« effrayer », définition dans le dictionnaire Littré

effrayer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

effrayer

(è-frè-ié. La prononciation a changé ; autrefois, d'après Chifflet, p. 197, elle était è-fra-ié), j'effraye, tu effrayes, il effraye ou il effraie, nous effrayons, vous effrayez, ils effrayent ou effraient ; j'effrayais, nous effrayions, vous effrayiez ; j'effrayai ; j'effrayerai ou effraierai ou effraîrai ; j'effrayerais ou effraierais ou effraîrais ; effraye, effrayons ; que j'effraye, que nous effrayions, que vous effrayiez, qu'ils effrayent ; que j'effrayasse ; effrayant ; effrayé v. a.
  • 1Causer de la frayeur. Effrayer un enfant. Des bruits sinistres effrayaient la population. Il veut les rappeler [ses chevaux], et sa voix les effraie, Racine, Phèd. V, 6. Quel jour mêlé d'horreur vient effrayer mon âme ? Racine, Esth. III, 4.
  • 2S'effrayer, v. réfl. Concevoir de la frayeur. Il s'effraya à la vue du péril. Qui se considérera de la sorte s'effrayera de soi-même, et, se considérant soutenu, dans la masse que la nature lui a donnée, entre ces deux abîmes de l'infini et du néant, il tremblera dans la vue de ces merveilles, Pascal, Pensées, t. I, p. 247, édit. Lahure. Et voit-on, comme lui, les ours ni les panthères S'effrayer sottement de leurs propres chimères ? Boileau, Sat. VIII. La sultane à ce bruit feignant de s'effrayer, Racine, Baj. I, 1. Enfin d'un chaste amour pourquoi vous effrayer ? Racine, Phèd. I, 1.

HISTORIQUE

XIe s. Li reis Marsiles en fut moult esfraed, Ch. de Rol. XXXII.

XIIe s. Ainc par menace ne fui [je ne fus] trop esfreez, Ronc. p. 14. Et fins amis à tort achaisoné [inculpé] Est moult souvent de legier [aisément] effraé, Couci, XI. Mais ele a cuer felon qui trop m'effraie, ib. p. 125.

XIIIe s. Si se commencierent à effreer et à desconfire, Villehardouin, CXLIII. Quant Berte entend Symon, durement s'en esfroye, Berte, CVI. Le roy fut forment effraé [courroucé], et li dit que moult estoit hardi quant…, Joinville, 268.

XIVe s. Très bien, ce dit Bertran, qui de riens ne s'effrée…, Guesclin. V. 13819.

XVe s. L'ost qui fut tout effrayé se commença à emouvoir, Froissart, I, I, 188. Le capitaine ouvrit une fenestre sur les fossés et saillit hors tout effreé [surprise du château de Berwich par les Écossais], Froissart, II, II, 13.

XVIe s. Elle fut si très effrayée de peur, qu'elle demeura comme une statue sans sonner mot, Marguerite de Navarre, Nouv. XXX. Il fist jetter de grands cris à ses gens et sonner les trompettes pour effroyer les ennemis, Amyot, Cam. 42. La lance effraye de loin quand on la voit branler avecques sa longue banderole, Lanoue, 309.

ÉTYMOLOGIE

Ef- pour es- préfixe, et le radical qui est dans frayeur (voy. ce mot) ; picard, effroyer, effrenter ; provenç. esfrayar, esfredar, esfreidar. On remarquera, dans l'historique, esfraier ou esfreer et esfroier ; le premier est la prononciation de la Normandie et de la partie ouest du centre ; l'autre est la prononciation de la Picardie et de l'autre partie du centre ; gardant effrayer, la langue littéraire aurait dû prendre effrai ; mais, par le hasard des mélanges, elle a gardé effroi, effroyable, qui se rapportent à effroyer.