« ouïe », définition dans le dictionnaire Littré

ouïe

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ouïe

(ou-ie) s. f.
  • 1Celui des cinq sens par lequel on reçoit les sons. Avoir l'ouïe fine, subtile, délicate. L'organe de l'ouïe. L'ouïe s'exerce d'une manière passive et d'une manière active : il y a entre ces deux modes la même différence qu'entre entendre et écouter. Quand tout faillit en toi, plus de goût, plus d'ouïe, La Fontaine, Fabl. VIII, 1. Il faut faire entrer les instructions qu'on donne aux enfants non-seulement par l'ouïe, mais aussi par la vue, Nicole, Éduc. du prince, dans RICHELET. Quand nous disons avec saint Paul que la foi vient de l'ouïe, nous exprimons par ces termes l'effet particulier de la prédication, Bossuet, Euchar. II, 3. De tous les sens, l'ouïe est celui qui trouble le plus l'âme, qui la frappe et l'émeut avec le plus de promptitude, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. IX, p. 503, dans POUGENS. L'ouïe est, après la vue, le sens le plus parfait chez les oiseaux ; ils forment un grand peuple de musiciens, Bonnet, Contempl. nat. III, 27. L'ouïe a une finesse et une précision qui saisit les nuances les plus légères : tandis que l'œil sépare grossièrement les couleurs et remarque à peine la quatre-centième partie d'une ligne, l'oreille aperçoit le comma, qui est pour elle une quantité bien autrement petite, Sennebier, Ess. art d'observ. t. I, p. 191, dans POUGENS.

    Fig. Le Saint-Esprit donne aux oreilles [du grand corps de l'Église] d'entendre et d'être l'ouïe commune de tous les membres, Fénelon, t. II, p. 25.

  • 2Acte d'ouïr, audition, usité seulement en ce sens dans les locutions suivantes.

    Terme forestier. Ouïe de la cognée, espace qui entoure la coupe, et dans lequel on ne pourrait enlever du bois sans que le bruit de la cognée ne fût entendu de la coupe. Les marchands demeureront responsables de tous les délits qui se feront à l'ouïe de la cognée aux environs de leurs ventes, Ordonn. des eaux et forêts, titre XV, 51.

    À l'ouïe de, à l'audition de…, locution bonne, qu'on dit à Genève et qui appartient au style réfugié (style des protestants français chassés par la révocation de l'édit de Nantes). À l'ouïe de ces mêmes sons…, Bonnet, Contempl. nat. XII, 28. À l'ouïe d'un nom aussi respectable que celui de la vertu, il me semble…, Lenfant, Premier sermon, dans HUMBERT, Gloss. gén.

    À perte d'ouïe, loc. adv. Aussi loin que l'ouïe peut s'étendre. Quand je me trouve dans une vaste plaine, disait un aveugle, en portant la main à son oreille et en étendant le bras avec un geste très expressif, il me semble que je suis à perte d'ouïe, Dufau.

  • 3S. f. pl. Les ouïes, organes que les poissons ont aux côtés de la tête, ainsi dits par assimilation des ouïes avec des oreilles ; ce sont deux appareils respiratoires placés de chaque côté de la tête, formés par les branchies et protégés, chez la plupart, par les opercules. Les vrais poissons n'ont point de poumons, ils ont des ouïes qui leur en tiennent lieu ; tous les cétacés, au contraire, ont de vrais poumons, Bonnet, Contempl. nat. XII, 27.

    Fig. Il a les ouïes pâles, se dit d'un homme dont le visage fait paraître qu'il a été malade, qu'il a eu quelque grande affliction (locution qui vient de ce que l'on reconnaît à la blancheur des ouïes que le poisson n'est pas frais).

    Il se dit aussi des ouvertures où sont placées les ouïes. Prendre une carpe par les ouïes.

  • 4Fig. Terme de luthier. Les ouïes, les ouvertures qui sont sur la table de certains instruments de musique, et qui contribuent à augmenter le son.

HISTORIQUE

XIe s. Del cor qu'il tient, l'oïe en est mult grant, Ch. de Rol. CXXXII.

XIIe s. Tervagan [il] fiert quanqu'il pot lez l'oïe, Ronc. p. 116. Trois fois [il] le sonne, si loinz en va l'oïe, ib. 142.

XIIIe s. Et si ne vous chaut d'escouter Ceus qui sont plain de vilonie ; Errant [aussitôt] lor fetes sorde oïe, Lai du conseil. Briefment cis leus [ce lieu] n'a point d'oïe ; Vostre vois ne puet estre oïe, Fors que de moi tant solement, la Rose, 16625. Li quens Robers de Flandres part de la baronie, à Aras est venus à Clemence s'amie, Souavet li conseille doucement en l'oïe : Dame, jou ai la crois, Ch. d'Ant. I, 902. Et s'il [des arbitres] ooient el point que li arbitrages fu encarquiés, et après il deviennent sourt qu'il n'oent goute, on le doit atendre un an et un jor por savoir s'il rauroit s'oye, Beaumanoir, XLI, 11.

XVe s. Et puis assembler les peult-on, Comme j'ay dict en la raison Qui te doibt entrer en l'ouye, la Font. 518.

XVIe s. Il devint enfin si peureux, qu'il trembloit à la veue du moindre esclair et à l'ouïe du moindre tonnerre, D'Aubigné, Conf. I, 7. Les aiguillons de la vive sont veneneux, principalement ceux qui sont au bout de ses ouyes, Paré, XXIII, 40.

ÉTYMOLOGIE

Ouï.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

OUÏE. Ajoutez : - REM. La locution à l'ouïe de est indiquée dans l'article, n° 2, comme propre à Genève et au style réfugié. J. J. Rousseau, naturellement, s'en est servi : Je suis persuadé qu'à l'ouïe de cette nouvelle, vous commencerez par interroger celui qui l'atteste, Rousseau, Lett. à M. de Beaumont. Cette locution est bonne et mérite d'être employée.