« détremper », définition dans le dictionnaire Littré

détremper

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

détremper [1]

(dé-tran-pé) v. a.
  • 1Amollir ou délayer avec un liquide. Détremper de la farme avec du lait, de la chaux avec de l'eau. On détrempait l'Eucharistie en quelque liqueur, Bossuet, Comm. Et trop souvent pour détremper leur miel, Pleurs douloureux leur servent de rosée, Millevoye, Abeilles d'amour.

    Fig. L'on m'envoya chercher, un de ces jours passés, Pour détremper un peu l'humeur mélancolique D'un homme dès longtemps au lit paralytique, Regnard, Fol. amour. II, 7.

  • 2Se détremper, v. réfl. Être délayé, amolli. Les couleurs se détrempent.

    Fig. Cette armée victorieuse de l'Asie, après s'être détrempée dans les délices l'espace de trente-quatre jours, Vaugelas, Q. C. 285.

HISTORIQUE

XIIIe s. Que de la santé [elle] fu à tel point destrempée, Berte, LXXXII. Sa tainture avoit destrempée, Et au miex qu'il pot atrempée, Ren. 11993. Li murs ne doit pas faire faute Por engin qu'on saiche getier ; Car l'en destrempa le mortier De fort vin-aigre et de chaus vive, la Rose, 3850. Et leur assiet [la fortune] comme marastre Au cuer un dolereux emplastre Destrempé, non pas de vin aigre, Mais de povreté lasse et maigre, ib. 4915.

XIVe s. Dont a mainte couleur de fin or destrempée, D'argent et de vernis en i ot mainte ouvrée Et d'asur et de geules ; n'i espargna riens née, Baud. de Seb. XI, 326.

XVe s. Ils detrempent un peu de leur farine et d'eau…, Froissart, I, I, 34. Festin qu'on destrempe d'eau N'est point beau ; Faut de vin que tu le mouilles, Basselin, XXIX.

XVIe s. Comme si quelqu'un destrempoit du bon vin d'eau boueuse et amere, Calvin, Instit. 245. Tout cela destrempe et relasche cette soudure fraternelle, Montaigne, I, 208. Ils sacrifioient aux muses pour destremper par leur doulceur cette furie martiale, Montaigne, III, 253. Et menez m'amie ici Pour detremper [tempérer] mon souci, Yver, p. 552. Puis deliant doucement sa langue detrempée au miel le plus savoureux, ib. p. 643. Il avoit du poison qu'il gardoit pour une telle occasion, et l'ayant destrempé dedans une coupe…, Amyot, Flamin. 41. Les Scythes, en beuvant et yvrongnant ensemble, font parfois sonner les chordes de leurs arcs, comme si cela servoit à rappeler et retenir la vigueur de leur courage, laquelle s'escouleroit et se destremperoit autrement par la volupté qu'ilz prenent, Amyot, Démétr. 24. Le païs estoit si detrempé que l'on ne pouvoit quasi marcher, Carloix, IV, 32. Cest humeur sereux est gardé pour delayer et destremper le sang trop gros, Paré, Introd. 6.

ÉTYMOLOGIE

Dé… préfixe, et tremper ; provenç. destemprar, destrempar ; espagn. destemplar ; ital. distemperare. Dans l'ancien français, destremper a aussi le sens de déranger ce qui est bien tempéré ; d'où l'anglais distemper, maladie.