« indigne », définition dans le dictionnaire Littré
Définition dans d'autres dictionnaires :
indigne
- 1Qui n'est pas digne de…, en parlant des personnes.
On mande des merveilles d'Allemagne … ces Allemands se laissent noyer par un petit ruisseau… on croit que M. de Luxembourg les battra… ce n'est pas notre faute s'ils se rendent indignes d'être nos ennemis
, Sévigné, 22 juill. 1676.Indigne de vous plaire et de vous approcher
, Racine, Phèdre, III, 4.Mais s'il a pu me croire indigne de sa foi, C'est lui qui pour jamais est indigne de moi
, Voltaire, Tancr. IV, 5.Richard, enfermé dans la tour, remit au duc de Lancastre les marques de la royauté, avec un écrit signé de sa main, par lequel il se reconnaissait indigne de régner ; il l'était en effet puisqu'il s'abaissait à le dire
, Voltaire, Mœurs, 78.Joyeuse, né d'un sang chez les Français insigne, D'une faveur si haute était le moins indigne
, Voltaire, Henr. III.Indigne de, suivi d'un nom de personne, signifie qu'on n'est pas digne d'appartenir à cette personne.
Mais enfin ce Rodrigue est indigne de vous
, Corneille, Cid, II, 5.Soyons indigne sœur d'un si généreux frère
, Corneille, Hor. IV, 4. - 2À quoi on ne peut accorder de…, en parlant des choses. Une faute indigne de pardon.
- 3 Terme de jurisprudence. Qui est déchu d'une succession pour avoir manqué à quelque devoir essentiel envers le défunt, de son vivant ou après sa mort. Déclaré indigne de succéder.
Substantivement. Les enfants de l'indigne.
- 4Qui n'est pas séant, convenable, en parlant des choses.
Toute autre place qu'un trône eût été indigne d'elle
, Bossuet, Reine d'Anglet.Comme un voleur, direz-vous ; indigne comparaison ! n'importe, qu'elle soit indigne de lui [Jésus-Christ], pourvu qu'elle nous sauve
, Bossuet, Marie-Thér.Les éclaircissements sont indignes de moi
, Voltaire, Zaïre, III, 7. - 5 Absolument. Qui n'est pas digne, c'est-à-dire qui mérite mépris ou haine, en parlant des personnes.
Qui ! la peur a glacé mes indignes soldats !
Racine, Athal. V, 5.Quoi ! le ciel a permis Que ce vertueux père eût cet indigne fils
, Voltaire, Alz. III, 5.Il se dit des choses dans le même sens.
Cette voie est basse, indigne et étrangère
, Pascal, Pensées, art. III.Rebuté de tant d'indignes traitements
, Bossuet, Reine d'Anglet.Ai-je mérité seul son indigne pitié ?
Racine, Alex. I, 1.Ah ! dissipez ces indignes alarmes
, Racine, Andr. II, 1.Vous avez vu cent fois nos soldats en courroux Porter en murmurant leurs aigles devant vous, Honteux de rabaisser par cet indigne usage Les héros dont encore elles portent l'image
, Racine, Brit. IV, 2.De quoi nous a servi cette indigne contrainte ?
Racine, Bajaz. II, 5.J'espérais que, fuyant un indigne repos, Je prendrais quelque place entre tant de héros
, Racine, ib.J'ai fait l'indigne aveu d'un amour qui l'outrage
, Racine, Phèdre, III, 3.Ils firent d'Amalec un indigne carnage
, Racine, Esth. II, 1.Ô crainte, a dit mon père, indigne, injurieuse !
Racine, Athal. V, 1.Dans le temps même qu'on examinait cette affaire, on apprit la manière indigne dont Charès avait été reçu par les alliés
, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 99, dans POUGENS.Bayle examine ensuite si l'idolâtrie est plus dangereuse que l'athéisme ; si c'est un crime plus grand de ne point croire à la divinité que d'avoir d'elle des opinions indignes
, Voltaire, Dict. phil. Athéisme.Communion indigne, communion qui n'est pas faite avec les dispositions requises.
- 6Indigne est quelquefois une épithète que l'on se donne par humilité. Signé : Un tel, prêtre indigne. J'osai, moi indigne, retoucher son ouvrage.
Arrêtons ici, chrétiens, et vous, Seigneur, imposez silence à cet indigne ministre [Bossuet lui-même] qui ne fait qu'affaiblir votre parole ; parlez dans le cœur, prédicateur invisible…
, Bossuet, Anne de Gonz. - 7Indigne, en bonne part, signifiant qui ne mérite pas un reproche, un mauvais sort, etc.
…Un cavalier indigne des liens Où l'a mis aujourd'hui la trahison des siens
, Corneille, Clit. V, 5.Sa perte est de ses faits un indigne salaire
, Rotrou, Bélis. V, 6.Ménécée, en un mot, digne frère d'Hémon, Et trop indigne aussi d'être fils de Créon
, Racine, Théb. III, 3.Indigne également de vivre et de mourir, On l'abandonne aux mains qui daignent le nourrir
, Racine, Bajaz. I, 1.Si vous daigniez, seigneur, rappeler la mémoire Des vertus d'Octavie indignes de ce prix
, Racine, Brit. III, 1.Il est indigne qu'on lui fasse des reproches
, Dict. de l'Acad. de 1762. - 8 S. m. et f. Un indigne, une indigne, une personne vile et sans mérites.
D'où il s'ensuit qu'ils [le corps et le sang de Jésus-Christ] y sont [dans le pain et le vin] non-seulement pour les dignes, mais encore pour les indignes
, Bossuet, Var. XI, § 185.Ce n'est pas que Jésus-Christ ne nous donne la propre substance de sa chair indépendamment de notre foi ; car il la donne, selon Calvin, même aux indignes ; mais c'est qu'il ne sert de rien de recevoir sa chair, si on ne la reçoit avec son esprit
, Bossuet, ib. IX, § 55.Un bienfait qui tombe sur un indigne
, La Bruyère, IV.Ah ! l'indigne ! ah ! l'ingrat !
Goldoni, Bourru bienfaisant, II, 13.
REMARQUE
Indigne se prend proprement en mauvaise part : on est indigne du bien et non pas du mal ; on dit : il est indigne de vos bontés, et non il est indigne de punition ; cependant les exemples rapportés au n° 7 montrent que la signification en bonne part n'est pas étrangère à indigne, et qu'en quelques cas bien choisis on peut en user.
HISTORIQUE
XVIe s. Indigne et barbare cruauté [la mort de Marie Stuart]
, Montaigne, I, 66. Les ames bastardes et vulgaires sont indignes de la philosophie
, Montaigne, I, 150. Je responds des songes et bestises indignes d'un enfant
, Montaigne, III, 277. Une accusation indigne de response
, Montaigne, IV, 203.
ÉTYMOLOGIE
Lat. indignus, de in… 1, et dignus, digne.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
INDIGNE. - HIST. Ajoutez :
XIIe s. Ceste meisme parole ke nos est endigne
, li Dialoge Gregoire lo pape, 1876, p. 141.