« selle », définition dans le dictionnaire Littré

selle

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

selle

(sè-l') s. f.
  • 1Petit siége de bois à trois ou quatre pieds sans dossier (vieux en ce sens). Être assis sur une selle. Je vous dirais de marcher… je suis persuadée que la plupart des maux viennent d'avoir le cul sur la selle, Sévigné, à Mme de Grignan, 26 août 1671.

    Fig. Demeurer entre deux selles le cul à terre, de deux choses auxquelles on prétend n'en obtenir aucune ; ou, ayant deux moyens pour réussir en une affaire, échouer dans tous les deux. Monsieur, il ne faut pas se mettre follement, comme on dit, le cul entre deux selles, Saint-Simon, 508, 222.

    Selle à modeler, escabeau sur lequel le sculpteur pose son ouvrage. L'autre bras posé sur la selle à modeler, l'ébauchoir à la main ; il y a sur la selle un buste commencé, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 31, dans POUGENS.

    Terme de marine. Escabeau où s'assied le calfat.

  • 2Harnais placé sur le dos du cheval pour recevoir le cavalier. Selle à la hussarde, à la hongroise. Ce que nous avons de la peine à comprendre, chez tous les peuples anciens les chevaux n'avaient ni étriers ni selles, et les cavaliers étaient sans bottes, Rollin, Hist. anc. t. XI, 1re part. p. 391.

    La selle à piquer pour le manége, celle dont les battes de devant et de derrière (voy. aux ADDITIONS) sont plus élevées au-dessus des arçons, pour tenir le cavalier plus ferme.

    La selle royale, celle dont les battes sont moins élevées et qui est le plus en usage pour la guerre et le voyage.

    La selle rase, celle qui n'a des battes que devant et peu élevées.

    La selle anglaise, celle qui n'a point de battes ni devant ni derrière, et qui est par conséquent la plus légère.

    Selle de femme, celle qui n'a qu'un étrier ou planchette et dont l'arçon de devant porte à gauche un croissant.

    Familièrement. Avoir continuellement le cul sur la selle, se dit d'un homme qui est toujours à cheval.

    En selle, à cheval. La dame en croupe et le galant en selle s'en vont souper ; et moi, je vais me promener, Sévigné, 432.

    Être bien en selle, être bien à cheval.

    Remettre en selle, remettre à cheval un homme qui en est tombé. Les écuyers des jeux accoururent à lui en riant, et le remirent en selle, Voltaire, Zadig, 19.

    Fig. En selle, se dit d'une personne qui est bien affermie dans sa position. Le cardinal de Bouillon espéra les remettre en selle [les quiétistes] par le jugement qu'il se promettait de faire rendre à Rome, Saint-Simon, 45, 17. Chamillart avait eu des prises avec elle [Mme de Maintenon], pour me remettre en selle auprès du roi, Saint-Simon, 108, 161. D'Antin était trop bas courtisan et trop mal en selle auprès du régent pour oser souffler, Saint-Simon, 481, 240.

    Cheval de selle, cheval propre à être monté par un cavalier. Le cheval de selle doit avoir les épaules plates, mobiles et peu chargées ; le cheval de trait, au contraire, doit les avoir grosses, rondes et charnues, Buffon, Quadrup. t. I, p. 49.

    Cheval de selle et de trait, cheval qu'on peut à volonté monter, ou atteler à une voiture.

    Jeter une selle sur un cheval, le seller à la hâte.

    Courir une ou deux selles, courir une ou deux postes.

    Chez les maîtres de poste, la première selle, le meilleur bidet de l'écurie.

    Courir à toutes selles, courir la poste sans avoir une selle à soi, et en se servant indifféremment des selles que la poste fournit.

    Selle à tous chevaux, selle pouvant servir à toutes sortes de chevaux, à cause que les arçons sont mobiles.

    Fig. Une selle à tous chevaux, lieu commun, banalité, compliment vague, remède qu'on applique à toutes sortes de maladies. Je reçois toutes les extravagances qui se présentent à moi, plutôt que ces selles à tous chevaux dont nous avons tant ri ici, Sévigné, 1er juill. 1671. Saignez toujours, clystérisez et purgez ; c'est une selle à tous chevaux, Gherardi, Théât. ital. les Médecins raillés, II, 15.

    Terme de manége. Gagner le fond de la selle, s'y tenir avec fermeté.

    Selle sans tenue, selle mal faite, sur laquelle on n'est point assis.

    On dit que la selle porte, lorsqu'elle touche le dos ou le garrot.

  • 3 Terme d'anatomie. Selle turcique, cavité de l'os sphénoïde contenant la glande pituitaire.
  • 4Dans le moyen âge, selle nécessaire, la chaise percée.

    Par métonymie. L'évacuation qu'on fait en une fois quand on va à la garde-robe. Je suis monté dans la chambre où vous avez couché, et j'y ai poussé une grosse selle tout au beau milieu sur le plancher, Saint-Simon, 65, 84. Il est très vrai qu'un homme qui n'a pu venir à bout de pousser sa selle sera plus sujet à la colère qu'un autre, Voltaire, Dict. phil. Ventres paresseux.

    Aller à la selle, aller à la garde-robe. Monsieur, on m'a dit que vous aviez des remèdes admirables pour faire aller à la selle, Molière, Amour méd. III, 5.

