« rechigner », définition dans le dictionnaire Littré

rechigner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

rechigner

(re-chi-gné) v. n.
  • Terme familier. Donner des marques de refus, de dégoût, d'aversion, par une grimace qui porte principalement sur la lèvre. Qui toujours rechignait et reprenait toujours, Régnier, Sat. v. Le malheureux… Mange [un ail] et rechigne ainsi que fait un chat Dont les morceaux sont frottés de moutarde, La Fontaine, Paysan. Son vieux père Dignant Semble accorder sa fille en rechignant ; Et cette fille, avant d'être ma femme, Paraît aussi rechigner dans son âme, Voltaire, Droit du seigneur, I, 1. Après le déjeuner, je me hâtais d'écrire en réchignant quelques malheureuses lettres, Rousseau, Confess. XI.

    Rechigner à. Il rechignait à faire cela. Rechigner à une proposition. Qui nous flattait amant, nous rechigne mari ; Le flambeau d'hyménée amortit bien sa flamme ; La plus belle maîtresse est une laide femme, Th. Corneille, D. Bertr. de Cigaral, I, 1.

    On dit aussi : rechigner de, avec un infinitif. Quand on m'offrait quel que place vide dans une voiture, ou que quelqu'un m'accostait en route, je rechignais de voir renverser la fortune dont je bâtissais l'édifice en marchant, Rousseau, Confess. IV.

    Terme de jardinage. Se dit des plantes et des arbres qui languissent, qui ne poussent pas vigoureusement.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

HISTORIQUE

XIIe s. Et par la grant angoisse touz les dens requigner, Ronc. p. 200.

XIIIe s. Et Ysengrin escout la teste Et rechine et fait lede chiere, Ren. 1101. Forment se prist à aïrier, Durement recinne et se lieve, ib. 17287. Car quant ge vous voil embracier Por besier et por solacier, Et sui plus forment eschaufés, Vous rechigniés comme maufés, la Rose, 9132.

XIVe s. Quantes dames est il maintenant qui le feissent, ne qui vesquissent si paisiblement que, quand l'une l'aroit, l'autre n'en rechignast et murmurast ? Ménagier, I, 5. Son mary la commença à blasmer et rechignier, en lui disant que ce n'estoit pas fait de femme de bien, de laisser son hostel à telle heure, Du Cange, rechinus.

XVe s. Ne soyez fel ne orgueillieux, Ne rechinant, ne pareceux ; Parlez pou, mes [mais] bones paroles, Mir. de Ste Genev. Qui songe en vin ou vigne, Est un presage heureux ; Le vin à qui reschigne Rent le cueur tout joyeux, Basselin, XVIII.

XVIe s. Il estoit rechigné, hargneux et solitaire, Ronsard, 899. Pensezvous que les vers de Catulle ou de Sappho rient à un vieillard avaricieux et rechigné ? Montaigne, II, 321. En nostre siecle, elles [les femmes] reservent plus communement leurs bons offices et la vehemence de leur affection, envers leurs maris perdus… leur rechigner [chagrin] est odieux aux vivants, et vain aux morts, Montaigne, III, 177.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. rechigné, grincer (et rechigné bé for dé dan, MIGNARD, p. 456) ; Berry, rechigner, relever la lèvre supérieure en montrant les dents ; provenç. rechinar, rechinhar ; espagn. rechinar. Diez le rattache à rêche ; cette étymologie va assez bien au sens moderne, mais elle ne va pas au sens ancien qui est montrer les dents. Rechigner paraît formé de re, et chigner ou quigner, répondant à l'italien ghignare, qui signifie sourire avec malice, et dérivant du vieux haut allemand kînan, ou chînan, sourire. De là vient le sens de relever la lèvre, détourné ensuite à celui d'une grimace maussade. Il y a un autre rechigner, plus souvent rechaner, qui signifia crier, faire entendre un bruit, un son ; que le mot doive être décomposé en re et chigner, cela est prouvé par cette glose : gannionem, chinur, Scheler, Lexicogr. latine, p. 126. Scheler, qui l'a trouvée, pense que ce chigner répond au latin canis, chien.