissances tellement grandes, que l'injure retombe sur lui.

  • 2Une arme à feu crache, quand des grains de poudre et des étincelles sont jetés au dehors par la lumière.

    Un moule crache, quand il rejette une partie du métal en fusion.

    Cette plume crache, se dit d'une plume dont le bec fait jaillir l'encre en écrivant.

  • 3 V. a. Expectorer, rejeter de la bouche. Cracher du sang. Cracher quelque chose de mauvais qu'on a dans la bouche.

    Fig. Cracher du latin, dire des mots latins, faire des citations latines. N'allez point déployer toute votre doctrine, Faire le pédagogue et cent mots me cracher, Molière, le Dép. II, 7. Cracha du grec et du latin, Scarron, Virg. trav. VI. Auquel des deux, je vous prie, accorderai-je le nom de botaniste, de celui qui sait cracher un nom ou une phrase à l'aspect d'une plante, sans rien connaître à sa structure, ou de celui…, Rousseau, Lettr. Élém. sur la bot.

    On dit dans le même sens : cracher des sentences, des proverbes.

    Cracher des injures, se répandre en injures. Toutes les cruautés de ces mains qui m'attachent, Le mépris effronté que ces bourreaux me crachent, Malherbe, Larmes de saint Pierre.

    Cracher son fait à quelqu'un, lui dire sans ménagement, injurieusement, ce qu'on pense de sa conduite. Vous n'avez pu vous contenir, et vous lui avez craché son fait au nez.

    Terme de marine. Un bâtiment crache ses étoupes, quand la fatigue fait ouvrir les coutures, au point que les étoupes en sortent.

HISTORIQUE

XIIe s. Ensi firent Giwui, quant il unt Deu jugié ; Vilment l'unt escrié, batu e coleié ; Enmi le vis li unt escopi e rachié, Th. le mart. 46.

XIIIe s. Et vaut [vin de pomme] especiaument à ciaus [ceux] qui ont le pis [la poitrine] aspre et sec, et qui ne puent legierement rachier, Alebrand, f° 43. Renart jut sus tot en travers, Les denz li brisa en la bouche, En la chiere li crache et mouche, Es eulz [yeux] li boute le baston, Et poile as ongles le grenon, Ren. 14986. Quant il crachoit le sanc de sa bouche, Joinville, 227.

XVe s. Vrayment, c'estes vous tout poché ; Car quoy ? qui vous auroit craché Tous deux encontre la paroy D'une maniere et d'un aroy, Si seriez-vous sans difference, Patelin. C'estes vous, dy-je, tout craché, ib. Et pour plus les injurier, prirent la banniere du roy de France, et l'allerent trainant au long des boues, et marcherent et cracherent sus, Bouciq. III, 7.

XVIe s. Avez vous jamais entendu que signifie cracher au bassin ? … Ilz crachoient dedans les plats, affin que les houstes desistassent manger, Rabelais, Pant. IV, anc. prol. Comme celui qui crache contre le ciel, Yver, p. 565. Après l'opiniastré combat de traict et de main, le navire est brisé à coups de hache, chaque pertuis crachant du sang, D'Aubigné, Hist. III, 14. Un crache-en-ruelle [un vieillard catarrheux], Cotgrave C'est le père tout craché, Oudin, Dict. Il n'ose cracher de peur d'avoir soif [se dit d'un avare], Oudin, ib. Ils peignent le prisonnier crachant au visage de ceuix qui le tuent et leur faisant la moue, Montaigne, I, 244.

ÉTYMOLOGIE

Berry, crâier, cracher salement ; picard, raker ; bourguig. craiché ; wallon, rèchi, rachi ; provenç. es-cracar ; sicil. s-craccare ; pays de Coire, s-cracchiar ; du germanique : anc. scandinave, hrâki, salive, hraekia, cracher ; anglo-sax. hroekan. La forme germanique, avec l'h devant l'r, explique à la fois cracher et racher qui sont le même mot, comme Chlodovig contient à la fois Clovis et Louis, Il est probable que le latin screare renferme un radical commun à celui des langues germaniques (scr égal à hr) ; mais il ne peut rendre raison des formes romanes ; il aurait donné escreïer, et non cracher ni surtout rachier.