« soustraire », définition dans le dictionnaire Littré

soustraire

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soustraire

(sou-strê-r' ; la prononciation est irrégulière : elle devrait être sou-trê-r' ; au XVIe siècle, on écrit soubstraire et on prononce soustraire, PALSGRAVE, p. 26), je soustrais, tu soustrais, il soustrait, nous soustrayons, vous soustrayez, ils soustraient ; je soustrayais, nous soustrayions, vous soustrayiez ; point de parfait ; je soustrairai ; je soustrairais ; soustrais, qu'il soustraie, soustrayons ; que je soustraie, que nous soustrayions, que vous soustrayiez ; point d'imparfait du subjonctif ; soustrayant ; soustrait v. a.
  • 1Enlever quelque chose par adresse ou par fraude. Il a soustrait du dossier les pièces les plus importantes.

    Soustraire les aliments à un malade, lui retrancher quelque chose de la nourriture ordinaire.

    Soustraire des sujets de l'obéissance du prince, ou, plus ordinairement aujourd'hui, à l'obéissance du prince, les pousser à la révolte contre leur prince. Aucune possession, ni aucune jouissance ne peut en aucun temps être soustraite à l'autorité de la loi, Voltaire, Dict. phil. Droit canonique.

  • 2Préserver de. J'ai l'ordre d'Amurat, et je puis t'y soustraire, Racine, Baj. v, 4. Il [Joly de Fleury] a soustrait au châtiment des juges coupables, pour ne pas décrier la magistrature, Duclos, Œuvr. t. v, p. 275. Le parlement veut mettre Palissot au pilori ; et les protecteurs de Palissot le font exiler pour le soustraire au parlement, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 6 avril 1764.
  • 3 Terme d'arithmétique. Ôter un nombre d'un autre nombre. Soustraire une soustraction, c'est ajouter, comme nier une négation, c'est affirmer, Condillac, Lang. calc. II, 6.
  • 4Se soustraire, v. réfl. S'affranchir de, se dérober à. Aux grands périls tel a pu se soustraire, Qui périt pour la moindre affaire, La Fontaine, Fabl. II, 9. Les Phocéens, lorsqu'ils abandonnèrent leur patrie pour se soustraire à la domination de Cyrus, Condillac, Hist. anc. III, 16. Chaque cultivateur… pour se soustraire à la rigueur des impositions, Raynal, Hist. phil. XIII, 44. On peut écarter les réflexions ; mais on ne peut se soustraire au sentiment de ses maux, Genlis, Ad. et Th. t. III, p. 371, dans POUGENS.

    Se soustraire de, même sens (plus usité anciennement, aujourd'hui moins usité). Ces philosophes [les stoïciens] qui ont pu autrefois se soustraire de l'empire de la fortune, et, malgré les douleurs et la pauvreté, disputer de la félicité avec leurs dieux, Descartes, Méth. III, 4. Il [l'homme] s'est soustrait de ma domination, et, s'égalant à moi par le désir de trouver sa félicité en lui-même, je l'ai abandonné à lui, Pascal, Caract. de la relig. 17, édit. FAUGÈRE. Voulant commencer à me soustraire de sa domination, Hamilton, Gramm. 3.

  • 5Se soustraire aux yeux, aux regards, se retirer, s'éloigner. Et, m'ayant aperçue, Il a voulu d'abord se soustraire à ma vue, Th. Corneille, l'Inconnu, IV, 5. César pour quelque temps s'est soustrait à nos yeux, Racine, Brit. I, 2.

HISTORIQUE

XIIe s. Certes jai [déjà] estoit avespreiz, et jai estoit li jors encligneiz ; car li solos [le soleil] de justice s'estoit jai petit à petit sostrait, Saint Bernard, p. 527.

XIIIe s. Porce que la lune est graindre [plus grande] de la terre, avient il qu'ele puet soustraire la clartà du solel partot le monde, Comput, f° 14. Cil estoient soustrait de l'obedience de Rome, Villehardouin, XCVIII. … et por ce que li uns ovriers ne soustraie l'aprentiz à l'autre, Liv. des mét. 236. Volentiers [ils] l'eüssent soustraite, Et menée en aucun manoir, Rutebeuf, Ste Élisab. p. 166. Honneure et aime toutes les personnes de sainte esglise, et garde que en ne leur soustraie ne apetise leur dons et leur aumosnes que tes devanciers leur auront donné, Joinville, 301. Car ce qui est sien propre à tort li soustraions, J. de Meung, Test. 1668. Soustrere c'est tolir, Liv. de jost. 86.

XIVe s. Il convient celui qui veult estre gardé des ulcerations, que il se subtraie et esloigne de toutes les causes aidantes à ceste maladie, H. de Mondeville, f° 72, verso. Se [je] ajouste aucune fois jouste les ordonances des devant dis nos maistres, ou soustrai, H. de Mondeville, f° 4, verso. L'en en garist par le contraire, c'est assavoir par poines en substrahant delettations et donnant tristesce, Oresme, Éth. 38. Que lesdites letres ne feussent perdues ne soustraites, Bercheure, f° 28, verso. Dame… De grises nonnains à vous plaindre Nous venons, qui passer nous vuelent, Et se painent, quank'eles puelent, De nos amis de nous soustraire, Jean de Condé, t. III, p. 21.

XVIe s. J'essaye de soustraire ce coing à la tempeste publicque, Montaigne, III, 9. Ils soubtraient et desguisent leur vice à leur propre conscience, Montaigne, III, 112. Si s'en alla premierement contre les villes qui s'estoient soubstraictes de l'obeïssance des Romains, Amyot, Marcell. 39. Cleopatra cognoissant que Antonia lui en vouloit, et s'efforçoit de lui substraire Antonius, Amyot, Ant. 69. Soustraire c'est lever ou oster ung nombre mineur d'ung aultre majeur, pour sçavoir de combien le mineur est surmonté de majeur, De Laroche, Arismetique, f° 8.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. sostraire, substraire ; espagn. substraer ; ital. sottrarre ; du lat. subtrahere, de sub, sous, et trahere, tirer (voy. TRAIRE).