« lourd », définition dans le dictionnaire Littré

lourd

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

lourd, ourde

(lour, lour-d') adj.
  • 1Mal habile, manquant de facilité et de pénétration. Homme lourd. Nos esprits sont plus lourds que ceux de votre Grèce, Corneille, Tois. d'or, III, 1. Je n'entends point parler du terrible ouvrage du lourd Crévier contre Montesquieu, ni du livre intitulé : Fonctions du parlement, Voltaire, Lett. Damilaville, 4 févr. 1764. Ne vous fiez point à ces mains lourdes qui fanent les fleurs qu'elles touchent, Voltaire, Mél. litt. Fragm. lett. Acad. Berlin. S'expliquer avec un détail aussi superflu, c'est être lourd et pesant ; voilà le contraire de la finesse, Genlis, Veillées du château t. I, p. 262, dans POUGENS.
  • 2Manquant de légèreté, de vivacité, en parlant des compositions de l'esprit. Manière d'écrire lourde et ennuyeuse. La touche de ce peintre est lourde. Lourd de couleur, de dessin. Pancrace, mon cher maître, ô vous à qui je doi Ce ton lourd et guindé que vous vantez en moi, Chénier M. J. le Docteur Pancrace.

    Style lourd, le style où manquent, non pas les qualités absolument nécessaires, comme la correction et la clarté, mais les qualités habituelles les plus agréables, comme la précision, l'élégance, le naturel, la vivacité, le mouvement.

    Il se dit aussi de la manière de converser. Conversation lourde.

  • 3Qui indique de la lourdeur d'esprit, en parlant des choses. Tu te laisses donc prendre à ce lourd artifice, Corneille, Veuve, IV, 5. L'artifice est trop lourd pour ne pas l'éventer, Corneille, Poly. V, 1. Va, d'un piége si lourd l'appât est inutile, Corneille, Héracl. IV, 6. Lourd et grossier abus ! croyance ridicule, Rotrou, Bélis. V, 8. Cette faute [que je fis] fut une des plus lourdes que chacun pût faire dans cette conjoncture, Retz, IV, 8. Pour éviter toute équivoque, et ôter aux journalistes allemands tout prétexte de dire là-dessus, à leur ordinaire, quelques lourdes sottises, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 9 févr. 1780.
  • 4Qui a l'apparence de la lourdeur. Je m'accostai d'un homme à lourde mine Qui sur sa plume a fondé sa cuisine, Voltaire, le Pauvre diable.
  • 5Qui se remue avec peine, avec effort, par opposition à agile, dispos. Les chevaux de Flandre sont lourds. Mais il lève déjà sa tête lourde et lasse, Rotrou, Herc. mour. IV, 2. J'aime un gros bœuf, dont le pas lent et lourd, En sillonnant un arpent dans un jour, Forme un guéret, où mes épis vont naître, Voltaire, le Pauvre diable.
  • 6Qui est, en raison du poids, difficile à porter. Un lourd fardeau.

    L'air est lourd, il fait éprouver au corps la sensation d'un poids. On dit de même : le temps est lourd.

    Faire une lourde chute, tomber de tout son poids. Et les plus hauts palais font les plus lourdes chutes, Rotrou, Herc. mour. III, 4.

    Fig. Avoir une maison bien lourde, avoir une maison, un ménage bien coûteux. Six enfants sont une charge bien lourde pour ce pauvre homme.

    Une lourde tâche, une lourde besogne, etc. une tâche, une besogne difficile et rude à faire.

    On verra à l'historique et à l'étymologie, comment il se fait que le sens physique de pesant est, dans lourd, postérieur au sens qui a rapport aux qualités intellectuelles.

  • 7 S. m. Le lourd, partie d'une meule de moulin qui, étant plus dense et plus pesante que le reste, rompt l'équilibre de l'ensemble.

SYNONYME

LOURD, PESANT. Tout corps est pesant, parce que la pesanteur est la tendance générale des corps vers le centre ; mais on ne peut appeler lourds que ceux qui ont un poids considérable relativement à leur masse. Dans le sens figuré, et quand il s'agit de l'esprit, le mot lourd enchérit encore sur celui de pesant, l'esprit pesant conçoit avec peine, avance lentement et fait peu de progrès : l'esprit lourd ne conçoit rien et ne fait aucun progrès, BEAUZÉE.

HISTORIQUE

XIIIe s. Quant aucuns est trop paresseus, Enturlez, lours et oublieus, Du Cange, lurdus. N'est si kurtois ki n'est bastard S'il n'i aprent u tost u tard, Ne serjant si felun ne lurd, K'à priere se face surd, Edouard le confesseur, V. 902. Li soz vieillarz, li folz, li lors, Li enviellis de mauvais jors, Gautier de Coinci, p. 219.

XIVe s. Il bat, il fiert, il rue les enfans de deça ; Et est nices et lours, sens ne maniere n'a, Guesclin. 119.

XVe s. Et s'amans vont faisant les lours, Tantost congnoistray leur deffault, Orléans, Rondeau. À une grant court très notable Alay pour vir [voir] seoir les gens, Dont maint se mistrent à la table, Les uns lourdes, les autres gens, Deschamps, Poésies mss. f° 286.

XVIe s. Mais à quelque intention qu'il le fist, il commist une très lourde faulte, Amyot, Péricl. 50. Lourd comme une busche, Oudin, Curios. franç. à lourdes paroles sourdes oreilles, COTGRAVE.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. lor, lode au féminin ; Berry, lourd se dit du mouton atteint du tournis ; ital. lordo sale, et aussi lurido ; napolit. lurdo, sale ; bas-latin, lurdus, sale, immonde ; du lat. luridus, jaunâtre, livide. Le sens d'immonde, de pourrissant est une altération très ancienne du latin luridus, puisque les Gloses de Raban le traduisent par fûl, c'est-à-dire pourri. Du sens de pourri, lourd est passé à celui d'inerte d'esprit, pesant d'esprit ; puis, par une singularité très grande, du sens moral au sens physique de pesant. Il n'y a rien à objecter contre cette étymologie dont le point essentiel repose sur la glose de Raban offrant la plus ancienne modification du latin luridus, et que d'ailleurs tout l'historique appuie. On a parlé de horridus, qui a donné ord, orde, avec agglutination de l'article, lord ; mais les textes n'offrent aucune trace de cette agglutination. D'autre part, du Cange a invoqué le grec λορδὸς, dont l'échine est courbée : mais cette étymologie. d'ailleurs fort improbable, puisqu'on ne voit pas comment un mot grec serait entré dans les langues romanes sans passer par le latin, ne rend pas raison du sens de sale, immonde.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

LOURD. Ajoutez :

8Il se dit des tissus qui offrent de la pesanteur, par opposition aux tissus légers. On compare nos tulles lourds aux tulles légers de France, Enquête, Traité de comm. avec l'Anglet. t. V, p. 662. Blondes lourdes, ib. p. 658.
9 Terme de turf. La piste est lourde, quand le sol est très pâteux par suite des pluies.