  • 5Nom, en quelques provinces, de la planche sur laquelle les blanchisseuses lavent le linge.

    Bateau de selles, se dit des bateaux immobiles qui servent aux blanchisseuses.

  • 6Planche inclinée sur laquelle on entasse les feuilles de papier quand elles ont été soumises à la presse.

    Établi de charron, de tonnelier.

    Banc sur lequel on coupe les planches de terre pour en faire des carreaux.

    Masse de bois portée sur trois pieds sur laquelle l'ouvrier place le moyeu d'une roue.

  • 7 Terme de marine. Garniture de bois placée en avant des chouquets des bas mâts pour recevoir les balancines des basses vergues.

HISTORIQUE

XIe s. Li frein sunt d'or, les seles d'argent mises, Ch. de Rol. VII.

XIIe s. En portera, se vous le commandés, Nue sa sele à Paris la cité, Trestot nus piés, sans chauce et sans soler, Du Cange, sella. Tant le destraint et assailli, Que Guillaume vint à merchi, Nus piés, une selle à son col, Du Cange, ib. Mis serjanz ne volt pur mei rien faire ; cumandai lui que il meist ma sele, kar je m'en voil od tei venir, Rois, p. 194.

XIIIe s. [Elle] Mourut subitement seant sur une sele [chaise], Berte, LXXXVI. Et de ce est tenuz li mestres marischax le roy au ferrer ses palefroy de sa siele tant seulement, sanz autre cheval nul, Liv. des mét. 44. Avoec les sainz soit mise en sele L'ame de mon seignor Ansel ; Car Diex, qui ses amis ensele, L'a trové et fin et feel, Rutebeuf, 88. Et chascun deit aveir l'une de ces deux espées atachiées à l'arson devant la selle, et l'autre deit aveir ceinte, Ass. de J. I, 170. Les chars crues ils mettent entre leur celles et leur paniaus, quant le sanc en est bien hors, si la manjuent toute crue, Joinville, 264.

XIVe s. À maistre Girart d'Orleans, peintre du roy, pour VI selles necessaires, feutrées et couvertes de cuir, De Laborde, Émaux, p. 496. À Jehan de Troyes, sellier et varlet de chambre du roy NS. pour une riche selle de broderie à chevaucher, De Laborde, ib. 495.

XVe s. Loyaux marchans, la selle si vous blesse Fort sur le doz, chascun vous vient presser, Et ne povez marchandise mener, Orléans, Ball. 117. Et si devez toudis voz selles Evacuer…, Deschamps, Préc. d'hygiène. Et falloit que ceux qui en mangeoient allassent deux ou trois heures après à la selle, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1420. Ne serois-je entre deux selles cul à terre ? Chastelain, Chr. des d. de Bourg. III, 66. Jamais il ne chevauchoit mule ne hacquenée, mais un bas cheval trotier d'entre deux selles [ni courtaud ni destrier], Éloge de Charles VII, p. 11, dans LACURNE. Quant la reine fut en celle chambre avecques Cueur d'acier, elle fist fermer l'huis, puis dist : Cueur d'acier, beau sire, mettez jus celle harpe, et si me dictes de quoy vous senvez à mon fils ; car je me doubte que vous soyez cheval de deux selles, Perceforest, t. III, f° 114. Ilz font les nopces sans bans et sans selles [sans formalité], Les 15 joyes de mariage, p. 103.

XVIe s. Pour ce ne se doit pas orgueillir qui siet en haute selle ; car Dieu a bientost abatu son orgueil, quant il lui plaist, Menard, Hist. de du Guesclin. p. 464, dans LACURNE. Ilz se lavoyent curieusement les mains et la bouche, puys s'asseoyoient sus une longue selle, Rabelais, Pant. V, 27. Ceux qui auront flux de ventre iront souvent à la selle persée, Rabelais, Prognostication. Les refformez furent les premiers qui eurent le cul sur la selle, en Poictou, en Dauphiné…, D'Aubigné, Hist. II, 424. Il sauta dans la selle [à cheval], D'Aubigné, ib. II, 451. Il l'empoisonna dans un potage qui luy fit faire quatre-vingts selles dans un jour, D'Aubigné, Mém. 1573-1575. Et se mit en l'eau jusqu'aux genoux, avec une selle, tenant un battoir à la main, et lave ses drapeaux bien et beau, Despériers, Contes, XXXVI. Ils jetent beaucoup de cholere [bile] par les selles, Paré, Introd. 6. Publius Satureius luy donna d'un pied de selle [banc] sur la teste, Amyot, Gracques, 28. Selon leur coustume [de certains Germains], il n'est rien si vilain et si lasche que d'user de selles et bardelles, Montaigne, I, 364.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. sella, selha, cella ; espagn. silla ; ital. sella ; du lat. sella, qui vient de sedere, être assis, par un diminutif fictif sedula.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SELLE. Ajoutez :
8 Terme de chemin de fer. Selle de joint, selle intermédiaire, synonymes de coussinet de joint, de coussinet intermédiaire, qui sont employés à maintenir les rails sur la traverse et par conséquent l'écartement constant des deux rails de la même voie ; les coussinets sont faits en forme de selle. La compagnie du chemin de fer central suisse met au concours la fourniture de 11 000 selles de joint, 27 500 selles intermédiaires, Journ. offic. 10 févr. 1874, aux annonces.