« crucifier », définition dans le dictionnaire Littré

crucifier

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crucifier

(kru-si-fi-é), je crucifiais, nous crucifiions, vous crucifiiez ; que je crucifie, que nous crucifiions, que vous crucifiiez v. a.
  • 1Infliger le supplice de la croix. Alexandre, ayant pris une ville où plusieurs rebelles s'étaient enfermés, en emmena huit cents à Jérusalem, et les fit tous crucifier en un même jour, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. IX, p. 451, dans POUGENS. …Et les auteurs du crime Sont fils de ces bourreaux qui t'ont [ô Jésus] crucifié, Malherbe, VI, 37. Ne suffit-il pas de voir par l'Évangile que ceux qui crucifiaient Jésus-Christ avaient besoin du pardon qu'il demandait pour eux, quoiqu'ils ne connussent pas la malice de leur action ? Pascal, Prov. 4. Il est vrai que, dans la dernière persécution, et trois cents ans après Jésus-Christ, les païens, qui ne savaient plus que reprocher ni à lui ni à ses disciples, publièrent de faux actes de Pilate, où ils prétendaient qu'on verrait les crimes pour lesquels il avait été crucifié, Bossuet, Hist. II, 12.

    Par exagération. Je me fusse plutôt laissé crucifier Que…, Régnier, Sat. X.

    Se faire crucifier pour quelqu'un, lui être complétement dévoué.

    Se faire crucifier pour quelque chose, souffrir tout pour cette chose.

  • 2 Fig. Mortifier, sacrifier. [Celui qui] De la chair et des sens tellement se défie, Qu'à force de ferveur l'esprit les crucifie, Corneille, Imit. III, 48. Les macérations vivifient l'âme en crucifiant le corps et la chair, Patru, Plaid. 15, dans RICHELET. Il faut renoncer à tout, tout crucifier pour le suivre, Bossuet, Hist. II, 11. Pour lui apprendre à crucifier sa propre chair, Bossuet, Serm. Quinq. 1. Nous devons crucifier en nous le vieil homme, Bossuet, Pén. 3. La nuit du prétoire, les crachats, les soufflets, les fouets, les dérisions, le bois fatal, ces images affreuses la crucifient par avance [l'âme de J. C.], Massillon, Car. Passion. Les chrétiens ont crucifié leur chair avec ses désirs, Massillon, Car. Riche. Il faut vous appliquer à crucifier vos sens, Massillon, Myst. Misér.

    Absolument. Mais elle est menée par une autre voie, par celle qui crucifie davantage, Bossuet, Anne de Gonz.

HISTORIQUE

XIIe s. Ne sunt pas fil Jesu, ainz sunt tuit forslignié ; N'erent uan [cette année], s'il poent, pur Deu crucifié, Th. le mart. 127. E si cum en Calvaire unt Deu crucifié, ib. 150.

XIIIe s. Dame en cui nous nous fions, Devant vous nous crucefions ; Dame, par Dieu merchi prions, Et vos crions Vierge saintisme, Poésies fr. avant 1300, t. II, p. 872, dans LACURNE. Que, puisque Dieu laissa son cors crucefier, Berte, X. Si m'aïst Diex li crucefis, la Rose, 19409. Lors m'assaillent tuit de rechief ; Chascun à hors bouter me tent : Il ne me grevast mie tant Qui me vosist crucefier, ib. 15271.

XVe s. Toutes excuses mises derriere, sa commune crioit : Crucifige ! crucifige ! Chastelain, Chron. du duc Philippe, ch. 55.

XVIe s. Elle commanda aux bourreaux qu'ils crucifiassent et attachassent son corps en travers à trois crois, Amyot, Artax. 21.

ÉTYMOLOGIE

Picard, cruchifié, mortifié ; provenç. et espagn. crucificar ; de crux, croix, et ficar, ficher (voy. FICHER). L'italien dit crocifiggere, dérivé directement du latin figere, fixer.