« fougue », définition dans le dictionnaire Littré

fougue

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fougue [1]

(fou-gh') s. f.
  • 1Mouvement impétueux, violent, ordinairement avec emportement et colère. Être en fougue. Entrer en fougue. Croyez-moi, modérez vos fougues ordinaires, Ou vous risquez souvent de gâter vos affaires, Brueys, Impatient, V, 8. Le général [Lalli] s'était attiré, par ses fougues indiscrètes et par ses reproches injustes, une accusation si cruelle [de vol et de sacrilége], Voltaire, Polit. et législ. Proc. de Lalli. Sa fougue est passagère, elle éclate à grand bruit ; Un instant la fait naître, un instant la détruit, Voltaire, Irène, II, 1. Quand les intervalles de ses fougues permettaient de lui parler, il nous écoutait quelquefois assez docilement, Rousseau, Conf. VI.

    Fig. Il faudrait avoir un peu plus de fermeté et savoir résister à la première fougue des critiques qui fait du bruit les premiers jours et qui se tait à la longue, Voltaire, Lett. Damilaville, 26 janv. 1762.

  • 2Il se dit aussi des animaux. On le louait d'être vaillant pour avoir mis une fois son cheval en fougue, Guez de Balzac, le Prince, ch. 5. Leur fougue impétueuse [des coursiers] enfin se ralentit, Racine, Phèdre, V, 6.
  • 3Impétuosité naturelle. Un cheval qui a trop de fougue. Il faut lui laisser passer sa fougue, Brueys, Grondeur, I, 6. J'ai dompté la fougue impétueuse de ma jeunesse, Voltaire, Lett. d'Argental, 21 sept. 1772. Je n'ai pu retenir cette fougue imprudente, Voltaire, Mérope, III, 1. Dompter tout d'un coup la fougue de son caractère dès qu'il est cardinal [Sixte-Quint] ; se donner quinze ans pour incapable d'affaires et surtout de régner, afin de déterminer un jour en sa faveur les suffrages de tous ceux qui comptaient régner sous son nom, Voltaire, Mœurs, 184.

    Les fougues de la jeunesse, l'emportement avec lequel les jeunes gens se livrent aux plaisirs.

  • 4L'emportement propre aux artistes et qui leur fait faire des hardiesses et même des écarts. Aussi je m'émerveille, au feu que tu [le poëte Bertaut] recèles, Qu'un esprit si rassis ait des fougues si belles, Régnier, Sat. V. Il avait certaines fougues d'esprit qui n'étaient pas mal plaisantes, Guez de Balzac, liv. VIII, lett. 41. Brébeuf, dans sa traduction de la Pharsale, pousse la fougue de Lucain en notre langue plus loin qu'elle ne va dans la sienne, Saint-Évremond, Réfl. sur les trad. dans RICHELET. Quelle fougue indiscrète Ramène sur les rangs encor ce vieil athlète ? Boileau, Épître X. Je trouvais dans son jeu trop d'éclat, trop de fougue, pas assez de souplesse et de variété, Marmontel, Mém. V.
  • 5 Terme d'horticulture. Défaut d'un arbre qui pousse beaucoup de bois sans donner de fruits.

HISTORIQUE

XVIe s. [Dans un combat] vous engagez vostre valeur, et vostre fortune à celle de vostre cheval… son effroy ou sa fougue vous rendent ou temeraire ou lasche, Montaigne, I, 361.

ÉTYMOLOGIE

Ital. foga. Diez dit que ce mot fait penser au latin fuga, fuite, à cause qu'on peut considérer particulièrement, dans la fuite, la rapidité, et en tirer le sens de fougue ; mais il ajoute que le latin focus, feu, foyer, est plus voisin de l'idée de fougue. On peut ajouter que l'adjectif focoso, fougueux, donne de l'autorité à l'étymologie de focus ; mais, focus donnant en italien fuoco, il faudrait avoir fuoga. Resterait à supposer que fougue est un mot à forme provençale (voy. FOUGON), et est passé en Italie. On voit que l'étymologie de ce mot n'est pas tirée à clair. Garasse a dit fugue pour fougue ; ce qui est à considérer : Que je suis ennuyé de vos longues redites, Écrivains ambigus, esprits hermaphrodites, Qui suivez toute fugue et qui prenez le ton Aujourd'hui de Paris, demain de Charenton, Recherche des recherches, p. 577 dans LACURNE. On trouve fougousité, formé de fougueux : M. de Senneterre se prevalust beaucoup de ceste picardesque fougousité, Carloix, VI, 50. Espagn. fogositad.