« ruminer », définition dans le dictionnaire Littré
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ruminer
- 1Opérer la rumination. Les bœufs ruminent ce qu'ils ont mangé.
Fig.
Il y a compensation à tout : si mes plaisirs sont rares et courts, je les goûte aussi plus vivement, quand ils viennent, que s'ils m'étaient plus familiers ; je les rumine, pour ainsi dire, par de fréquents souvenirs
, Rousseau, Promen. 9.Absolument.
Vous mangerez de tous les animaux qui ont la corne divisée en deux et qui ruminent ; mais vous ne devez point manger de ceux qui ruminent et dont la corne n'est point fendue
, Sacy, Bible, Deutéron. XIV, 6.Le pourceau aussi vous sera impur, parce qu'encore qu'il ait la corne fendue, il ne rumine point
, Sacy, ib. XIV, 8. - 2 Fig. et familièrement. Penser et repenser à une chose.
Le bœuf vint à pas lents ; Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête, Il dit que du labeur des ans Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants
, La Fontaine, Fabl. X, 2.Les manichéens… inféraient qu'il y avait un principe commun de tout mal, un souverain mal, pour ainsi parler, un dieu méchant dont tout le plaisir est de nuire, ruminant toujours en soi-même quelque dessein tragique et funeste
, Bossuet, 2e sermon, Démons, 1.Ruminez en vos esprits ce petit mot d'Origène : ne croyez pas qu'il suffise de s'être renouvelé une fois, il faut renouveler la nouveauté même
, Bossuet, 1er sermon, Pâques, 1.Si vous êtes à Fontainebleau, mon cher ange, je vous prie de ruminer tout cela dans votre tête très sage, et de le confier à votre bon cœur
, Voltaire, Lettr. d'Argental, 18 oct. 1776.Neutralement.
Il avait dans la terre une somme enfouie, Son cœur avec, n'ayant d'autre déduit Que d'y ruminer jour et nuit
, La Fontaine, Fabl. IV, 20.Et quoique là-dessus je rumine sans fin
, Molière, le Dép. II, 4.Pensif et arrêté sur mon cheval, je ruminais sur un fait si singulier
, Saint-Simon, 11, 128.Absolument.
Je crains quelque révolte en son âme agitée ; Le voilà qui rumine
, Mairet, Sophon. V, 3.Qu'as-tu à ruminer ?
Molière, l'Av. V, 2.
HISTORIQUE
XIIIe s. Quant il i a grant quantité de forage devant eux [les bœufs], il mangent lour saülée, et puis seient et ronngent
, Bibl. des chartes, 4e série, t. II, p. 368. Cil moine, cil abbé croulant Doivent touz jours lez un piler Siaumes [psaumes] rungier et mormeler
, Gautier de Coincy, p. 365.
XIVe s. Sain [graisse] de bestes qui ne rungent pas si comme porc, ou sius [suif] de bestes qui rungent si comme buef
, H. de Mondeville, f° 10.
XVIe s. Mesme pour le labour, les bœufs ne cessent de ruminer, remaschans à loisir ce qu'en peu de temps ils ont mangé
, De Serres, 295. Je ruminerai ceste matiere à par moy, et prendray advis à mon oreiller
, Palsgrave, p. 508. Les plus jeunes [rossignols] ruminent pensifs [en écoutant les autres], et prennent à imiter certains couplets de chanson
, Montaigne, II, 174. Il n'y a rien, selon moy, plus illustre en la vie de Socrates, que d'avoir eu trente jours entiers à ruminer le decret de sa mort
, Montaigne, II, 386.
ÉTYMOLOGIE
Picard, roumir ; Berry, rouinger, runger, roincer, roinger ; norm. runger ; Nancy, ringer ; Jura, roingi ; prov. romiar, rominar ; espagn. ruminar ; ital. ruminare ; du lat. ruminare ou rumigare, de rumen, gosier (voy. RUMEN).