« déluge », définition dans le dictionnaire Littré

déluge

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déluge

(dé-lu-j') s. m.
  • 1Très grande inondation. Ce fut de son temps qu'arriva le déluge de Deucalion ; celui d'Ogygès en Attique est beaucoup plus ancien, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. II, p. 496, dans POUGENS. Des êtres vivants sans nombre ont été victimes de ces catastrophes ; les uns, habitants de la terre sèche, se sont vus engloutis par des déluges ; les autres, qui peuplaient le sein des eaux, ont été mis à sec avec le fond des mers subitement relevé, Cuvier, Révol. p. 23.
  • 2Le déluge universel, ou, simplement, le déluge, celui qui est raconté par la Bible. Je m'en vais répandre les eaux du déluge sur la terre pour faire mourir toute chair qui respire, Sacy, Bible, Genèse, VI, 17. L'explication physique du déluge universel par la rencontre d'une comète dont la queue ou l'atmosphère aqueuse inonda notre globe et qui a été si bien mise en œuvre par M. Wiston dans sa nouvelle théorie de la terre, appartient primitivement à M. Halley, Mairan, Éloges, Halley. On dirait que le ciel, qui se fond tout en eau, Veuille inonder ces lieux d'un déluge nouveau, Boileau, Sat. VI.

    Familièrement. Remonter au déluge, remonter fort loin dans le passé. Sa maison [famille] qu'elle prend depuis le déluge, Sévigné, 585.

    Fig. Passons au déluge, abrégeons, arrivons au fait ; locution proverbiale prise des Plaideurs de Racine, où l'avocat disant : Avant la naissance du monde… le juge dit : Avocat, ah ! passons au déluge ! III, 3.

    Fig. Être du temps du déluge, se dit de choses qui sont vieillies, hors d'usage, grossières comme dans les temps primitifs. … Vous-même à qui surtout Un appétit bourgeois tient toujours lieu de goût, Oui, monsieur, la cuisine est du temps du déluge, Lachaussée, Retour imprévu, I, 3.

    PROVERBE

    Après moi le déluge ! Quoi qu'il arrive après ma mort, je m'en inquiète peu.
  • 3 Par exagération, déluge se dit d'une très grande quantité de choses liquides dont on compare l'irruption à un déluge. Un déluge de pluie. D'un et d'autre côté ses chevaux bondissants D'un déluge de boue inondent les passants, Regnard, Sat. contre les maris.

    Un déluge de sang, une très grande quantité de personnes tuées. Il se plonge dans ce déluge de sang, Bossuet, Hist. II, 16. Un déluge de sang français qu'elle avait fait verser, Massillon, Louis XI.

  • 4 Fig. Affluence innombrable d'hommes qui se précipitent comme un déluge. C'était de là qu'étaient venus tous ces déluges d'armées qui avaient inondé la Grèce, Vaugelas, Q. C. liv. V, dans RICHELET. Il veut que de ces gens le déluge effroyable Atterre impunément les peuples qu'il accable, Corneille, Attila, IV, 1. Il se peut que longtemps avant les empires de la Chine et des Indes il y ait eu des nations instruites, polies, puissantes, que des déluges de barbares auront ensuite replongées dans le premier état d'ignorance et de grossièreté qu'on appelle l'état de pure nature, Voltaire, Mœurs, Avant-propos.

    Par analogie et dans le même sens, en parlant des choses qui affluent. Un déluge d'explications, d'injures. Que le courroux du ciel, allumé par mes vœux, Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux ! Corneille, Hor. IV, 5. Ce déluge de crimes dont le monde semble être inondé, Massillon, Mélange. Où il pût les sauver de ce déluge d'iniquités, Massillon, Benoît. Le livre qui fait la question sera noyé dans ce déluge, Bossuet, 1er écrit. Les imans emploient un déluge de paroles pour pallier ces fautes, Voltaire, Mœurs, 7. Il y a depuis longtemps un déluge de pareils livres, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 26 déc. 1768. Je m'attends à un grand déluge d'esprit, D'Alembert, Lett. à Volt. 9 avril 1761.

HISTORIQUE

XIIe s. Par le delouve toz li mondes noia [fut noyé], Bat. d'Aleschans, V. 8034. Noé conduist l'arche par mei lo peril del duluve, en cui je reconois la forme de ceos [ceux] qui sainte eglise ont à governeir, Saint Bernard, 566.

XIIIe s. Ains sera venu li deluge Qu'il isse mès de notre tour, la Rose, 15230. Comment dame Dex nostre sire Tout le mont par aighe noia, Quant le grant deluve envoia, Mahomet, 650 Tant pecha Li mondes et folia, Que Diex el siecle envoia Le diluve, qui noia Fors Noé qui eschapa, Ernoul le Viel, dans Hist. littér. de la France, t. XXIII, p. 569.

XIVe s. Aussi est ce divers deluge Que pledoyer devant un juge Qui est suspect et haÿneux, Plain de vengence et convoiteux, Liv. du b. Jehan, 2670.

XVe s. Se je ne te sçay emboucler Tout maintenant devant le juge, Je prie à Dieu que le deluge Coure sur moi, et la tempeste, Patelin.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. diluvi, dulivi ; espagn. et ital. diluvio ; du latin diluvium, de diluere, détremper, mouiller, de di, et luere, laver (voy. LOTION).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DÉLUGE. Ajoutez : - REM. Après moi le déluge ! On attribue ce mot à Louis XV, qui aurait dit : « Les choses comme elles sont dureront autant que moi. Berry [le Dauphin] s'en tirera comme il pourra. Après moi le déluge ! » Ce mot paraît appartenir non au roi, mais à Mme de Pompadour. Ernest Leroux, rendant compte du reliquaire de M. Q. de la Tour, peintre du roi Louis XV (Revue bibliogr. n° 6, p. 103) : « Tout est curieux, tout est à lire dans ce volume, on y trouve une note de Mlle Fel, qui cite ce mot cynique de Mme de Pompadour : Il [la Tour] m'a raconté que peignant Mme de Pompadour, le roi, après l'affaire de Rosbach, arriva fort triste ; elle lui dit : qu'il ne fallait point qu'il s'affligeât, qu'il tomberait malade, qu'au reste après eux le déluge (ÉMAN MARTIN, le Courrier de Vaugelas, 15 sept. 1874, p. 89). »