« lutin », définition dans le dictionnaire Littré

lutin

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

lutin

(lu-tin) s. m.
  • 1Espèce de démon qui vient la nuit tourmenter les hommes, et qui est d'une nature plutôt malicieuse que méchante. En cherchant la cause de cela, je ne veux pas, mademoiselle, soupçonner de vous rien de mauvais, ni remarquer que cela est assez étrange, que l'heure des lutins soit la vôtre, Voiture, Lett. 61. Je vais, comme un lutin, deçà delà courant, Régnier, Élégie II. Vous verriez… Quel lutin est l'amour quand il est dans un cœur ! Hauteroche, Crispin music. I, 11. De telles naïvetés qui succèdent à la belle scène de l'entrevue de Pompée et de Sertorius, justifient ce que Molière disait de Corneille, qu'il y avait un lutin qui tantôt lui faisait ses vers admirables, et tantôt le laissait travailler lui-même, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Sertorius, III, 4. D'un lutin c'est tout l'esprit, C'est un cœur de tourterelle, Béranger, Margot.

    Il ne dort non plus qu'un lutin, se dit d'un homme fort agissant, qui donne très peu de temps au sommeil.

  • 2 Fig. Personne et surtout enfant vif, espiègle et tourmentant. Ce petit lutin met toute la maison en désordre.
  • 3 Adj. Lutin, lutine, éveillé, agaçant Cette actrice a une figure lutine.

REMARQUE

On a dit luiton, qui est la forme archaïque, jusque dans le XVIIe siècle : Notre ami monsieur le luiton, La Fontaine, Ch. imposs.

HISTORIQUE

XIIIe s. Diable semble ou luitons ou maufez [démon], Guill. au court nez, dans MÉNAGE. Nuiton, Phil. Mouskes, II, p. 478.

XIVe s. Sire, che [ce] dist li prestrez, si ait m'ame pardon, Ch'est par enchantement de deable ou de luiton, Baud. de Seb. VIII, 856.

XVe s. Lors laisseront li vieillart ce lutin [la passion des femmes] ; Mais je me doubt que ce ne soit trop tart, Deschamps, Poésies mss. f° 206. Quelle chose est ung luiton, dist Estonne. Sire, dist Narcis, c'est ung esprit qu'on ne peult veoir et se delecte à decepvoir les gens, Perceforest, t. II, f° 13.

XVIe s. C'est un luiton ou diable deguisé, Rabelais, I, 35. Ces misanthropes et lutons, Pasquier, Lett. t. I, p. 480. Ce n'est qu'aux lutins de luicter les morts, Montaigne, III, 112.

ÉTYMOLOGIE

Norm. lutine, dame blanche, revenant ; wallon, lûton, nûton, nuton. Origine inconnue. La forme la plus ancienne est luiton ou nuiton. Frisch le tire de l'allemand Laut, son, bruit ; Grimm, du latin luctus, deuil ; mais le lutin n'est pas un démon de deuil. La forme nuiton a suggéré l'étymologie de nuit ; de sorte que les lutins seraient les démons de la nuit ; la transformation d'n en l n'est pas impossible ; voy. dans quelques patois lomer pour nommer ; le président Grandgagnage appuie fortement cette étymologie. Au contraire Ch. Grandgagnage est disposé à prendre luiton pour la forme primordiale et à le tirer du vieux bas-saxon luttil, anglo-sax. lytel, angl. little, petit, à cause de la petite taille attribuée à ces démons. On a aussi cité l'ancien haut allemand liut, peuple, gens. L'étymologie par luttil, little, petit, a de la probabilité, à cause que cette mythologie est germanique d'origine, et que le trait caractéristique de ces génies familiers est leur petitesse. Toutefois l'incertitude n'est pas levée, puisqu'on ne sait quelle est la forme primitive, luiton ou nuiton. Dans le pays wallon, la forme la plus usitée est nuton, et la tradition les représente comme des nains qui travaillaient la nuit soit dans les mines soit à différents métiers.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

LUTIN. - HIST. Ajoutez : XIIe s. Ne grant serpenz volanz, hisdous, Noituns [lutins] ne monstres perillous, Benoit de Sainte-Maure, Roman de Troie, V. 14679.