« enraciner », définition dans le dictionnaire Littré

enraciner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

enraciner

(an-ra-si-né) v. a.
  • 1Faire prendre racine à. Enraciner un arbre. La joubarbe, la menthe et ces fleurs parasites Que la pluie enracine aux parois décrépites, Lamartine, Joc. VI, 222.
  • 2 Fig. Fixer par des attaches morales comparées à des racines. Ces tendres sentiments Que l'amour enracine au cœur des vrais amants, Corneille, Tois. d'or, III, 3. L'inclination au bien sensible est née avec nous ; nous l'avons enracinée jusque dans nos moelles, si je puis parler de la sorte, par nos attachements criminels et nos mauvaises habitudes, Bossuet, 2e serm. pour le jour de Pâques, 1. Le tribunal des commissaires est odieux à la nation ; c'est un préjugé qu'on a enraciné dans les esprits par les études, Fénelon, Mém. sur la voie de procéd. contre les huit prélats, III. Je n'insulterai pas à ces préventions Que le temps enracine au cœur des nations, Voltaire, Irène, v, 2. Partout où la monarchie est illimitée, il n'y a point et il ne saurait y avoir de liberté ; il y a tout au plus des repos momentanés qui produisent une sécurité funeste, enracinent l'obéissance passive et ne garantissent en aucun sens le peuple et les individus, Mirabeau, Lett. de cachet, I, 8.
  • 3S'enraciner, v. réfl. Prendre racine. Les plantes marines s'enracinent sur les sables et sur les rochers.

    Fig. Se fixer par des attaches morales. On a vu s'enraciner cette coutume bizarre. Fais que par là ma foi d'autant mieux s'illumine ; Que par là mon espoir d'autant mieux s'enracine En ta haute bonté, Corneille, Imit. IV, 14. La tristesse, l'ennui, les regrets, le désespoir sont des douleurs peu durables qui ne s'enracinent jamais dans l'âme, et l'expérience dément toujours le sentiment d'amertume qui nous fait regarder nos peines comme éternelles, Rousseau, Hél. III, 22.

    Avec suppression du pronom personnel. Laisser enraciner les abus.

REMARQUE

L'Académie donne ce verbe seulement comme réfléchi ; mais l'actif est appuyé sur de très bonnes autorités.

HISTORIQUE

XIIe s. Gens si ahers [attachés] et si enracinez ens terriens solas et ens corporiiens, qu'il departir ne s'en puyent [peuvent], Saint Bernard, p. 522.

XIIIe s. Dame, tuit li bien sont changié, Et tuit li mal sont essaucié Et enraciné et repris, Lai du conseil. Pense d'aillors enraciner Les entes où tu vues [veux] fruit prendre, la Rose, 11196.

XIVe s. Puis c'orgieux [orgueil] ou [au] cuer s'enracinne, Jean de Condé, p. 107. Le cep de vigne qui sera planté et de longtemps enraciné, Ménagier, II, 2.

XVIe s. Il n'y a que les eleus ausquels il face ce bien d'enraciner la foy vive en leur cœur, Calvin, Instit. 427. Une haine qu'il avoit enracinée en son cœur et une rancune envieillie à l'encontre des Romains, Amyot, Flamin. 44.

ÉTYMOLOGIE

En 1, et racine ; provenç. enrazigar, enraigar.